Cote  d’Ivoire-La Tribune de Julien Kouao: «Et pourtant Maky Sall, Patrice Talon et Laurent Gbagbo nous ont montré le chemin ! »

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A l’observation, une appropriation de la théorie de la courbe du deuil d’Elisabeth Kubler Ross et le refus de la posture du Saule pleureur feraient du bien à une partie de l’opposition ivoirienne. Nous sommes en 2011, au Sénégal. Plus de 60 partis politiques et  organisations de la société civile du Sénégal forment un mouvement qui demande au président Abdoulaye Wade de renoncer à sa candidature à l’élection présidentielle de 2012. Entre autre, la coalition dénonce le verrouillage du système électoral et menace de boycotter le scrutin présidentiel. Maky Sall et l’Alliance pour la République (APR) se désolidarisent du mouvement contestataire et sillonnent le Sénégal.

A longueur journée et de tournée, Maky Sall va au contact du peuple sénégalais et lui montre la pertinence de participer au vote, car, contrairement à l’opinion commune à Dakar, Wade peut être battu. En 2012, les élections ont lieu et on connaît le résultat.

Nous Sommes en 2016, au Bénin. Le président Yayi Boni convainc tous les grands partis traditionnels du Benin (l’équivalent chez nous ici du PDCI, RDR, FPI, Lider) de présenter, comme candidat unique à

la présidentielle, son nouveau premier ministre Lionel Zinsou. Ce dernier a le soutien de l’occident et des institutions internationales. A Cotonou, l’opinion affirme que les jeux sont déjà faits et que le  système électoral ne peut que donner raison au candidat de Yayi Boni et de l’occident, quel que soit le résultat du vote. Patrice Talon, certainement un lecteur de Rabingranath Tagore, Thrasymaque et Jean jacques Rousseau, n’était pas de cet avis. Tel Icare, il prit son courage, parcouru les 44310 Km2 du territoire béninois et s’adressa au 10,32 millions de descendants du roi Béhanzin. Il encouragea les électeurs à sortir le jour du vote car, disait-il, ceux de la coalition au pouvoir iront certainement voter. La suite est connue de tous.

En Côte d’Ivoire, nous sommes en 2000. C’est l’apogée de la junte militaire. Son patron, Le général Gueï est «  le candidat du peuple ». A Abidjan, personne ne croit aux chances de son adversaire. Pour l’opinion, inutile d’aller voter, Guei contrôle l’armée, il contrôle l’administration, la commission électorale ne peut contredire la volonté des hommes en Kaki. Un seul homme n’était pas de cet avis, Laurent Gbagbo.

Au moment où Guei monopolisait la RTI et s’adonnait à la propagande électorale, tel un routier, Laurent Gbagbo parcourait la côte d’ivoire d’est à l’ouest, du nord au sud en passant par le centre. Au moment où les candidats écartés par la gente militaire appelaient au boycott et à l’abstention, Laurent Gbagbo en pédagogue, montrait par des arguments d’une rare pertinence (il en avait les moyens et la capacité) que l’abstention serait le véritable allié de son adversaire. La suite est connue de tous.

Si les ivoiriens sont sortis pour chasser Guei et sa gente, ce n’est pas à cause des beaux yeux de Laurent Gbagbo. Chacun ayant participé effectivement au scrutin, a vu que la majorité était du côté de Gbagbo. Donc le peuple ne voulait pas qu’on lui vole sa voix.

Comment pouvez-vous contester, valablement, une élection à laquelle vous n’avez pas participé ? Comment pouvez-vous évaluer la sincérité d’une élection à laquelle nous n’avez envoyé d’observateurs dans les bureaux de vote ? Combien sont les acteurs politiques ivoiriens, qui comme Maky Sall, Patrice Talon et Laurent Gbagbo ont sillonné la côte d’ivoire pour sensibiliser, informer les électeurs, au moins depuis janvier 2016, quand M. Ouattara à décliné les grands axes de son offre politique ? N’est-il pas trop facile de dire que le système est verrouillé, et que la CEI est sous contrôle ?

Si Gbagbo réfléchissait et agissait ainsi en 2000, il ne serait jamais président de la république. A quoi ont servit les boycotts des législatives, de la présidentielle ? A des regrets. C’est tout. Quand je dis que le « Non » peut triompher le 30 octobre 2016, je suis lucide. M. Ouattara est au pouvoir depuis 2011, il n’est plus dans la posture de faire des propositions, mais celle de défendre un bilan économique, politique et social. Et quand on est au pouvoir, on perd  beaucoup de son électorat, les déceptions deviennent nombreuses, l’enthousiasme aussi. Si on y ajoute les maladresses du processus référendaire…. Tout est réuni pour le triomphe du Non.

Seulement, il  faut de l’engagement, de la pédagogie…de la justesse. La politique n’est pas un jeu, c’est un enjeu. Je recommande la lecture de deux ouvrages à mes lecteurs : « Qu’est-ce que la politique ? » de Julien Freund et «  Le savant et le politique » de Max Weber.

Geoffroy-julien Kouao

Juriste, Ecrivain et Analyste-Politique.

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