Par HM
Avec à son actif le limogeage d’un directeur de sa prison le Capitaine Frci Koné Hincléban, des réaffectations de plusieurs gardes pénitentiaires, Yacou Le Chinois, le prisonnier le plus célèbre de Côte d’Ivoire a été exécuté par les FRCI avec ses « éléments » armés au sein de la prison d’Abidjan. Il devenait encombrant puisque maîtrisant tout le réseau du trafic de la drogue dans le plus grand pénitencier ivoirien notamment les autorités impliquées dans ce vaste business. Il était temps d’éliminer un partenaire adversaire.
Une double gouvernance de la prison est particulièrement développée à la MACA dans laquelle s’entremêlent le grand banditisme et la politique. C’est que depuis août 2011, date de la réouverture de la MACA, suite à sa rénovation par l’Etat ivoirien, Yacou le Chinois a défrayé la chronique et les réseaux sociaux.
La mutinerie et la MACA
À maintes reprises, le ministère de la Justice et celui de la Sécurité ont été alertés des pratiques du dealer. Et le silence de ces autorités devenait du coup une caution aux pratiques mafieuses du désormais célèbre prisonnier. Il a été donc purement et simplement exécuté pour que reprenne le droit du respect des détenus dans la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan.
Car un transfert a été tenté, en juillet 2013, mais il a débouché sur une mutinerie. En mai, Eugène Nindorera, le chef de la division, droits de l’homme de la Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci), s’en inquiétait sur les ondes de Radio France internationale (RFI). « Yacou le Chinois, expliquait-il, est quelqu’un qui a le sentiment d’être au-dessus des lois et qui bénéficie de certaines protections ». Avec la pression de l’opinion et des ONG de défense des droits de l’homme, le pouvoir d’Abidjan n’en pouvant plus de continuer d’assurer la protection d’un véritable dealer de drogue au vue et à la barbe de tous.
Il devait être exécuté
MACA, une plongée dans univers avec ses caïds comme à Medeline
Nous sommes en 2011. Son parcours a sublimé de son vivant, avec ses frasques. Qui sont ses mandataires et associés. Parce qu’il se plaisait dans la défiance aux autorités pénitentiaires, parce que les attaches étaient très fortes dehors. Les responsables sont les hommes fidèles à Yacouba Coulibaly, dit Yacou le Chinois. A la Maca, les gardiens ne sont pas armés de manière adéquate. Selon un surveillant pénitentiaire, c’est pour cette raison qu’ils ont eu du mal à instaurer le calme dans la prison qui compte environ 4.000 détenus, face à une centaine de détenus armés. Comment est-ce possible !
Yacou et ses éléments décident de l’attribution des cellules, organisent les divers trafics qui irriguent l’économie informelle de la prison: drogues, téléphones, trafics d’influence, avec la complicité d’acteurs au sein de l’administration pénitentiaire comme hors de la prison. Ils revendiquent le maintien de la bonne moralité des prisonniers en débusquant et condamnant les pratiques homosexuelles, assurent ostensiblement l’entretien d’une armée de «valets», détenus sans soutiens extérieurs qui assurent l’entretien des locaux: hygiène, corvée d’eau, cuisine. Yacou collecte, via ce «gouvernement», les taxes payées par les détenus pour se voir attribuer une cellule.
A la tête du « gouvernement» de la prison
De son vrai nom Yacouba Coulibaly, Yacou le Chinois reçoit son sobriquet en raison de ses yeux légèrement bridés. Condamné à une première peine de prison en 2010 pour vol aggravé, il s’évade rapidement.
C’est aussi grâce à ses liens avec le pouvoir ivoirien qu’il parvient à imposer son autorité dans l’établissement. Différentes sources s’accordent pour dire qu’il avait pour mission de surveiller les détenus pro-Gbagbo. D’ailleurs, de nombreux meurtres de détenus lui seraient imputés ainsi qu’à ses éléments.
La fin de parcours pour «Yakou le Chinois»
Il était aussi très attaché à Wattao, décédé aux Etats-Unis en 2019 auprès de qui il s’engage en 2011. Wattao, de son vrai nom Issiaka Ouattara, était alors un des commandants de zone (com-zone) des FRCI. Sous-officier au début du conflit, il devient chef de guerre puis est nommé à l’issue du conflit commandant de la sécurité des quartiers sud d’Abidjan et chef des opérations du Centre de coordination des décisions opérationnelles (CCDO).
En outre, Wattao était également commandant en second de la garde républicaine. Mais sa réputation est sulfureuse et il est accusé, y compris dans le cadre d’un rapport de l’ONU publié en avril 2013, d’être l’un des acteurs du non-respect de l’embargo sur l’exportation de diamants. Malgré ses amitiés avec l’ex-premier ministre Guillaume Soro, il est accusé de malversations et de divers trafics en 2014.
L’El Capo de la maison d’arrêt
Avant la chute de Wattao, les rumeurs allaient bon train sur ses liens avec le nouveau pouvoir en place et sur le soutien qu’il recevait directement de ce dernier. Ils lui permettaient de mener grand train en prison et de développer impunément divers trafics. Les détenus rapportent, par exemple, qu’il serait arrivé à Yacou Le Chinois de se rendre en boîte de nuit depuis la prison avec Wattao…
L’information montre bien la protection dont Yacou était censé bénéficier. Il gagne le surnom d’El Capo pour sa mainmise sur la circulation de drogues dans l’établissement et ses nombreuses conquêtes féminines. La capacité de Yacou le Chinois à se jouer des frontières physiques ou statutaires témoigne de son pouvoir. Il reçoit des détenues dans le bâtiment des hommes alors qu’elles n’y ont officiellement pas accès. Il entretenait financièrement ses «fiancées» alors qu’il est incarcéré… De surcroît, certaines d’entre elles travaillent comme agents de l’administration pénitentiaire de la MACA.
