Lybie-Zimbabwe-Geoffroy Kouao :«Mugabé, 93 ans a pensé que le pouvoir était sexuellement transmissible…Nos gouvernants doivent montrer qu’on peut s’épanouir chez nous»

 Zimbawe :«CECI RELEVE DU VERTIGE DES SOMMETS » 

L’Ivoirien Géoffroy-Julien Kouao Juriste, analyste politique et écrivain, dans cet entretien accordé au journal ledebativoirie.net fait un décryptage des deux grandes actualités qui dominent le continent africain : la succession du presque centenaire président zimbabwéen, le vétéran Robert Mugabe. Puis, la situation intenable de trafic humain  qui se déroule en Lybie, ex-pays du colonel Mouammar Kadhafi sorti du jeu politique par l’OTAN sur ordre de la France de l’ex-président errant, Nicolas Sarkozy.

julien kouaoLedebativoirien: Geoffroy-Julien Kouao, que se passe-t-il réellement au Zimbabwe ?

Geoffroy-Julien Kouao:A l’observation, nous assistons à un coup d’Etat.

Mais les militaires disent  qu’il ne s’agit pas d’un coup d’Etat ?

Oui,  parce qu’ils savent très bien que la communauté internationale est très hostile aux coups d’Etat et à leurs auteurs. Ni l’Union Africaine ni la SADEC, l’organisation sous-régionale, encore moins l’Union Européenne et l’ONU  ne sont favorables aux changements politiques par la force. Aussi, il faut choisir la terminologie qui plaît et qui convient à la communauté internationale.

Mais personne n’a vu venir ce coup d’Etat au Zimbabwe ?

Et pourtant les signes étaient tangibles. Le limogeage du vice-président, les ambitions présidentielles de Grace Mugabé, la colère des anciens combattants et des militants de la ZANU-PF étaient symptomatiques d’un grand malaise politique au Zimbabwe.

robert grace mugabe mMais pourquoi Mugabé, 93 ans s’est-il accroché au pouvoir pour en sortir par la plus  petite des portes ?

Parce que le pouvoir rend fou, le pouvoir absolu rend absolument fou. Le désir d’éternité et d’invincibilité est propre à tous les gouvernants tropicaux. Ils ont une conception patrimoniale et jupitérienne du pouvoir. Regardez Mugabé, il a pensé que le pouvoir était sexuellement transmissible (rire), mais tout ceci relève du vertige des sommets. Mandela qui avait une conception rationnelle du pouvoir  a su l’exercer et le laisser à temps.

Un autre point de l’actualité, c’est la Libye avec la vente aux

Un autre point de l’actualité, c’est la Libye avec la vente aux enchères des noirs.

Les images diffusées par les chaînes américaines abîment notre humanité et n’honorent pas leurs auteurs. Je veux parler des esclavagistes.

Le problème, c’est le silence de nos dirigeants africains, pourquoi se taisent-ils ?

Pour deux raisons, je pense. D’abord, ils n’ont pas d’interlocuteurs valables en Libye. N’oubliez pas que depuis 2011, la Libye n’est plus un Etat. Ensuite, l’action gouvernementale est la conséquence d’une demande sociale ou populaire. L’opinion publique africaine n’existe pas, si elle existe c’est pour  déifier nos gouvernants. Vous voyez que depuis que l’indignation a gagné les réseaux sociaux et que quelques  personnalités de la société civile ont manifesté leur indignation, l’Union africaine a timidement réagi, des gouvernements africains  également. Les gouvernants agissent en fonction de la demande sociale. Si vous Voyez toujours Trump et Macron et autres gouvernants occidentaux dans l’action, c’est parce qu’ils ont des populations exigeantes et critiques.

esclave lybie ledebativoirien.netPourquoi, selon vous les jeunes du continent vont mourir en mer ou en Libye ?

C’est simple, ils fuient la misère. Ils ne se sentent pas mieux chez eux.  Nos Etats n’offrent pas un cadre de vie convenable à leurs populations. Se pose la question de la gouvernance politique, de la répartition des richesses. Mais il y a aussi une dimension symbolique, l’Europe incarne encore chez l’Africain la réussite sociale. On comprend pourquoi, c’est en Europe que les plus riches d’entre nous se soignent, envoient leurs enfants à l’école, leurs femmes y vont pour accoucher, pour faire leur shopping etc. Dans le subconscient de l’Africain, celui qui n’a pas fait l’Europe a échoué socialement. La colonisation mentale est encore prégnante.

Alors, quelles solutions vous proposez pour juguler cette crise de la migration ?

Deux solutions s’imposent à nous : d’abord , changer de gouvernance en mettant l’accent sur une bonne répartition des richesses et mettre en place une bonne politique de solidarité nationale, par exemple diminuer le nombre pléthorique de nos institutions qui souvent ne servent à rien. Ensuite, changer de paradigme, et nos gouvernants doivent donner l’exemple en montrant qu’on peut s’épanouir chez nous.

Dernière actualité, le Libéria, le processus électoral est au point mort.

Vous savez,  les africains ont un double problème idéologique et politique. Idéologiquement, nous, africains,  avons un problème avec le progrès et Axelle Kabou l’a Geoffroy julien koua attaque Robert Mugabe ledebativoirien.netbien montré dans son ouvrage « Et si l’Afrique refusait le développement ? ». Politiquement,  les africains ont un problème avec la démocratie. On comprend alors aisément, pourquoi l’élection, pierre angulaire de la démocratie, pose problème en Afrique. Et c’est ce qui se passe au Libéria et au Kenya également. Au Libéria, il ya aussi le fait que la classe aristocratique ne veut pas laisser la clase populaire, incarnée par le footballeur George Weah, accéder au pouvoir. A l’observation, nous assistons, outre-Cavally, à une lutte des classes.

Interview réalisée par Hervé Makré

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