Témoignage de Jean-Barthélémy Bokassa
«Septembre 2017, en l’église Saint-Pierre de Neuilly, pendant l’enterrement de Liliane Bettencourt, je croise l’homme qui est le cauchemar des Bokassa : celui qui a provoqué la chute de mon grand-père. Je me souviens bien du jour de mes 4 ans : le 30 août 1978, mes parents m’offrent un bébé biche. Comment l’oublier ? Tout le monde pose un regard émerveillé sur ce petit animal, qui représente la Centrafrique.
Le président Valéry Giscard d’Estaing est là parmi nous. Il le regarde gambader dans les jardins avec l’expression ébahie de l’Occidental qui découvre toutes les richesses de l’Afrique ! A l’époque, il est notre ami, le parrain d’un des fils de mon grand-père, il vient chasser, il dîne au palais. Pour l’impératrice Catherine, il est même plus qu’un ami… Mais cela, l’écrivain Diane Ducret le raconte mieux que moi dans son livre « Femmes de dictateur ».
L’année suivante, changement d’ambiance
Le 21 septembre 1979, en pleine nuit, des militaires français pénètrent dans le palais et nous jettent dehors en pyjama. C’est l’opération Barracuda. Un traumatisme pour moi. Mon grand-père, stupéfait, n’avait jamais imaginé que Giscard serait capable d’envoyer l’armée pour le destituer. La chute de l’empereur Bokassa signifie l’exil pour ma famille, et je me retrouve en France, désorienté. Tout devient gris et triste autour de moi. J’ai 5 ans, je ne comprends pas : « Pourquoi tant de haine ? »
Je ressens de la peine pour lui. Une sorte de pitié
Trente-huit ans, jour pour jour, après l’opération Barracuda, le 21 septembre 2017, Liliane Bettencourt meurt. Ce triste événement va me mettre face à celui qui a trahi mon grand-père : Valéry Giscard d’Estaing. A la fin des obsèques, les invités se lèvent pour un dernier adieu. En me dirigeant vers l’autel, je vois une silhouette longiligne s’approcher de moi. Il marche à petits pas, je le fixe et il me fixe aussi.
Mes souvenirs s’embrouillent. L’ami de mon grand-père, qu’il appelait «mon cher parent», est devenu notre pire ennemi. Je le vois, je pense à tout le mal qu’il a fait à notre famille. Il est là devant moi, très âgé, il avance péniblement, précautionneux. J’ai éprouvé tant de haine pour cet homme qui a causé notre chute et souillé notre nom jusqu’à la réhabilitation de Bokassa en 2010, par le président François Bozizé. Finalement, en le croisant dans l’église, je ressens de la peine pour lui. Une sorte de pitié. Il a 91 ans, il est au crépuscule de sa vie».
Paris Match
Felix Traoré
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