Yacou devient gênant
Mais depuis l’arrivée de Yacou le Chinois à la MACA, la nation ivoirienne a changé de paradigme. A la menace ressentie par le pouvoir d’une mobilisation toujours possible des partisans de Laurent Gbagbo a succédé une politique de reconstruction nationale et de pardon, confirmée par l’orientation donnée au second mandat du président Ouattara débuté en octobre 2015, vers une consolidation de la paix.
Le pouvoir désire à présent donner l’image d’un pays apaisé pour conforter l’intérêt dont témoignent bailleurs internationaux et investisseurs privés pour la Côte d’Ivoire. L’image de Yacou le Chinois, qui incarne l’impunité du pouvoir et l’impossible réconciliation, jette le discrédit sur l’Etat ivoirien. Il devient donc gênant, à l’instar de son mentor Wattao.
La dernière tentative
Le 17 décembre 2015, Yacou organise un «travaillement», une distribution ostentatoire d’argent à ses obligés, au sein de la prison. Cet événement est retransmis sur YouTube. Les images montrent Yacou le Chinois, entouré de sa suite portant des tee-shirts à son nom et distribuant des billets tout en tenant un téléphone portable dernier cri. Ce « travaillement » a lieu lors d’un concert organisé par une ONG au sein de la prison et que Yacou s’approprie et transforme en fête d’anniversaire. Le spectacle consacre la fin d’un chantier de peinture décorative mis en place par l’ONG avec les détenus.
A cette époque, Yacou le Chinois sait qu’il a perdu ses soutiens au sein du pouvoir. Suite à l’affaire de l’anniversaire de Yacou, le régisseur est renvoyé et son remplaçant met en place une politique de non-compromission avec les détenus. Il ne veut pas négocier avec Yacou et espère lui faire accepter un transfert. Sans succès. Le blocage dans la relation de collaboration au cœur de la délégation du gouvernement se traduit également depuis par l’absence d’émissions de bons de sortie vers des centres de santé pour les détenus malades avec des conséquences fatales pour certains. Quelques jours avant la mort de Yacou le Chinois, la rumeur d’une mutinerie circule encore dans la prison.
Une journée de mutinerie historique
Le 20 février 2016, un nouveau détenu entre en conflit avec un gardien, lors de sa fouille au greffe et se fait battre. De jeunes détenus, qui assistent à la scène depuis la cour centrale, ramassent des cailloux et les jettent sur les gardiens qui répliquent par des coups de feu. Yacou le Chinois saisit alors l’occasion et sort du bâtiment C armé d’une Kalachnikov et d’une arme de poing.
Sur la route, il s’arrête pour toucher le corps d’un détenu tué par les gardiens. Mais selon une règle commune dans l’usage des amulettes d’invincibilité, il ne faut pas toucher le corps d’un défunt au risque de voir la protection devenir inopérante. Les éléments de Yacou le Chinois s’engagent également dans la bataille et bientôt un homme tire sur les gardiens depuis le toit du bâtiment B. Yacou ressort et reçoit une balle dans le flanc.
Il est abattu et la photo de sa dépouille circule abondamment sur les réseaux sociaux
Après la mutinerie, on compte dix morts parmi les détenus, un parmi les gardiens et une vingtaine de blessés. Il faudra trois jours pour que l’administration organise enfin le transfert des blessés à l’hôpital. Les survivants sont ensuite envoyés séparément dans diverses prisons de Côte d’Ivoire. Dans le même temps, la MACA est fouillée, les cellules mises à sac et des armes sont retrouvées (dont cinq Kalachnikov et deux pistolets). Des objets magiques, qui appartiendraient à Yacou le Chinois, sont également déterrés dans la cour près du bâtiment C.
Quatre ans plus tard, une autre mutinerie est conduite par…….
Elle intervient suite à la bastonnade du journaliste Claude Dassé, bien orchestrée des mains de maître de Koné Kassoum dit La Machine. Un autre FRCI dans les pas de Yacou le Chinois ? Mais lui, il sera destitué par l’administration pénitentiaire de ses fonctions de chef de sécurité de la prison. Sa saga elle commence, le mercredi 20 mai 2020 aux environs de 9 heures. Un garde pénitencier appelé Abracien a pris sur lui la décision de déterrer tous les fétiches du de l’ex-chef de poste La Machine, enfouis dans différents endroits de la MACA. Découverte de canaris, d’un crâne humain et gris-gris. L’ex-chef de poste dit La Machine informé sur ce qu’il se passait à la prison débarque sur les lieux aux environs de treize heures, tout furieux. Il suscite une auto-révolte.
La prison historique d’Abidjan
Pendant le conflit postélectoral, la MACA a été ouverte et pillée par les FRCI–Forces Républicaines de Côte d’Ivoire–forces armées soutenant l’actuel président Alassane Ouattara contre l’ancien régime de Laurent Gbagbo. Les détenus libérés ont en grande partie rejoint les FRCI. Et là, a régné en éclaire un détenu ; Yacou Le Chinois. La Machine aussi ? L’antre de cette geôle a-t-elle encore l’allure d’une tour de Correction ?
HERVE MAKRE
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