« Un fils Blessoué fut-il maire ou député n’installe pas son père Tchagba…Il nous trouvera sur le chemin »
A l’observation, depuis la confirmation de l’Arrêté préfectoral du cadre Abito Gahoua Joseph, le 30 juillet 2024 par le Conseil d’Etat comme chef du village, et le retrait de Djomo Hyacinthe Méval Cristal l’autre prétendant à la gestion du village, le village d’Abatta, n’a pas dérogé à l’ambiance de crise de leadership secouant la plupart des villages Atchan.
Une situation qui a entrainé une cogestion à la tête du village proposée par le maire de Bingerville, étant donné que le village étant dans sa circonscription.
Cependant, et ce, au grand étonnement d’une partie du village, l’élu décide de se pencher et de soutenir un camp au détriment de l’autre ; sapant du coup, le projet d’union prôné par lui-même. Abatta peine désormais à retrouver sa cohésion d’antan.
Deux faits illustreront cette situation. D’une part, le passage en force du maire, et la réaction d’autre part de la partie adverse avec une déclaration d’une ferme opposition au maire dans son plan d’installation d d’un chef du village. Allons à Abatta dans la préservation de l’île Désiré.
Le passage en force du Député-Maire de Bingerville
Le premier acte à Abatta en trois jours. Le vendredi 27 juin 2025, des femmes et la jeunesse de ce village lacustre de la commune de Bingerville ont massivement manifesté leur opposition en envisageant d’empêcher la cérémonie d’installation du chef Joseph Abitto par le député maire Issouf Doumbia. Des pneus sont brulés dans le village. Deuxième acte.
Le samedi 28 juin, le député maire en compagnie du chef devant être installé font une entrée sous forte escorte de la force de l’ordre. Mais la cérémonie n’aura pas lieu, eu égard à la tension perceptible. L’élu prend la mesure. Il sauve la face avec un tour du village avec une fanfare:
« À un moment donné, il faut arrêter les querelles et se mettre au travail. Le chef va bientôt présenter son bureau pour lancer les activités. Le seul chef reconnu par le village, par l’administration et les politiques, c’est Abitto Joseph. Il est donc impératif de commencer à travailler. Le chef Abitto est celui qui a l’arrêté et il sera le chef », déclare le samedi 28 juin 2025, le député-maire de Bingerville Issouf Doumbia. Il fils du village de la génération Blessoué .
Mais pour une tranche du village cette belle initiative et courageux engagement en cache assez. « Que cache une telle attitude », marmonne-t-on dans le village. Pour donner suite à sa position, le député maire de Bingerville a tenté donc d’imposer une installation du chef Joseph Abito, laquelle action a rencontré une farouche opposition d’une partie du village. Accentuant la crise déjà terrible pour la cohésion du village.
le non d’une partie du village
Troisième acte, le mercredi 2juillet 2025, une vive réaction d’une partie de la notabilité du village: « Nous avons été surpris que le maire qui a initié le processus de conciliation dise au Préfet d’Abidjan que ce processus n’a plus sa raison d’être.
C’est comme si nous repartons à zéro et nous impose un chef de force. Mais il a été humilié lamentablement le samedi dernier. Pour faire sortir sa tête de l’eau, il fait une possession en faisant des déclarations entouré des microbes. Il cherche un bain de sang, mais il ne l’aura pas. Le village Abatta n’est pas sa plantation.
Ce n’est pas à un BLESSOUE de donner des ordres, au TCHAGBA. Ce n’est pas à un Blessoué de présenter un chef Tchagba, même s’il est maire et député. Dans notre coutume ce n’est pas à un fils de présenter son père, c’est le père qui présente son fils.
Nous profitons pour remercier les forces de l’ordre qui ont usé de sagesse pour éviter ce bain de sang dans le village. Youssouf Doubia rentre au village et il dit qu’il n’y a pas garçon ! C’est quel message un député de la République envoie », soutient fermement AHOUO Alexis notable de la chefferie de la génération Tchagba au pouvoir.
En pays Atchan (Ébrié), la « génération » fait référence à un système d’organisation sociale qui regroupe les individus en quatre grandes catégories : Dougbô, Tchagba, Gnando, et Blessoué.
Chaque génération comprend quatre classes d’âge : Djéhou (aînés), Dongba (puînés), Agban (cadets), et Assoukrou (benjamins). Ces classes d’âge jouent un rôle important dans la vie sociale et politique du village, et leur passage de pouvoir se célèbre lors de la « Fatchué », une cérémonie traditionnelle. Pour les 15 années suivantes depuis 2021, ce sont les TCHAGBA qui sont au pouvoir, et le maire Isouff Doumbia appartient à la classe des cadets Blessoué.
« C’est pourquoi nous élevons à la place où il a porté main à une femme et disons que le peuple se sent très trahi et nous interpellons le Préfet d’Abidjan. Nous sommes ouverts au processus mais plus avec Issouf Doumbia. S’il est dans ce processus, nous ne participerons pas.
Il n’est plus notre interlocuteur aujourd’hui. Nous allons remettre le pouvoir à qui de droit pour que justice soit faite/ Par ailleurs, nous disons que l’Île Désiré n’est pas à vendre », déclare très remonté Yapi Agah Claude réitérant la détermination des Tchagba, lors de la visite guidée, du mardi 23 juin 2025 sur l’Île en présence de nombreux journalistes.
