Côte d’Ivoire-l’Imam CISSE Djiguiba : «Du Guébié et des faux complots à la crise postélectorale de 2010. Que de chemins parcours et d’atrocités vécus» 

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Par Hervé MAKRE

Religieux et société civile comment construire les chantiers de la paix ? 

«L’indiscipline verbale et non verbale est un poison constant qui ronge la paix sociale»

 El Hadj Coulibaly Coulibaly SibiriIci exposée par El Hadj Coulibaly Coulibaly Sibiri, Enseignant Marketing Management, Directeur de Cabinet Imam CISSE Djiguiba, Directeur Exécutif Fondation Djiguiba, la vision de l’Imam CISSE Djiguiba qui donne clairement les dangers auxquels les ivoiriens seront exposés si les religieux et la société civile ne jouent pas pleinement leur engagement d’acteur de paix. Une interpellation de  toute la classe politique faite par le religieux éclairé. Suivez-le avec ledebativoirien.net à l’occasion de la journée de la paix à Abidjan initiée par la Communauté de Sant’Egidio.

Le décryptage de la situation de paix de en Côte de l’Ivoire d’Ivoire par l’Imam El Hadj Cissé Djiguiba

cise imam guiguiba« (…)Le monde d’aujourd’hui est le théâtre de crises multiformes, à la fois sanitaires, économiques, écologiques, alimentaires et idéologiques qui fragilisent sans cesse le tissu sociopolitique de nos Nations et Etats.  Ces crises entraînent de nombreuses formes de violences : recours à la détention arbitraire ou aux disparitions forcées, généralisation de la torture, le viol collectif des femmes comme arme ignominieuse de guerre, l’enrôlement des enfants à des fin de combat etc.

De nombreuses familles ont été disloquées avec des enfants qui souffrent aujourd’hui de l’absence de leurs géniteurs et des piliers essentiels de leurs familles. Ces évènements sont de nature à porter atteinte à la paix. L’année 2020 en Côte d’Ivoire coïncide avec la cinquième année du mandat du Président de la République. Elle devra consacrer une continuité ou un changement dans l’exercice suprême du pouvoir d’Etat.

2020 est une année électorale en Côte d’Ivoire. Elle cristallise l’attention des politiciens et fait naitre visiblement chez les populations un sentiment de peur, de spleen quand l’on se réfère à notre passé récent douloureux né de la crise postélectorale de 2010.

Du réel au virtuel, des réseaux politiques, citoyens et des lobbys aux réseaux sociaux 

El Hadj Coulibaly Coulibaly Sibiri 1De la confiance du partie ou de la coalition au pouvoir « C’est géré et bouclé » et de l’incertitude, des hésitations, des attaques verbales directes entre anciens alliés, entre alliés et nouveaux opposants, entre alliés et opposants, rendent l’environnement ou l’atmosphère sociopolitique électrique et délétère. Les attaques répétées entre groupes ethniques ;

L’on a l’impression que les populations ivoiriennes vivent sous pression et dans la hantise de 2010. Des prophéties et des révélations d’hommes de Dieu ou de simples citoyens se sentant doté d’une vision prédise une apocalypse : en 2020. « Tout va finir en 2020 », « on verra qui est qui ? », « on se verra dans pays-là ».

L’apaisement de cette actualité de vie, cette actualité sociale et politique requiert une revisitation des appréhensions, une adhésion citoyenne et républicaine à la préservation de la paix. De même qu’à une action individuelle et collective soutenu par les mécanismes de la communication verbale et non verbale, interpersonnelle et via les médias, sur les réseaux virtuels ou réels. D’où la nécessité de définir les chantiers qui conduiront à cette paix durable après les élections de 2020. Quelle contribution des religieux ?

De la contribution des religieux: Les religieux en tant que formateurs et réformateurs sociaux

  1. Faire évoluer les perceptions sur le pouvoir, sa conquête, son exercice et son alternance

Le pouvoir se cherche. Il est tout à fait légitime de lutter pour obtenir le pouvoir. Mais dans cette lutte, il faut rester ambitieux et réaliste. Par la sensibilisation et la formation, amener les acteurs d’organisations religieuses, les leaders politiques à comprendre que le pouvoir vient de Dieu et reste un don de Dieu.

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Allah dit : Sourate 3 Verset 26

Dis : ‹ô Allah, Maître de l’autorité absolue. Tu donnes l’autorité à qui Tu veux, et Tu arraches l’autorité à qui Tu veux ; et Tu donnes la puissance à qui Tu veux, et Tu humilies qui Tu veux. Le bien est en Ta main et Tu es Omnipotent. Ce fair-play dans le jeu politique peut équilibrer le désir d’agir coûte que coûte, la logique de « ça passe ou ça casse » et la conformité à la réalité d’une victoire/d’une défaite ou d’un cheminement vers le fauteuil (dit-on en Côte d’ivoire).

Les religieux en tant qu’agents et vecteurs de communication

  1. Faire apaiser le discours verbal ou non verbal des acteurs et des partisans politiques

Les organisations religieuses par le pouvoir sociologique et divin qu’ils constituent doivent amener les partisans politiques à « mettre de l’eau dans leur bissap ». A faire baisser la tension par le langage responsable.

