Dans cette interview exclusive, Bakari Coulibaly, figure militante de longue date dans le Sud-Comoé et ancien cadre du RDR puis du RHDP, revient sans détour sur son parcours politique, les dysfonctionnements qu’il observe au sein du parti, et la marginalisation ressentie par les anciens militants. Il évoque également la récente journée de réflexion organisée à Aboisso pour redonner une voix aux oubliés du système, dans une dynamique de reconstruction et de fidélité aux idéaux fondateurs. Un appel à l’unité et à la lucidité à l’approche des élections de 2025.

LDI : Monsieur Coulibaly, que doivent savoir nos lecteurs à propos de vous?
Je suis Bakari Coulibaly. Je milite dans le département d’Aboisso, dans la région du Sud-Comoé. Mon engagement politique est ancien et s’est toujours voulu cohérent, enraciné dans une volonté sincère de servir.
J’ai milité activement dans les rangs du RDR, porté par les idéaux de justice sociale, de progrès, de réconciliation et de stabilité que défendait ce parti. J’ai toujours mis en avant le travail de proximité, la fidélité aux principes et l’écoute des populations. Mon engagement n’a jamais été motivé par la recherche de privilèges, mais par un attachement profond aux valeurs de loyauté, de mérite et d’équité.
Quel est votre parcours politique au sein du RDR puis du RHDP ?
Mon engagement politique a toujours été fidèle au RDR, parti dans lequel j’ai choisi de militer, mû par une conviction profonde. Je ne me suis jamais écarté de cette ligne. Grâce à mon implication constante, à un militantisme actif et à des résultats concrets sur le terrain, j’ai pu gravir progressivement les échelons : de militant de base, je suis devenu secrétaire de section, puis Commissaire politique, et enfin secrétaire départemental du RDR jusqu’à la dissolution du parti. Lorsque le RDR a fusionné avec d’autres formations pour créer le RHDP, j’ai naturellement poursuivi mon engagement, avec la même loyauté et la même énergie. J’ai été nommé Secrétaire départemental d’Aboisso Nord, puis coordonnateur régional associé en 2020.
Pourquoi nous ne vous voyons plus dans les instances du parti au plan local ?

J’ai été au cœur de nombreuses campagnes jusqu’à la dissolution du RDR. J’ai toujours cette volonté de rapprocher le parti des réalités du terrain. Lorsque le RDR a fusionné avec d’autres forces pour donner naissance au RHDP, j’ai naturellement poursuivi mon engagement dans le même dynamisme avec la même loyauté.
Mais malheureusement, au fil du temps une fracture s’est creusée marginalisant ceux qu’on juge comme étant de potentiels adversaires politiques. C’est donc pour des ambitions personnelles, disons-le tout net, que le malaise entre le sommet et la base s’est installé.
Ce climat, il faut le rappeler est pratiquement intervenu après l’absence du Ministre Amon Tanoh qui était le porte flambeau des ex-RDR comme nous autres. Ce dernier veillait activement sur les intérêts du RHDP dans le Sud-Comoé. Comment pouvez-vous comprendre que plusieurs hauts cadres de l’administration publique issus de nos rangs y compris des responsables politiques qui ont occupés des postes stratégiques lorsque nous étions au RDR, aujourd’hui soient éjectés des instances dirigeantes sans aucune raison apparente.
Or ces personnes ont tous contribué au rayonnement de l’ex parti avec la création de 721 comités de bases en 2018 contre 121 en 2014. Je peux ne pas être dans les instances du parti, mais je reste constamment sur le terrain car je tiens à la consolidation de nos acquis. Dernièrement à l’occasion du jeûne musulman et chrétien, j’ai pris part aux côtés des élus du sud-Comoé à une caravane de solidarité. Je profite de cette occasion pour remercier le secrétaire exécutif adjoint, Hien Sié Yacouba, cadre du Sud-Comoé, Aboubakari Cissé, député d’Aboisso, et tous les élus du sud-Comoé qui ont parcouru toute la région avec les bras chargés.
Depuis quand ressentez-vous un malaise dans le fonctionnement local du RHDP ?

