Athlétisme mondial:le jamaïcain Usain Bolt échappe aux suspicions de dopage, parce que sa morphologie est unique

LE SCAN SPORT – Alors qu’il écrase un sprint mondial égratigné par les scandales de dopage depuis des décennies, le sprinteur jamaïcain semble jouir souvent d’une présomption d’innocence à toute épreuve. Voici pourquoi.
bolt usainParce que sa progression a toujours été continue Usain Bolt ne fait pas partie des sprinteurs à la génération spontanée qui ont parfois débarqué sur les pistes avec des progressions suspectes. Le Jamaïcain est un surdoué précoce du sprint mondial et l’amélioration régulière de ses performances semble le mettre à l’abri des soupçons.

«Depuis que j’ai 15 ans, je suis performant.A 17 ans, j’ai battu le record du monde cadet. Je détiens le record du monde juniors depuis que j’ai 18 ans. J’ai accumulé toutes les médailles d’or possibles dans les championnats du monde cadets et juniors, aux Jeux panaméricains, aux Jeux caribéens… Je ne sors pas de nulle part. Depuis le début, j’ai été le meilleur. Pour moi, c’est une preuve suffisante de mon talent. J’ai fait des efforts pour être là où je suis. Regardez les faits, ils prouvent que je suis le meilleur. Je ne peux rien dire de plus», expliquait-il dans un long entretien accordé au Monde en 2013.

Parce qu’il séduit les médias et le public

La cote d’amour de Bolt avec les médias n’a jamais été aussi élevée. L’homme le plus rapide de la planète est «un bon client» pour les interviewers, donne l’image d’un sportif toujours décontracté et maîtrise aussi parfaitement sa communication. Les sponsors se l’arrachent à prix d’or. Quoi de plus logique car jamais un athlète n’avait autant ouvert le monde de l’athlétisme au grand public.

Malgré ses performances hors du commun, il avoue céder à certaines tentations comme le commun des mortels, lorsqu’il avoue en 2008 avoir ingurgité pendant les JO de Pékin plus de 1000 nuggets. Une révélation qui rapproche incontestablement d’un public qui ne veut plus aujourd’hui des machines froides du sprint mondial des années 90 ou des bad boys bodybuildés au regard de pit-bull.

Usain Bolt
Usain Bolt

Parce qu’il ne s’est jamais fait prendre pour dopage
A contrario de Justin Gatlin, pointé du doigt durant les Mondiaux, trainant comme un boulet ses deux suspensions pour dopage en 2001 et 2006 alors qu’il a payé pour ses erreurs (il refuse désormais de s’adresser aux médias britanniques), Usain Bolt n’a jamais vu son nom mêlé à une affaire de dopage depuis qu’il court. Il n’a jamais été inquiété alors que ses compatriotes Powell, Blake, Mullings ont été contrôlés positifs.

Officiellement propre donc, «la Foudre» tient un discours vertueux, concède que son pays accuse encore du retard dans la lutte antidopage en raison d’un manque de moyens et n’hésite pas à pointer sévèrement du doigt ceux qui se sont fait prendre par la patrouille comme Justin Gatlin «qu’il n’a jamais respecté». Bolt, qui peut être soumis à une quinzaine de contrôles chaque saison, clame haut et fort qu’il est un athlète «clean».

Parce que sa morphologie est unique
Usain Bolt diffère de beaucoup de sprinteurs «petits» et explosifs de moins d’1m80, qui misent sur un départ canon et une mise en action ultra-rapide pour prendre l’avantage sur leurs adversaires. Mesurant 1,95 m, Bolt ne peux pas toujours rivaliser dans ce domaine mais peut s’appuyer sur une foulée hors du commun (41,5 sur un 100 m en 2009 alors que Tyson Gay, son grand rival à cette époque en développait 44 en 2009) qu’il parvient en plus à maintenir à une fréquence extrêmement rapide.

Bolt présente aussi la particularité d’avoir une jambe plus courte que l’autre. Une singularité qui pourrait, selon certains chercheurs, lui donner un avantage biomécanique. Des scientifiques mexicains ont tenté de percer les secrets du sprinteur qui a toujours refusé de jouer les cobayes pour ce type d’expertises. Ils en ont déduit en 2013 que Bolt développait une puissance maximale de 2620 watts après 0 »89 de course mais aussi que l’athlète était loin d’être parfait sur le plan aérodynamique. Sa taille le rend, du coup, plus sensible aux variations atmosphériques et au vent contraire ou favorable.

Parce qu’il se préserve et écoute son cbolt usainorps
En 2014, Usain Bolt a quasiment signé une saison blanche en raison d’une blessure au pied. Le Jamaïcain écoute son corps «vieillissant» de 29 ans, prend le temps de se soigner même si la guérison s’éternise et ne précipite jamais son retour à la compétition. Il s’accorde aussi de larges plages de récupération qui pourraient être réduites avec l’utilisation de produits interdits permettant notamment de mieux encaisser les charges de travail. ll n’a pas la réputation non plus de collectionner les meetings à une fréquence inhumaine en courant après les cachets.

Et pourtant, tous les doutes ne sont pas levés
Usain Bolt n’a toutefois pas levé tous les doutes sur ses performances. Certains scientifiques ont d’ailleurs vu d’un œil suspect son impossible record en 9 »58 établi en 2009 alors que d’autres estiment a contrario que l’homme n’a pas atteint ses limites. Celles-ci ont été fixées aux environs de 9 »40.

Bolt n’a certes jamais été contrôle positif mais des interrogations reviennent régulièrement sur sa collaboration avec le docteur Hans Müller-Wohlfahrt, l’ancien médecin du Bayern Munich aux méthodes douteuses. Surnommé «Frankenstein» par l’Usada, l’agence antidopage américaine, cet Allemand remet sur pied des athlètes avec des remèdes faits à base de sang de veau ou de bouc… Mais Bolt, qui continue de faire appel à lui pour soigner ses blessures, l’a toujours énergiquement défendu.

Enfin, comment ne pas rester sur ses gardes lorsqu’on sait que Carl Lewis, qui a suspecté Bolt de dopage, fut probablement protégé pendant des années par les hautes sphères de l’athlétisme américain et mondial. Son contrôle positif en juillet 1988 aux sélections US, contrôle qu’il a lui-même confessé des années plus tard, avait été étouffé par les Etats-Unis trop accroché à leur super héros pour en faire un Ben Johnson bis. On n’ose imaginer alors la portée des dégâts qu’occasionnerait un contrôle positif de la vitrine jamaïcaine pour l’athlétisme. Une déflagration dont ce sport, déjà gangréné par les affaires de dopage, aurait du mal à se relever.

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