George Weah président du Liberia: du ballon rond à la présidence, chronique d’une victoire annoncée

par RFI

Chronologie

L’ancienne gloire du football africain, George Weah, a été élu président de la République du Liberia après avoir remporté largement le second tour de la présidentielle avec 61% des voix après 98 % de dépouillement. Après deux tentatives, l’ancien Ballon d’Or va diriger un des pays les plus pauvres du continent africain, fragilisé par deux guerres civiles.

weah georgesCette fois, c’est la bonne ! Après 2005, où il fait face à Ellen Johnson Sirleaf, et 2011, où il a été co-listier  pour être le vice-président du candidat Winston Tubman, George Weah a certainement gagné le match de sa vie. Il va succéder à Ellen Johnson Sirleaf, 78 ans, ancienne prix Nobel de la Paix et première femme élue présidente en Afrique, qui a cédé sa place après douze années de pouvoir au Liberia. Elle ne pouvait plus se représenter après deux mandats en effet, et avait estimé que le pays était « prêt pour la transition ».

Le Libérien le plus connu à l’étranger

George Weah, surnommé « Mister George », qui avait fondé son propre parti en 2004, était devenu sénateur en 2014. Il avait battu largement un des fils de la présidente avec 78% des voix dans la région de Montserrado, où est située la capitale Monrovia. En 2005, lors de sa première tentative, ses apparitions déclenchaient l’hystérie, et sa candidature bousculait la classe politique. On le donnait favori, il recevait même des menaces de mort.

Le voilà désormais dans le costume de président. A 51 ans, l’ancien joueur du Paris Saint-Germain reste le Libérien le plus connu à l’étranger. Quinze ans après avoir raccroché les crampons, il est une des références du football africain avec comme point d’orgue un Ballon d’Or en 1995, le seul remporté à ce jour par un Africain. A l’époque, il faisait les beaux jours de l’AC Milan.

weahL’avant-centre qui est passé par le Tonnerre de Yaoundé au Cameroun, l’AS Monaco, le Paris-Saint-Germain, l’AC Milan, Chelsea, Manchester City et l’Olympique de Marseille avait comme héros de son enfance un certain Pelé pour le ballon rond. Nelson Mandela, qu’il a rencontré, et Martin Luther King pour la politique.

Dans un entretien publié dans l’Express, George Weah affirme qu’il s’est lancé dans la politique, « pour l’amour du pays et des gens », et pour « rendre service » à sa patrie. La première République d’Afrique (1847), fondée par des esclaves américains affranchis, a été plongée au début des années 1990 dans deux guerres civiles jusqu’en 2003.

Contraint de quitter le lycée pour poursuivre sa carrière de footballeur, George Weah avait décidé de reprendre ses études afin de mettre toutes les chances de son côté pour l’élection présidentielle de 2011. Il s’était inscrit en droit criminel et droit des affaires dans une université américaine, et comptait ensuite suivre des cours de sciences politiques.

Ballon d’Or africain en 1989 et 1994

« King George », né de parents chrétiens, mais converti à l’islam, avait reçu la défunte distinction du Ballon d’Or africain en 1989 et 1994. En 1995, il est élu meilleur joueur africain par la Confédération africaine de football. Ses exploits footballistiques ont fait de lui un héros dans son pays.

Lors de ses débuts dans le football, il avait été gardien de but des Young Survivors, petit club de la banlieue de Monrovia. Au moment où il jouait avec le Tonnerre de Yaoundé, Claude Le Roy, alors entraîneur de la sélection camerounaise, le met en contact avec Monaco et Arsène Wenger. « J’ai appelé Arsène pour lui dire que j’avais découvert un joueur exceptionnel, raconte-t-il aujourd’hui à RFI. Tous les matins, George venait me voir en me disant « I want to play in France, please help me (je veux jouer en France, aidez-moi) ». C’était déjà quelqu’un qui avait beaucoup de charisme. En dehors de ses incroyables qualités de footballeur, à l’époque, il m’avait énormément touché. Il avait déjà un certain magnétisme et c’était déjà le leader naturel du Tonnerre de Yaoundé. Il a des qualités d’écoute. Plus il avançait dans sa carrière, plus il était respecté dans le vestiaire. » Claude Le Roy ajoute : « Etre chef d’Etat, c’est quelque chose d’épuisant. Et George Weah aura les qualités physiques pour surmonter les épreuves ».