Au risque de me répéter, l’absence du ministre Marcel Amon Tanoh a beaucoup contribué à cette fracture. Une frange partie s’est sentie exclue au détriment des animateurs de mouvements de soutien à la personne des hommes politiques en lieu et place du RHDP. Les moyens sont mis à la disposition des fans clubs, des « bons petits », je ne dirai pas aux « roperos » pour ne pas reprendre l’expression de l’autre.
Imaginez-vous un instant que le militant engagé qui a travaillé sans moyens pendant qu’il était dans l’opposition, qui n’a pas vu son statut évolué malgré qu’il soit au pouvoir. Ce dernier fait le constat que les moyens sont donnés à des arrivistes sans ancrage et même souvent sans conviction. A cela, il faut rajouter qu’on a constaté des signes d’exclusion à travers des décisions prises sans concertation aucune. Quand des élus sont écartés d’une coordination politique. Au vu de tous ces constats que je réaffirme qu’il existe bel et bien un dysfonctionnement. J’espère vivement que cela soit résolu très rapidement avant même d’entamer le dernier virage pour les élections de 2025, si nous voulons éviter les erreurs de 2020.
Vous avez récemment participé à une journée de réflexion des ex-militants du RDR du département d’Aboisso organisée le samedi 3 mai 2025. Quelle a été la démarche derrière cette initiative ?
Cette journée de réflexion était bien plus qu’un simple rassemblement symbolique. Elle représentait un acte fort, un moment de vérité, un point de départ. L’idée était de réunir tous ceux qui, malgré leur passé de loyauté et de combat pour l’ex RDR, se sentent aujourd’hui relégués au second plan dans le nouveau paysage du RHDP. Il était temps que ces voix soient entendues dans un cadre structuré.

La démarche a consisté à rassembler de manière inclusive anciens responsables, militants de base, sympathisants et même des personnalités encore actives mais en retrait. Nous avons voulu ouvrir un espace libre de parole, de partage, sans règlement de comptes, dans un esprit constructif. C’était aussi un moyen de montrer que nous restons organisés, disponibles et pleinement investis dans l’avenir politique de notre région en vue de contribuer à la réélection du Président Alassane Ouattara tout en tirant les leçons des élections précédentes.
Je vous rassure que cela s’est très bien passée avec une participation massive de 210 délégués venus des 4 coins du département qui ont travaillé librement. Ça été des moments d’émotions. Une occasion pour nous de nous retrouver à nouveau. Notre démarche vise à redonner une voix à ceux qu’on ne veut plus entendre, à reconstruire une mémoire collective de notre engagement, et à rappeler que sans les anciens, le présent politique n’aurait pas été possible. Il ne s’agit pas de nostalgie, mais de responsabilité.
Quels étaient les objectifs et enjeux de cette journée ?
Les objectifs étaient multiples et stratégiques. Il s’agissait tout d’abord de faire un diagnostic sans complaisance de la situation actuelle des anciens militants du RDR dans le Sud-Comoé : où en sommes-nous ? Pourquoi avons-nous été mis à l’écart ? Quelles sont les conséquences sur le terrain ? Ensuite, cette journée devait nous permettre d’identifier les attentes profondes de la base : reconnaissance, participation, justice dans la redistribution des responsabilités.
Nous avons aussi travaillé sur des propositions concrètes, que nous souhaitons porter devant les instances du parti. Il ne s’agit pas de dénoncer pour dénoncer, mais de bâtir, proposer, reconstruire une relation de confiance avec le sommet. L’enjeu était aussi de montrer que nous ne sommes pas dans une logique d’opposition, mais dans une dynamique de repositionnement de notre parti dans la région.
Était-il vraiment nécessaire d’organiser cette journée de réflexion ?

Plus que nécessaire, cette journée était inévitable. Lorsqu’un groupe de militants historiques, de bâtisseurs du parti, de personnes qui ont tout donné pour une cause, se retrouve exclu, ignoré, et parfois humilié dans le silence, il devient vital de créer un espace pour se retrouver, se reconstruire et se faire entendre.
Ce n’était pas un caprice politique. C’était une réponse à un besoin profond de dignité et de reconnaissance. C’est aussi une manière de rappeler que notre engagement ne s’est jamais arrêté et que nous avons encore un rôle majeur à jouer. Cette journée a montré que nous ne sommes pas résignés, que nous portons encore des valeurs et une énergie politique à mettre au service de notre communauté et du parti.
Votre mot de fin ?
Je vous profite de l’opportunité que vous m’offrez pour lancer un appel à la haute direction du parti pour qu’elle puisse analyser en profondeur la situation réelle qui prévaut dans les différentes régions politiques. Aux dirigeants locaux de privilégier la réélection du Président Alassane Ouattara en Octobre 2025. Aux cadres, la présence sur le terrain aux côtés des militants. Et à l’ensemble de tous les militants de regarder dans le rétroviseur et de s’engager pleinement pour la réélection du Président Alassane Ouattara. Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire !
Ledebativoirien.net
Par SAM SIDIBE
Sauf autorisation de la rédaction ou partenariat pré-établi, la reprise des articles de www.ledebativoirien.net, même partielle, est strictement interdite. Tout contrevenant s’expose à des poursuites.
En savoir plus sur LE DEBAT IVOIRIEN
Subscribe to get the latest posts sent to your email.