L’INDISCIPLINE VERBALE ET NON VERBALE EST UN POISON CONSTANT QUI RONGE LA PAIX SOCIALE.

Les organisations religieuses pourraient initier des sensibilisations sur « le bon ton en politique ». « Dire la vérité sans injurier », se parler avec respect et considération. Et surtout, écrire, dire, ce qui est vrai et ce dont on a la preuve de la véracité. Faire attention aux fake-news.

Rassoul dit : « la bonne parole est une sadaqat (charité) »

cisse« Pour chaque articulation de la personne, il y a une aumône chaque jour où le soleil se lève. Réconcilier deux personnes est une aumône, aider un homme à monter sur sa monture ou à mettre sur elle ses biens est une aumône, la bonne parole est une aumône, chaque pas fait en direction de la mosquée est une aumône, et ôter la nuisance du chemin est une aumône [Rapporté par les imams Al-Boukhari et Moulism]

Les religieux en tant qu’agents de développement

  1. Éviter d’être un facteur de réminiscence de notre passé ressent douloureux

La douleur active la haine. La nostalgie du passé douloureux engendre toujours un esprit de vengeance. Les leaders religieux doivent se priver d’être des relais humains, expressif ou tacite de la violence ou des germes de violence. Ils doivent être des acteurs de la paix. Faire comprendre que chacun a fauté. Nous avons tous été victime et coupable. Même si certaines culpabilités sont plus avérées que d’autres.  Il faut tirer les leçons positives des crises que nous avons vécues.

Du Guébié et des faux complots, des violences nées du multipartisme au coup d’état de 1999, du charnier de Yopougon à la rébellion de 2002 et ensuite la crise postélectorale de 2010. Que de chemins parcours et d’atrocités vécus !!!

PAIX SANTGIDIO
Avec la Communauté de SantEgidio

Les leaders religieux doivent comprendre et faire comprendre que nous ne sommes pas tous saints. Chacun doit assumer sa responsabilité dans ces crises. Éviter les fuites en avant et se convaincre qu’il s’agit forcement de l’autre. En s’assumant, cela permettra de panser les blessures de notre histoire (en termes de soins) et penser à notre avenir commun (en termes de réflexion). Un avenir politique et social qui se fonde sur les principes nationaux d’union, de discipline et de travail.

Les religieux en tant médiateurs et réconciliateurs

« C’est par quelque miséricorde de la part d’Allah que tu as été si doux envers eux ! Mais si tu étais rude, au cœur dur, ils se seraient enfuis de ton entourage. Pardonne-leur donc, et implore pour eux le pardon (d’Allah). Et consulte-les à propos des affaires ; puis une fois que tu t’es décidé, confie-toi donc à Allah, certes Allah aime ceux qui Lui font confiance ». Sourate 3 verset 159

En cas de conflit, on attend surtout des religieux qu’ils soient l’épaule sur laquelle les larmes peuvent couler. C’est pourquoi ils doivent non seulement être les consolateurs mais aussi les médiateurs capables de recadrer et réorienter les parties vers le vivre ensemble. Cela passe nécessairement par l’adoption de principes de neutralité, d’impartialité et d’objectivité. Ils doivent courtois et bienveillants envers tout le monde quel que soit leur appartenance politique, ethnique, religieuse et philosophique

Conclusion

El Hadj Coulibaly Coulibaly SibiriEn conclusion, la paix et la cohésion nationales constituent le socle de tout développement socio-économique. En conséquence, les religieux en tant qu’acteurs sociaux de premier plan doivent s’inscrire dans une dynamique de construction et de préservation de la paix et de la cohésion sociale. Pour réaliser cet idéal, les religieux doivent avoir les dimensions suivantes : le savoir ou la connaissance, le savoir-faire ou l’expérience ou la compétence, le savoir-être ou avoir la personnalité et le sens de la responsabilité.

Je termine par cette parole forte de Thierno BOKAR dans l’ouvrage d’Amadou Hampaté Bâ qui déclare et je cite « La parole est un fruit dont l’écorce s’appelle bavardage, la chair éloquence et le noyau bon sens. »  La meilleure arme de transmission des valeurs de paix, c’est d’être soi-même un modèle de culture desdites valeurs, et ce, conformément aux prescriptions d’Allah en ces termes :« Ô vous qui croyez ! Pourquoi dites-vous ce que vous ne faites pas ? C’est une chose abominable auprès de Dieu que vous disiez ce que vous ne faites pas. » Sourate 61 verset 2.

El Hadj Coulibaly Coulibaly Sibiri 1Que ALLAH fasse de tous nos leaders religieux des modèles identificatoires de matérialisation des valeurs de la paix et nous aide à la consolidation de ses acquis en Côte d’Ivoire et partout dans le monde. Je vous remercie ».

Exposée par El Hadj Coulibaly Coulibaly Sibiri,

Directeur Exécutif Fondation Djiguiba

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