ABIDJAN :APRES SON ACCOLADE A SORO, LA GROSSE  EXPLICATION DE MICHEL GBAGBO «La réconciliation n’a même pas encore commencé ; Je suis un soldat du président Laurent Gbagbo»

« La réconciliation, c’est quoi ? C’est le retour du président Gbagbo en Côte d’Ivoire, la libération de Simone Gbagbo, celle du ‘’général‘’ Blé Goudé, celle des 250 personnes encore emprisonnées, le retour des exilés, la restitution des faits et accessoirement le dégel des comptes, etc. Voilà des gestes forts qu’on recherche ; des gestes qui doivent impacter au minimum le processus de réconciliation pour permettre de construire une paix durable en Côte d’Ivoire » déclare Michel Gbagbo son interview d’explication et de mise au point. Suivez-le attentivement. INTERVIEW

  MICHEL GBAGBOQuand nous avons sollicité cette interview, lundi, au téléphone, vous avez souhaité vous en remettre à un «système» avant de parler à Nord-Sud Quotidien. Est-ce à dire que vous vouliez d’abord consulter ce système ?

C’est de manière très poli que je l’ai fait, pour dire que j’étais véritablement très occupé. J’avais énormément de rendez-vous mais je suis à votre disposition.

Merci de nous accorder cette interview.

Bien, c’est un grand plaisir…

Samedi, que s’est-il véritablement passé au Palais de la culture ? Est-ce de façon volontaire et délibérée que vous êtes allé faire accolade à M. Guillaume Soro ?

Vous avez vu deux hommes qui se sont salués de manière civilisée, et africaine. Certainement que le président Soro est un homme très démonstratif. Sinon, une accolade, ça n’a pas de justification cognitive.

Vous avez trouvé l’homme démonstratif ?

J’ai dit sans doute que M. Soro est un homme démonstratif. Donc il y a eu une accolade ; il n’y a pas de justification outre mesure. 

 Par «démonstratif» est-ce que vous dites qu’il en a-t-il fait trop ? Que vous n’espériez pas cela; et que vous vouliez juste exprimer de simples civilités ?

Chacun s’exprime à sa manière, je n’ai pas d’autres commentaires à faire.

Quel commentaire faites-vous alors de la réaction du président de l’Assemblée nationale ce jour-là ?

C’est la même question Monsieur. Je ne suis pas à sa place. Il est mieux placé pour vous répondre.

michelRegretteriez-vous une théâtralisation de la scène ?

Si une accolade est l’objet de questions d’un journaliste, voire de tumultes après-coup, c’est qu’il y a problème dans notre société où les plaies sont encore béantes. Il va falloir résolument et avec courage panser ces plaies.

Quand deux personnalités politiques rivales s’étreignent ainsi dans la joie devant un public médusé, ne faut-il pas concéder à cette assistance qu’elle interprète à sa façon le geste ?

Oui, c’est cela. Il y a un accueil mitigé. Nombreux sont ceux qui ont acclamé, nombreux sont également ceux qui ont désapprouvés, il me semble. Alors, la vraie question, c’est pourquoi est-ce que cet accueil est mitigé. C’est bien parce que la Côte d’Ivoire a été fractionnée : la Côte d’Ivoire est divisée. Mais derrière cela, il y a une grande attente de justice et de réconciliation.

Saviez que M. Guillaume Soro viendrait à ce concert Zouglou puisqu’il y avait été annoncé. Est-ce qu’avant de quitter votre résidence vous vous êtes dit : « Si le rencontre je lui fais une accolade, je le salue… » ?

Ah, je vois… Vous voulez me poser la question de savoir si j’avais prévu d’aller lui faire une accolade. Non, je ne me suis rien dit du tout. Je suis allé écouter Yodé et Siro, j’y suis allé pour écouter du Zouglou, une musique de revendication depuis 1990. Bon, j’ai salué le président et les ministres. C’est un acte de civilité.

Dans les colonnes d’un confrère, vous dites : «j’ai salué l’institution, pas l’homme en tant que tel ». Comment comprendre ces propos ?

Oui, c’est bien ce que j’ai dit précédemment. J’ai salué les ministres et j’ai salué le Président Soro. Ils sont des hommes d’Etat.

gbagbo michelEst-ce que ça veut dire qu’en d’autres circonstances Michel Gbagbo ne saluerait pas l’homme Soro ?

Votre insistance démontre à tout le monde qu’il y a un problème. Plutôt que de parler d’une accolade, il me semble plus important que nous discutions des problèmes de la Côte d’Ivoire qui font qu’une salutation entre Ivoiriens soulève une polémique. Nous avons avant tout un problème de réconciliation.

Que doivent retenir les Ivoiriens finalement de cette image d’un opposant bras dessus bras dessous avec un homme du pouvoir auquel il est opposé par un différend juridico-politique ?

Rien de particulier mais c’est surtout les réactions des Ivoiriens qui sont intéressantes. Elles démontrent qu’il y a une attente en termes de réconciliation. Premièrement, il y a ce besoin de réconciliation. Et deuxièmement, il y a le fait que les blessures sont ouvertes. Cela interroge le processus de réconciliation en Côte d’Ivoire. Nous sommes aujourd’hui dans un processus vicié car il manque un chainon à ce processus, le Président Laurent Gbagbo. Laurent Gbagbo est dans la conscience collective. Il faudrait qu’un jour ou l’autre, le gouvernement se rende compte de cela et qu’il mette fin à l’injustice dans ce Pays.