Le combat de « L’ile Désirée n’est pas à vendre ! »
L’île Désirée s’étend sur une superficie de plus de 76 hectares, demeure un réel espoir pour les générations dont l’avenir reste incertaine au regard d’une démographie galopante et du développement de la ville d’Abidjan qui ont englouti quasiment toute les terres du village. Une action visant à envoyer un message clair aux éventuels prédateurs du foncier s’activant à brader une partie de cette île à des opérateurs économiques.
« Les Dougbo ont dirigé le village. Aujourd’hui c’est le tour des Tchagba. Si ces derniers, par manque de vigilance, laissaient filer entre leurs mains ce trésor commun, qu’allons-nous devenir avec nos sœurs, mères et enfants ?», déclarent les filles et fils d’Abatta unanimes de leur devoir de veiller sur cette île. C’est que des rumeurs persistantes, font état de ce qu’un élu, dont l’identité n’a pas été révélée, aurait réservé sur cette île une surface de 4 hectares, pour y construire un hôtel de haut standing.
Une traversée d’à peine 5 minutes de lagune à bord d’une pinasse et vous êtes sur l’Ile Désirée, située entre les villages M’badon (Cocody) et Abatta (Bingerville) et le quartier Campement (Koumassi) et ceinturée par la lagune. L’on y note la grande présence de la communauté béninoise. L’activité principale de ses habitants est la pêche artisanale. Selon les informations, c’est le village de M’badon, qui administre l’Île Désiré, qui en réalité est nommée M’badon 2 (l’autre M’badon sur la terre ferme, M’badon 1).
Avant que les habitants ne soient autorisés à s’installer ici, l’île a été habité par un Européen se prénommant Désiré. Le territoire sauvage, le rendant continuellement malade, il a dû aller s’installer à Bingerville. Les aïeuls des actuels habitants en majorité ont sollicité de leurs hôtes ébrié du village de M’badon l’autorisation de s’y s’installer.
L’ile aujourd’hui peuplée majoritairement de Béninois, compte des familles comme celles de : Amoussou Vivor Degole, Bessan Kpofê, Koudôkpô Denis, Jaques Vivor, Welekou Avlé, Adjété Tété, Ekpokou Ablokoto, Noucthé Akanzo, Afanou Ketekou. Le chef Esaïe Amoussou, veille sur la vie de quelques 200 âmes qui peuplent l’île subdivisée en deux secteurs en fonction des deux grands groupes ethniques qui y sont majoritaires.
D’un côté le secteur 1 où l’on trouve majoritairement les Plah, secteur géographiquement situé du côté d’Abatta ; de l’autre, le secteur 2, majoritairement peuplé des Pedah côté de M’badon, des peuples du Bénin. La pêche, la principale activité économique. Cependant, l’Île Désiré est sous la menace constante de l’érosion côtière, avec de plus en plus un glissement de terrain, surtout du fait du dragage. Un patrimoine à protéger.
« L’île Désirée appartient depuis toujours à la communauté villageoise d’Abatta. Aujourd’hui, nous apprenons avec stupéfaction qu’elle serait en train d’être vendue par des individus que nous ne connaissons pas. Nous tenons à informer l’opinion nationale et internationale que ce site n’est ni à vendre, ni à céder à quiconque.
Cette île représente l’unique réserve foncière encore intacte du village. Elle est destinée à accueillir des projets communautaires pour les générations futures, afin de garantir leur autonomie financière. C’est leur seule perspective de développement, car elles ne disposent d’aucune autre source de revenus », a déclaré Yapi Agah Claude, membre de la chefferie traditionnelle avec à ses côtés, Mme Mobio Marie-Madeleine, représentant les femmes.
« Cette île est un patrimoine commun que nous ont légué nos ancêtres. Ceux qui nous ont précédés dans l’au-delà ne l’ont pas bradée. Pas parce qu’ils n’aimaient pas l’argent. Mais ils ont pensé à nous. A notre tour, nous avons le devoir de préserver ce bien commun pour la postérité» appuie Yapi Agah Claude.
« L’ile désirée n’est pas à vendre ! Cette île est un patrimoine commun que nous ont légué nos ancêtres. Ceux qui nous ont précédés dans l’au-delà ne l’ont pas bradée. Pas parce qu’ils n’aimaient pas l’argent. Mais ils ont pensé à nous. A notre tour, nous avons le devoir de préserver ce bien commun pour la postérité.
Nous savons qu’elle fait l’objet de beaucoup de convoitises avec la bénédiction de certains fils du village. Mais il faut le dire très net, l’île est un patrimoine collectif, c’est un bien communautaire. Aujourd’hui, nos petits frères, les Bléssoué et les Gnandô Junior n’ont bénéficié d’aucune portion de terre pour y vivre avec leur petite famille.
L’île Désirée est la réponse à cette préoccupation. Et aussi, c’est un site à exploiter économiquement pour permettre à notre village de se développer. C’est pourquoi nous disons à tous ceux qui ont été trompés en prenant des terrains ici doivent aller se faire rembourser.
Parce que la vente d’une simple petite portion de terre sur cette île doit être approuvée, au préalable par l’ensemble des villageois», Yapi AGAH Claude. C’est un véritable holà de la communauté villageoise d’Abatta suite à la parodie de d’intronisation ou de présentation d’Abito Joseph par le maire Issouf Doumbia.
« C’est avec consternation et honte que les populations du village d’Abatta ont assisté à une scène surréaliste réalisée par Issouf Doumbia, Maire de la Commune de Bingerville et ses amis Abito Joseph et consorts dans la nuit du vendredi 27 au samedi 28 juin 2025« , déclarent les notables du village.
Ledebativoirien.net
GRACE OZHYLLY