Côte d’ivoire-La Tribune de Geoffroy Kouao : à quoi sert dans une démocratie une déclaration gouvernementale à l’occasion d’une crise sociale?

CECI RELÈVE DE LA GOUVERNANCE A L’ANCIENNE

A l’observation, la crise  sociale et militaire qui secoue  la côte d’ivoire, actuellement,  a le mérite de monter,   au monde,   la nature du système politique ivoirien.  Dans une démocratie, par exemple en France ou tout près de nous au Ghana voisin, cette crise aurait donné lieu à des débats publics contradictoires, à la télévision, à la radio, dans la presse écrite   ou en ligne.


kouaoEntre le ministre de la fonction publique et les leaders syndicaux, ou entre le chef  du gouvernement et  les responsables politiques de l’opposition ou encore entre les membres du gouvernement et les intellectuels. Ces différents débats publics contradictoires auraient permis à l’opinion publique  ivoirienne d’avoir une lisibilité et une visibilité de la situation  et prendre position pour départager les protagonistes sociaux voire politiques.

A quoi sert, dans une démocratie, une déclaration gouvernementale à l’occasion d’une crise sociale ? Ceci relève de la gouvernance à l’ancienne. C’est une conception médiévale de la gestion de la chose publique. Le problème est d’une gravité extrême. Pendant des jours, l’armée est sortie des casernes  pour troubler l’ordre public.  Les  ivoiriens ont le droit de savoir si leur armée est toujours républicaine ou non.

Les fonctionnaires observent une grève depuis plus d’une semaine. Les services publics, pierres angulaires de l’Etat,  sont paralysés. Les ivoiriens ont le droit  de savoir si le service public peut toujours satisfaire les exigences de l’intérêt général.

A ces préoccupations,  des simples communiqués ou des rencontres avec les grévistes ne suffisent pas. Les deux piliers de l’Etat (l’armée et le service public) sont gravement atteints. La question dépasse le cadre de l’exécutif  pour interroger tous les citoyens. Dans l’espèce, seuls les débats publics  contradictoires entre  le gouvernement, les opposants, les intellectuels et les leaders syndicaux sont politiquement corrects et prennent une valeur, démocratiquement,  curative.


mouvement populaire kouao
Mais pourquoi nos gouvernants ont-ils tant peur des débats publics contradictoires ?

Quel est le mérite d’un homme politique en dehors du débat public contradictoire ?  Le débat public contradictoire est le seul critère d’évaluation de l’intelligence politique  et permet un meilleur casting du personnel politique dans une démocratie.

Je suggère  aux journalistes de ne plus donner la parole aux hommes politiques  en dehors du débat public contradictoire. Par exemple, si un ministre ou un leader de l’opposition  veut parler trouvez lui un contradicteur. Seul le président de la république, parce qu’incarnation vivante  de l’unité nationale (article 54 de la constitution),  peut s’exprimer sans contradicteur.

20170107bouake 592x296 1483787414Cependant, dès qu’il finit de s’exprimer,  dans les secondes qui suivent,  la parole doit être donnée aux contradicteurs pour éviter la propagande politique et la pensée unique. Et c’est ce que nous voyons tous les jours à la télévision, que nous écoutons à la radio, et lisons dans la presse écrite dans les démocraties occidentales et africaines (Sénégal et Ghana).

Maintenant, j’attends le débat public contradictoire, relativement à la crise actuelle, entre le ministre de la fonction publique et les responsables syndicaux de la fonction publique ; le débat public contradictoire entre le premier ministre et les responsables politiques de l’opposition ; le débat contradictoire entre les membres du gouvernement et les intellectuels. Oui j’attends, parce qu’ainsi fonctionne une démocratie. Oui j’attends, mesdames et messieurs les journalistes prenez vos responsabilités.

Geoffroy-Julien Kouao

Juriste-écrivain et Analyste politique.

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