La réconciliation nationale est un chantier dont l’achèvement nécessite l’implication des hommes politiques. Doit-on considérer que Michel Gbagbo a initié une démarche de rapprochement dans ce sens ?

La réconciliation n’a même pas encore commencé. Les populations ont leurs réactions qui expriment un manque, un besoin de réconciliation. La réconciliation, c’est quoi ? C’est le retour du président Gbagbo en Côte d’Ivoire, la libération de Simone Gbagbo, celle du ‘’général‘’ Blé Goudé, celle des 250 personnes encore emprisonnées, le retour des exilés, la restitution des faits et accessoirement le dégel des comptes, etc. Voilà des gestes forts qu’on recherche ; des gestes qui doivent impacter au minimum le processus de réconciliation pour permettre de construire une paix durable en Côte d’Ivoire.

Le rapprochement entre autres gestes forts ne devrait-il pas être aussi une initiative de la part des personnes qui réclament les actes que vous venez de citer ?

michelC’est pour cela que le Front populaire ivoirien (FPI, ndlr) auquel j’appartiens, a toujours demandé au gouvernement qu’il y ait des négociations de paix, des actes concrets, qui portent les aspirations des populations. Ce n’est pas le fait que deux hommes se soient donné une accolade qui est important. Encore que là, ce n’est pas au cours d’un colloque. Ce sont plutôt les réactions des populations à cette accolade.

Le fait que vous-mêmes vous m’interrogiez, c’est ça qui est important. Pourquoi interroger une personne parce qu’elle a salué une autre ? C’est bien parce que le pays est divisé et que dans la conscience collective, c’était quelque chose d’inimaginable. Mais pourquoi le pays est divisé ? C’est parce qu’il n’y a pas de paix, pas de réconciliation ; parce que les blessures sont ouvertes. Et là je vous dis ce que j’ai déjà dit.

Vous n’admettez donc pas que les populations, qui vous ont acclamé, soient soulagées d’avoir vu un signal fort de votre part, vous, fils d’un ex-président détenu autour duquel tourne, d’après des observateurs, la réconciliation nationale?

Ce n’est pas autour de ma petite personne que se fera la réconciliation. Il y a bien quelqu’un qui cristallise tout cela, c’est Laurent Gbagbo. Les populations ont certainement exprimé leurs aspirations à travers leurs réactions. Derrière cela, il y a ce besoin de réconciliation. Une réconciliation qui doit se construire avec des actes concrets. Donc il est important que le Front populaire ivoirien et le gouvernement trouvent des voies et moyens pour pouvoir régler tous les problèmes qui se posent aux Ivoiriens.

Michel, à vous entendre, on a l’impression que vous ne voulez pas du tout que les Ivoiriens retiennent que Michel Gbagbo a posé un acte important, de nature à cicatriser des blessures dues à la crise postélectorales. Est-ce bien cela ?

Une salutation n’est qu’un épiphénomène qui n’a rien à voir avec la réconciliation, en tout cas en ce qui concerne le cas de la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui. Les populations je le répète sont en attente de réconciliation. Il ne faut pas s’arrêter là. Il faut à présent que le gouvernement et le Front populaire ivoirien s’asseyent pour discuter franchement et trouver des solutions pour une paix durable en Côte d’Ivoire.

MICHEL GBAGBODe samedi à mardi, est-ce que vous avez eu à vous parler, vous et M. Soro ? Vous a-t-il contacté ou en avez-vous fait autant ? En somme, est-ce qu’il y aura une suite ?

Un de vos confrères m’a dit que le président a fait une déclaration à la presse, disant qu’on se verrait dans les jours qui viennent. Il m’a demandé ce que j’en pensais. Je lui ai dit que je n’en avais été formellement informé. Et que dès j’en serai formellement informé, j’aviserais.

Alors quand vous dites qu’ «il ne faut pas s’arrêter là» parlant des actes de réconciliation, cela ne devrait pas vous disposer à donner une suite à la scène du samedi ?

Celui avec lequel il faut discuter, c’est celui en qui au moins 46% des Ivoiriens se reconnaissent. Le principe est que tous les Ivoiriens, de la femme Baoulé au paysan Guéré spolié de sa terre, doivent participer au processus de réconciliation nationale. Mais ce processus reste avant tout politique.

Dès lors, c’est une attente…

Pas que j’attends mais comme le Président Soro a fait une déclaration je ne peux que dire cela. Lorsque je serai formellement invité j’aviserai. Sinon, je n’attends rien : je ne suis pas demandeur.

Tout Ivoirien est demandeur de la réconciliation nationale. Ce n’est pas parce qu’on est Michel Gbagbo qu’on n’est pas demandeur. Non ?

mmmiicCette éventuelle rencontre ne symbolisera pas la réconciliation. Je ne suis pas demandeur d’une rencontre avec le Président Soro Guillaume. Lorsque le président Soro Guillaume m’invitera formellement, j’aviserai.

Que fait Michel Gbagbo à son humble niveau pour booster la réconciliation nationale ?

Je suis un soldat du président Laurent Gbagbo et je travaille à sa libération. Partout où je suis, je demande que les libertés civiques soient respectées en Côte d’Ivoire ; la liberté de réunion, la liberté d’appréciation, la liberté d’expression. Et comme je l’ai dit au Palais de la Culture, je demande la libération de tous les étudiants. Leur place n’est pas en prison, mais dans les Amphis.

Source Nord sud :Michel Galylafrance politologue français.

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