«Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse!» ce sont par ces mots empruntés à Nelson Mandela que Patrick Achi, premier ministre, chef du gouvernement a planté le décor de son adresse à Abidjan, aux participants à la clôture, vendredi 28 octobre 2022, à la Rencontre des Entrepreneurs Francophones.
Il s’est réjoui de l’accélération à fédérer les enthousiasmes pour la mise en place d’une Alliance commune en mars 2022 à Tunis. Elle portera la voix, les ambitions des patronats et des gouvernements, pour une francophonie économique plus performante et projective.
Comme le soulignent les 7 groupes de travail de l’Alliance, des infrastructures au numérique, en passant par la libre-circulation, la transition écologique, le secteur bancaire, les investissements et la formation professionnelle.
«Avec vos équipes, avec l’ensemble des membres de l’Alliance, vous avez su comprendre que la francophonie économique avait besoin de ses deux jambes, de ses deux rives pour avancer, grandir et gagner son combat !Je sais que nous partageons la même espérance d’un rayonnement toujours plus grand et d’une prospérité toujours mieux partagée », a indiqué le premier ministre ivoirien Patrick Achi devant ses hôtes.
Poursuivant, Patrick Achi note que le continent francophone est, sans prétention aucune, l’un des acteurs clés du temps d’aujourd’hui et des mondes de demain. «En raison du dynamisme démographique de ses membres, africains notamment, notre espace commun devrait atteindre en 2050 plus d’1,5 milliard de personnes, dont 700 millions de locuteurs francophones. Et à cette échéance, 90% des locuteurs âgés de 15 à 30 ans, vivront en Afrique.
Nous devons regarder le monde d’aujourd’hui, celui de demain avec espoir et faire une lecture de notre passé commun, non comme un handicap, mais plutôt comme une voie de la providence dont il faut savoir urgemment tirer le plus grand bénéfice au risque de voir les générations futures nous tenir responsables, à juste titre, de n’avoir pas été à la hauteur des enjeux et des défis de notre temps ».
L’espace francophone et des avantages comparatifs
Selon le chef du gouvernement ivoirien, il faut reconnaître qu’il est inadmissible que le partage en commun de la langue, des standards et souvent même des législations et des pratiques commerciales, ne donnent aux pays de l’espace francophone, des avantages comparatifs qui devraient se traduire par des échanges économiques et commerciaux plus importants.
Faire grandir la francophonie économique, c’est aujourd’hui savoir saisir une triple opportunité historique, fait-il savoir en précisant que la première opportunité, elle est géopolitique.
« Au moment où les Etats veulent progressivement regagner de leur souveraineté industrielle, énergétique, minière et donc tout simplement économique, il leur faudra nouer d’autres relations, plus proches, plus simples, plus durables. Il leur faudra construire d’autres chaînes de production et de valeurs, plus équilibrées.
Et, où mieux les construire que sur une terre où l’on parle une même langue, où les cultures se métissent se comprennent instinctivement, où la jeunesse débordante de talents, d’énergie et de créativité, ne demande qu’à bâtir », clarifie le premier ministre ivoirien.
La deuxième opportunité de la francophonie économique, selon elle est productive. «L’Afrique, qui sera demain le cœur et le poumon du monde francophone, est le dernier continent où des investissements massifs dans les infrastructures, les services publics, les réseaux technologiques et le capital humain s’opèrent en ce moment même et devront encore grandir à l’avenir.
Elle est aussi cette dernière frontière des sociétés où les classes moyennes deviennent majoritaires, offrant par là même des marchés uniques, par leur volume, aux produits, services et technologies les plus performants et les plus compétitifs. Faire grandir la francophonie économique, c’est donc aussi, naturellement, tirer pleinement partie de la marche de l’Afrique vers le progrès.
Il ajoute que la troisième et dernière opportunité de la francophonie économique, c’est celle du combat de la nouvelle modernité. «La Francophonie, avec son rapport à la fraternité, à l’universalité, à l’humanisme, doit être cet espace où progresse ce «Monde des Nouveaux Équilibres», sous-tendu par l’Accord de Paris pour le Climat, à quelques jours d’une COP27 en Égypte qui pointera, comme ce fut annoncé hier, le fait que le monde tend vers un réchauffement « catastrophique» de + de 2,5 degrés d’ici 2050.
N’est-elle pas aussi cette aire unique qui, de la Guyane à la République Démocratique du Congo, a partie prenante avec les deux poumons de notre planète, l’Amazonie ou le bassin du Congo ? Ce sont des initiatives puissantes et innovantes qui font vivre la francophonie, et qu’il nous faudra multiplier demain.
Il est stratégique de voir émerger un label francophone de la gouvernance durable, qui traduirait le passage de certaines entreprises d’une logique actionnariale vers une logique partenariale. Ce Monde francophone des Nouveaux équilibres, il devra également être en pointe sur l’économie numérique, en faisant progresser les réseaux, leurs usages, leur créativité concrète et utile aux sociétés ».
L’Afrique et la puissance de création
« Et en tirant fierté et assurance de sa culture, l’Afrique change aussi le regard du monde sur elle-même, renforce son éclat, étend son influence, donne envie d’elle-même pour y venir, y investir, et y vivre. Elle devient une Terre d’inspirations, un monde d’inventions.
Oui, ce patrimoine de créativité, d’œuvres et de talents n’est plus aujourd’hui seulement contemplé pour sa beauté, sa pluralité, mais il est aussi devenu une véritable industrie, source de richesses tant nationales que continentales. Une industrie qui fera rayonner la culture en langue française notamment dans les décennies à venir et dans laquelle les entrepreneurs de la francophonie doivent prendre toute leur place », affirme-t-il avec optimisme.
Et d’insister sur trois aspects qui lui paraissent primordiaux pour le succès des entreprises de l’espace francophone.
Ce «sens de l’audace» qui, comme l’écrivait Marcel Proust, «réussit à ceux qui savent profiter des occasions». Nous l’entendions aussi si joliment déclamé hier dans l’un des panels, «un entrepreneur, c’est celui qui doit saisir des opportunités au quotidien, c’est un caractère, une énergie, une mentalité». Et il faut que cette philosophie nous imprègne toutes et tous, pouvoirs publics, secteur privé, institutionnels.
Le deuxième aspect, c’est l’optimisme, « l’optimisme » qui, pour reprendre les mots célèbres de l’historien Jacques Bainville, « est la foi des révolutions ». Oui, nous ne parviendrons pas à mettre au sommet du monde la francophonie économique sans un optimisme forcené de la volonté !
Le troisième et dernier aspect sur lequel je veux insister et qui peut paraître contre-intuitif dans un sommet réunissant des entrepreneurs et l’Alliance des Patronats Francophones, c’est le rôle dévolu à la puissance publique. Oui, les succès de nos entrepreneurs ne sont et ne seront jamais des succès solitaires. Et ils sauront se multiplier parce que les États de la francophonie sauront les accompagner.
A l’inverse, la puissance publique, dans la sphère francophone a pu parfois pêcher par timidité ou naïveté. Aujourd’hui il est donc clair que la participation massive de l’État au cours de la phase d’amorçage d’une entreprise, non pas dans une logique de rentabilité mais dans une optique de structuration de l’écosystème, est capitale dans bien des économies ». Patrick Achi lance alors un appel pour une Francophonie économique vibrante, innovante et conquérante au regard de ce qui a été accompli en seulement 12 mois!
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