George Weah président du Liberia ledebativoirien.net« Il s’est toujours investi pour son pays »

Celui qui a appris à jouer au foot dans la rue est resté quatre saisons sur le Rocher avant de rejoindre le Paris Saint-Germain qu’il quitte sous les sifflets et les insultes, pour rejoindre Milan et le club de Berlusconi.

Son physique imposant et rugueux fait trembler presque toutes les défenses d’Europe. En 1996, il fracture d’un coup de tête le nez du Portugais Jorge Costa, ancien sélectionneur du Gabon. Motif : il n’aurait pas supporté que Costa le hue et le singe en grimaçant derrière son dos sur le chemin des vestiaires lors d’une rencontre en Ligue des champions face à Porto.

George Weah, qui a fait fortune dans le football pourrait profiter de la vie, comme nous l’avait confié récemment son ancien coéquipier au PSG, James Debbah. « Le Liberia a besoin de gens de bon sens », avançait-il lors de sa première campagne en 2005. « Il s’est toujours investi pour son pays. Au faîte de sa gloire, il payait les déplacements et le matériel pour l’équipe nationale du Liberia. C’est profondément quelqu’un de généreux », note Claude Le Roy.

George Weah, désigné en 1999 « meilleur joueur africain du siècle » par la Fédération internationale de football d’histoires et de statistiques, basée à Wiesbaden en Allemagne, sera-t-il l’homme providentiel du Liberia ?

George Weah est le nouveau président du Liberia. L’ex-star du football a obtenu plus de 60% des voix lors du second tour qui l’opposait au vice-président sortant Joseph Boakai. La défaite de ce dernier est aussi la défaite du parti de l’ex-présidente Ellen Johnson Sirleaf, et alors que l’unanimité ne s’était pas faite autour de son candidat.

L’élection de George Weah, c’est la chronique d’une victoire annoncée. Il avait le soutien des jeunes, très nombreux au Liberia, de la capitale Monrovia et de beaucoup d’électeurs, comme lui, d’origine modeste que sa carrière de footballeur international a fait rêver.

Il a fait de son parti, le Congrès pour le changement démocratique, une formidable machine de guerre qui remplit les stades où il soulève les foules en dénonçant la corruption gouvernementale. George Weah a même eu le soutien un peu inattendu de la présidente Ellen Johnson Sirleaf qui s’est affichée à ses côtés quelques jours à peine avant le second tour.

Sirleaf n’a pas fait campagne pour Boakai

Son adversaire, Joseph Boakai est un homme modeste, un incorruptible, un grand commis de l’Etat. C’est en tout cas le portrait que ses partisans font du vice-président sortant. Tout indique pourtant qu’il n’a pas pu compter sur le soutien de la présidente sortante, qui reste populaire même si elle l’est moins qu’avant.

« La présidente Sirleaf n’a pas fait campagne pour son vice-président. Depuis le début de la campagne, en juillet, on ne l’a vue a aucun de ses meetings », explique Patrick Honnah, un journaliste bien connu à Monrovia, qui est le directeur général adjoint de la radio publique libérienne.

Le Parti de l’unité plus divisé que jamais

Selon des rumeurs, Ellen Johnson Sirleaf aurait même financé l’opposition. Ce qu’on dément dans l’entourage présidentiel. Le différend entre elle et Joseph Boakai tiendrait à la présence d’Emmanuel Nuquay sur le ticket présidentiel. Ellen Johnson Sirleaf aurait préféré que Joe Boakai choisisse un autre candidat à la vice-présidence. Un conseil qu’il n’aurait pas suivi.

Les dissensions au sommet pourraient avoir des répercussions à plus long terme sur le parti fondé par Ellen Johnson Sirleaf. Le Parti de l’unité, malgré son nom, semble plus désuni que jamais. « Le Parti de l’unité vous dira le contraire, mais il est maintenant divisé entre une faction pro-Sirleaf et une faction pro-Boakai », affirme Patrick Honna.

Ces tensions au sein du parti ont-elles pesé sur la campagne de Joseph Boakai ? La question est posée.

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