Abidjan-Enquête : Au Trésor public ivoirien, 9 ans plus tard, qui brûlait les coffres forts de l’Etat ?

par HERVE MAKRE

Ces  enquêtes qui sont sans suite, la Côte d’Ivoire en connait des plus rocambolesques au plus irritantes. Avec les  mêmes acteurs qui simplement se déplacent, de départements en départements, depuis plus d’une décennie. C’est que dans la nuit du 27 au 28 septembre 2007, les services Agence Comptable Centrale sont dévastés par un immense incendie. Un incendie destiné à visiter uniquement les services des coffres forts de l’Etat. Neuf ans, après on ne saura jamais, la main de ce pyromane.
incendie
Le solde du compte 531.1, selon quelques documents, trouvés après le passage du feu a bien évidemment présenté un solde débiteur de 114 millions 179 mille 320  FCFA relativement à la disponibilité liée à la balance  provisoire des comptes de la gestion 2007 arrêtée au 31 décembre  2007 et de  la balance  provisoire de 2008  arrêtée au 5 mars 2008.

C’est en mars 2008 que les inspecteurs vérificateurs commissionnés par l’inspecteur général du Trésor, après la passation des charges de services entre  Kadio Boni ((le sortant, Mle058-T, alors Agent Comptable Central du Trésor qui était  à ce poste du 12 juin 2001 au 21 mars 2008, après avoir prêté serment, le 16 mars 1994) et Kalou Emmanuel, le rentrant intérimaire, Mle239-584-T, venant d’Abidjan nord, nommé par arrêté n°127/mef/dgtcp/ce, du 17 mars 2008.

La passation des charges se fera donc autour  des disponibilités, des situations comptables, des situations diverses, après le feu !Et c’est là qu’ils feront de merveilleuses découvertes qu’ils ont bien classées. Mais,avant leurs découvertes, les coffres forts, eux ont déjà été découverts et ouverts. abidjanTop secret !

Etonnante  ouverture des coffres forts

Tout s’est passé, le 1er octobre 2007. Trois (3) jours après le feu. Il est 9 heures 30 minutes, quand Adama Touré, alors Inspecteur vérificateur principal et chef de mission débarque à  l’Agence comptable centrale du Trésor avec son équipage composé de: Koffi Mian Kouadio, Amani Yao Joachim et N’da Kichedou Lucas. Tous, inspecteurs vérificateurs principaux.

Ils peuvent donc  procéder  à l’état des  lieux d’abord, puis, à l’ouverture des coffres forts de  l’Agence. Et là, sous  les regards, outre de ceux de Djédjé Mama Simone, alors directeur général adjoint du Trésor public  ivoirien (encore  hors du pays. Mais qui était déjà Dg du trésor ? Ne dites surtout pas que c’était Charles Diby Koffi !), il y avait ceux d’un certain Adama Koné,alors DGA (qui est-il aujourd’hui ?) ou encore, Togba Norbert, alors inspecteur général, ZogboGuina, lui agent judiciaire du Trésor, Koffi incendie-tresorN’guessan, fondé de pouvoir à l’ACCT ; mais aussi deux lieutenants de la police économique, l’officier Koné Tiécoura et l’officier Balou Emmanuel.

Mais  parmi les inspecteurs vérificateurs principaux qui étaient  commis à l’ouverture des coffres forts, seul Adama Touré est présent ce jour-là, après le passage des charges pour l’état des lieux. Quel est son poste aujourd’hui ?

Les membres de la mission constatent effectivement avant de faire sauter les verrous des coffres forts que le feu a fait  un ravage dans les locaux. Mais, ils sont formels et s’en souviennent comme si c’était, hier : «Les trois coffres forts des bureaux de l’Agent Comptable Central du Trésor et ses deux Fondés de pouvoirs n’ont pas été endommagés».

A l’ouverture ce  jour-là, ils décident de  procéder à l’inventaire et au décompte du contenu des coffres forts dans la salle de  conférence Oumar Diarra (il  vous dit ?) de la même direction générale du trésor et de la comptabilité publique.

diby-koffiIls découvrent la somme physique de 105 millions 25 mille FCFA, sortie dans le coffre-fort installé dans le bureau du Fondé de pouvoirs à l’Agent Comptable Central du Tréor, Koffi N’guessan; puis, 22 millions 15 mille FCFA, récupérés dans le coffre-fort installé dans le bureau de Touré Kafouba lui aussi, Fondé de  pouvoirs de l’Agent Comptable Central du Trésor; il est absent, lors du déboulonnage de son coffre-fort. Et encore, 109 millions 480 mille F CFAretrouvés dans le second coffre-fort installé dans le bureau de Touré Kafouba.

