QUAND POUTINE DICTE LES REGLES DU JEU MONDIAL

« La réponse ferme et rapide de Moscou change pour toujours le grand échiquier. Incapable d’arracher des assurances fermes à ses partenaires atlantistes de Washington, le Français a paru vaciller. Cela a-t-il poussé Hollande vers Poutine ?

POUTINE
POUTINE

Les événements se sont enchaînés très rapidement après qu’un chasseur F16 turc a abattu un bombardier russe Su-24 au-dessus du territoire syrien, à proximité de la frontière turque. Cet acte a été qualifié de «coup de poignard dans le dos» des Turcs par le Président russe Vladimir Poutine.

Les autorités et le public russes sont particulièrement courroucés par la mort de l’un des pilotes, et plus encore par les vidéos du corps de l’un d’eux traité avec un mépris total par des terroristes turkmènes dans le nord de la Syrie-l’un des groupes dont on sait parfaitement qu’il est parrainé par la Turquie. Pour les Russes, il semble que la ligne rouge a été franchie et qu’ils ne toléreront aucune agression contre leurs forces sans conséquences et représailles graves. Pour prouver que les actes valent mieux que les paroles, des avions russes ont férocement pilonné la région syrienne où se trouvait ce groupe de terroristes particulier, et des systèmes réputés de défense antiaérienne S-400 ont été immédiatement déployés sur la base aérienne russe de Khmeimim, près de la ville syrienne de Lattaquié.

Ce système a immédiatement modifié l’équilibre des forces dans la région, car sa portée de tir dépasse le territoire syrien. Inutile de dire que d’autres retombées ont été décidées par les autorités russes, par exemple, un embargo économique, allant des importations de volaille et accords gaziers, au tourisme. »

syri turcL’OTAN frappée par une certaine congélation observe, impuissante.

En défendant la Syrie, Poutine semble défendre son territoire, voire l’unique espace vital qui lui reste encore au Moyen-Orient. En quelque sorte, il tend à maintenir coûte que coûte dans la région un dirigeant légitime quoique dictateur. Dans cette optique, il table sur le contexte bouillonnant de cette dernière crise de migrants. Une approche pragmatique qui se base sur le fait que les conséquences seraient peut-être plus dramatiques si la Syrie tombe dans un chaos total comme celui de la Libye post-El-Gueddafi (il revient en fait sur la stratégie de la normalisation autoritaire longtemps privilégiée par ces occidentaux-là eux-mêmes comme mode de gestion de leurs rapports avec les pays arabes et le Tiers Monde en général). Dans un tel scénario dessiné bien sûr dans les rouages du Kremlin, les flux de migrants ne cesseront jamais d’envahir cette Europe-citadelle transie par la peur des étrangers.

Cette tactique a plus ou moins porté ses fruits : angoisse dans l’autre camp (les alliés) à l’idée de se voir encore submerger par ces marées humaines en détresse, fuyant la guerre et les exactions pour un eldorado européen qui n’est guère en pleine forme comme avant. En effet, la consternation qu’a provoquée dans l’opinion publique européenne la photo du petit Aylan mort noyé sur une plage turque a poussé tous les dirigeants du vieux continent à chercher une solution d’urgence à la question des réfugiés. Poutine l’aura bien compris. Et d’une pierre, il en a tiré deux coups. Machiavélique!

En conséquence, il serait urgent, si Obama et consorts veulent bien y remédier, de s’atteler sous l’égide russe à la formation d’une coalition internationale contre l’Etat islamique (E.I) à laquelle se joindra forcément Al-Assad. Pierre d’achoppement de taille : Poutine chef et Al-Assad allié? C’est trop encombrant pour cette conscience occidentale «amatrice» occasionnelle des droits de l’homme! En tout cas, selon Moscou, c’est Daesh qui est derrière l’anarchie actuelle en Syrie.

 guere« LES MUSULMANS SONT LES PREMIERES VICTIMES DE DAECH », ESTIME L’AMBASSADEUR DU QATAR A PARIS

Au dernier G20, qui s’est tenu en Turquie il y a quinze jours, un rapport a été publié sur la liste des pays qui ont obtenu des résultats dans la lutte contre le financement du terrorisme. Le Qatar n’y figure pas. Pourquoi?

Notre combat dans ce domaine est ancien mais la dernière initiative que le Qatar a prise date de l’an dernier, en 2014, avec une loi interdisant d’envoyer des fonds à des organisations humanitaires à l’étranger suspectées de financer le terrorisme. Nous avons aussi promulgué une loi qui interdit d’utiliser les réseaux sociaux sur Internet pour financer des activités suspectes. Nous avons ainsi fermé cette année le site Madad Ahl Al-Sham, qui servait à financer des factions extrémistes en Syrie. Nous sommes donc déterminés à combattre Daech et à combler les lacunes qui ont pu exister par le passé. En interne, nous avons également restructuré notre agence antiterroriste.

Le Qatar fait partie de la coalition contre Daech. Avec des moyens militaires?

Le commandement de cette coalition militaire dirigée par les États-Unis est situé sur le sol qatari. Nous avons des moyens militaires qui sont mis à sa disposition si elle nous en fait la demande. En ce qui concerne le soutien à l’opposition syrienne, nous intervenons politiquement et logistiquement pour qu’elle puisse se défendre dans le cadre de ce qui est décidé par le groupe des Amis de la Syrie.

Qatar_pics_390Le président François Hollande essaie de mettre sur pied une coalition exclusivement dédiée à la lutte contre Daech. Y êtes-vous favorable?

C’est une grande idée. Nous considérons que Daech est une menace pour le monde entier, y compris pour nous les musulmans. N’oubliez pas que les musulmans sont les premières victimes de Daech. La Russie est l’amie du monde arabe mais elle ne peut faire partie de cette coalition unie que si elle cible uniquement Daech.

Le Qatar finance-t-il des mosquées ou des organisations musulmanes en France?

Contrairement aux rumeurs et aux accusations de toutes sortes, pas une seule. Le Qatar ne souhaite pas s’ingérer dans les affaires intérieures françaises ni dans ce débat sur l’islam de France.

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