Ce jour-là, des chéquiers et d’autres documents  aussi  inutiles que  brouilleurs de  pistes  ont été découverts et vus. Mais dans des conditions de feu, y avait-il des possibilités de voir loin dans la fumée pour un rapprochement de vérification entre des arrêtés comptables et des disponibilités physiques découverts ? Fumée !

Ils parlent

tresorkone-1Mais les vérificateurs du jour peuvent émettre  de terribles remarques: «Si le contenu du coffre qui était installé dans le bureau de Koffi N’guessan  a été entièrement  été épargné par l’incendie, il n’en est pas  de  même du contenu du coffre-fort de Touré Kafouba dont une partie de fonds a été détruites en cendres. Le montant de cette partie réduite en cendre n’a pu être déterminée». Bien vu ! Vous y comprenez quelque chose?

Souvenir plus haut, les vérificateurs sont formels sur l’état des coffres l’Agent Comptable Central du Trésor:«Les trois coffres forts des bureaux de l’Agent Comptable Central du Trésor et ses deux Fondés de pouvoirs n’ont pas été endommagés».Comment comprendre ces deux pas du tango qui sans feu  découvrent de  la cendre dans les coffres forts? Au feu !

A cette époque, le l’Agent Comptable rentrant d’intérimaire ne pouvait qu’émettre des réserves sur les opérations initiées par son prédécesseur. Et la suite… Rideau  sur les incendies qui déciment les différents coffres forts des départements du ministère de  l’Economie  et des Finances! On repart avec les mêmes ?

ciam-0000Plus rien après le feu ?

Ainsi dès l’incendie de l’Agent Comptable Central du Trésor, il a été décidé que l’encaisse physique sera gardée pour une partie chez letrésorier général d’Abidjan nordet pour et une partie, à la trésorerie générale d’Abidjan sud où se trouve le coffre de l’ACCT. A cette époque-là, les envoyés de  l’inspecteur général qui se  sont rendus sur les lieux ont constaté, après le passage du feu, l’existence effective de fonds.

114 millions 179 mille 820F CFA, composés de devises de billets détériorés, y compris une avance sur frais de mission au cabinet du ministère de l’Economie et des finances d’alors. Cette mission révèle qu’une partie de  l’encaisse numéraire est  constituée de  billets détériorés par le feu au 12ème étage des Finances. Ce qui vaut leur incinération.

Mais par rapport à l’encaisse numéraire établie par l’inspecteur général du trésor, le procès-verbal de constat du 9 octobre 2007 ressort un montant de 83 millions 010F CFA qui n’est plus dans la caisse. Une vraie merveille !

Interpellé sur le fait, le trésorier  général d’Abidjan qui avait la garde des fonds depuis le fameux  incendie, pouvait lancer sans soucis : «Frais de  mission payé aux agents chargés de contrôle de la balance de gestion 2007 : 30 millions FCFA», et comme  pour décharge une simple feuille de papier rame pour y écrire : «Je soussigné, Koffi N’guessan, Fondé de pouvoir  à l’AC CT, reconnais avoir reçu  de M. Noufé, Fondé de pouvoirs à la TGAN, la somme de 30 millions  francs représentant les frais mission de contrôle des balances provisoires des pc…, le 11 octobre 2007…».

incendieLes décomptes continuent avec le trésorier général

53 millions 010 F CFA ont été remis à l’Agent Comptable Central du Trésor.Les examens bancaires ont  porté l’examen des comptes bancaires ouverts à la BCEAO et dans        27 banques commerciales selon l’ex-comptable. 24 banque à la BCEAO où il a été constaté que 15 d’entre elles ne disposent d’aucun relevé bancaire. Mais  le comptable peut se défendre en accusant la BCEAO de tarder à répondre aux sollicitations adressées depuis le 10 octobre 2007.

En ce qui concerne les autres comptes à la BCEAO, normalement, en dehors des comptes séquestres sur lesquels l’Agent Comptable Central du Trésor n’a pas    pouvoir de signature, tous les autrescomptes devraient eux être justifiés par un certificat de concordance bancaire. Mais selon le grand garant pour la raison d’incendie des 27 et 28 octobre 2007.

Les concordances n’ont pas pu être établies par le comptable sortant. Un fumant argument ! Puisqu’il explique aux enquêteurs qu’un  nouveau logiciel est en installation. Mais la crise de 2010-2011passant  par-là, fait dire aux nouveaux agents comptables que les relevés fournis n’étaient pas fiables pour l’établissement de concordances  bancaires.

Les contrôleurs  peuvent alors conclure que les soldes de ces comptes ne sont  pas vérifiables et peuvent recommander de nécessaires investigations pour confirmation des soldes affichées par lesdits comptes. Et la suite ? Le feu est  passé  par-là ! Tout est consumé !

Concernant les comptes commerciaux, ils ont été ouverts à la Banque National d’Investissements. La concordance y établie, le 31 décembre 2007 fait ressortir un solde du relevé bancaire: 1.691 417 FCFA et solde balance provisoire des comptes; 3 milliards 695 millions 60 mille 029 F CFA, avec une différence de 3 milliards 695 millions 968 mille 612 FCFA.

Immeubles-des-banques-de-la-BCEAO-et-Versus-Bank-dans-le-quartier-du-plateau.1Les  inspecteurs n’y comprennent plus rien. Et vous ? Mais  un justificatif tenace est brandi  ou sorti : «Le feu a réduit en cendres  les  pièces justificatives permettant d’expliquer cette différence», indique l’Agent Comptable Central du Trésor. Belle histoire !

Mais  il ne s’arrête pas ! Il affirme que, le depuis le 24 octobre 2007, il avait demandé sans succès  à la BNI de  lui fournir  un relevé historique du compte en vue de  mener des recherches sur l’origine de cette différence. Duran sept  mois confie-t-il, la banque a refusé de  lui donner ce dont il a besoin. Pourquoi ?

Du côté des soldes résiduels à la balance de certains comptes assimilés clôturés, dont le compte 512.91 Bceao, voici la situation qu’ils présentaient: balance sortie au 31 décembre 2007, solde 36 milliards 184 millions 945 mille 299F CFA, flux gestion au 5 mars 2008.

Selon  le comptable sortant,  c’est  le solde consolidé des autres comptes ouverts dans la banque centrale en dehors du compte principal et des comptes de séquestres.Mais n’omettant pas d’indiquer que les pièces justificatives ayant été détruites  par le feu de la nuit du 27 au 28 octobre 2007,  il lui est donc  impossible d’établir les éléments chiffrés qui constituent ce solde.

Ah, au feu !La  mission n’a donc  pu  obtenir du comptable sorti, la liste des certificats de concordance concernés. Mais  une  petite surprise, c’est que le comptable partant se souvient qu’il existe dans ce solde, un montant de 30 milliards FCFA qui résulterait d’une erreur  de comptabilité dans le cadre d’indemnisation des victimes des déchets toxiques du Probo Koala. Koné Cheick Oumar, n’a pas su l’existence de ce fonds ?

incendiePour le compte 522, l’Agent Comptable Central du Trésor explique que c’est  le consolidé des comptes séquestrés, mais  pour cause de feu,  il ne saurait fournir la liste des comptes bancaires concernés, encore  moins les relevés  bancaires desdits comptes.

Toutes les explications, lors de la passation des charges données par l’Agent Comptable Central du Trésor à cette époque n’ont pu être étayées par  aucune pièce comptable justificative, concernant les comptes résiduels des comptes bancaires ou assimilés qui ont été clôturés, exemple, les n° 512.91 ou 513 ; 522… Si, le feu !

incendie-tresorMais il peut paisiblement se reposer du ministère de l’Economie et des Finances,  au ministère des Affaires Etrangères où Charles Diby Koffi autrefois l’a accueilli. Puisque, le feu du 27 au 28 octobre 2007 a tout ravagé au 12 étage de  l’immeuble B de la cité financière, et aussi dans la mémoire collective autour de ces incendies dont les enquêtes ont été closes sans jamais avoir été ouvertes. On a tourné, depuis la page avec les mêmes serviteurs qui  plastronnent au sommet de l’Etat.

HERVE MAKRE

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