Afrique-gouvernance : la faillite des pays de l’ « AES »

6 min read
61 / 100 Score SEO

On l’a maintes fois dit et redit, l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais plutôt d’institutions fortes

Le 09 Juin 2025, les pays de   » l’AES  » ont présenté leur   » hymne confédéral « . Encore une fois, toute une partie de la presse ouest–africaine s’est emballée pour voir la chose comme un « acte de souveraineté », et de nouveau présenter    » l’AES  »  comme un modèle que devraient suivre les autres pays du continent.

Gouvernance : la faillite des pays de l' "AES"; Ledebativoirien.net

Et pourtant les trois juntes demeurent à ce jour, incapables d’apporter la sécurité aux populations. C’est le moins qu’on puisse dire. Le fait d’avoir recours à des soldats russes est en soi un aveu d’impuissance, qui montre que les armées de ces pays sont incapables d’affronter seules les djihadistes.

En termes de bilan sécuritaire, aucun de ces pouvoirs n’a fait mieux que le régime qu’il a renversé.  Partout la sécurité se détériore, alors que les militaires avaient justifié leur putsch en promettant la sécurité aux populations. Les Américains disposaient d’une base aérienne à Agadez au Niger, dévolue à la surveillance de tout le Sahara grâce aux drones à long rayon d’action. C’était une source essentielle de renseignements pour les armées de ces pays.

Depuis la fermeture de la base à la demande de la junte nigérienne, les mouvements des colonnes djihadistes ne sont plus repérés, aussi parviennent-ils à frapper en bénéficiant toujours de l’effet de surprise. Résultat, des camps attaqués avec des bilans lourds en termes de pertes de soldats, des régions entières sont sous blocus, abandonnées à leur sort, des exactions sur les civils, et un flot toujours croissant de réfugiés et de déplacés internes.

D’autre part, le recours aux milices n’est pas potentiellement sans conséquences. Au Burkina quelques 90 000 Volontaires pour la Défense de la Patrie  (les vdp, des jeune-hommes qui combattent aux côtés de l’armée régulière ), font peser un risque majeur sur le pays et ses voisins, dans la mesure où cette masse de combattants peut un jour se retourner contre l’autorité.

Le cas du Soudan est là pour montrer que le recours aux milices peut être un couteau à double tranchant.

Sur le plan économique, il y a aujourd’hui dans ces pays un chômage massif au niveau des jeunes, entraînant leur exode vers les autres pays de la sous-région. C’est une réalité qui est reléguée au second plan du fait des défis sécuritaires. Mais elle n’en demeure pas moins dramatique.

Les jeunes n’ont plus d’emplois, le  discours « anti impérialiste » et la politique de spoliation des juntes, a fait fuir les investisseurs. Le contexte est instable, mouvant, n’offre aucune visibilité. Au Niger, toute la sphère économique supplie le général Tiani d’ouvrir la frontière avec le Bénin. Mais l’homme au motif que le Bénin abriterait des « bases militaires françaises ».

Le boom de l’or au Mali permet à l’Etat d’équilibrer ses comptes sans nécessairement avoir une incidence sur l’emploi. L’investissement privé s’est tari et avec lui la création de richesses et d’emplois. Dans ces pays, l’Etat n’est plus en capacité de donner des perspectives à la jeunesse.

Les militaires gouvernent sans contre-pouvoirs, ils ne rendent compte à personne de leur gestion des finances, cette opacité est un terreau fertile pour la corruption et le clientélisme.  Au Mali sous IBK, au Burkina sous Roch Christian Kaboré, et au Niger sous Mahamadou Issoufou et son successeur Mohamed Bazoum, l’économie des pays du Sahel avait des taux de croissance soutenus, notamment le Mali, classé parmi les sept pays les plus dynamiques en Afrique subsaharienne.

 Les défis sécuritaires n’étaient pas aussi dramatiques qu’aujourd’hui. La machine économique créait de l’emploi pour les jeunes. Ces pays étaient ouverts à l’investissement. Mais les putschs qui se sont succédé ont totalement brisé cette dynamique.

Gouvernance : la faillite des pays de l' "AES"; Ledebativoirien.net

Sur le plan politique, c’est encore plus dramatique. Les partis sont dissous, et il n’y a plus de vie politique. Tout le monde doit chanter les louanges des chefs des juntes. Aucune voix dissidente n’est admise.  Les  populations sont entrées dans une nuit noire, dans une terreur qui ne dit pas son nom. C’est tout simplement un retour aux années 70, lorsque les putschs étaient la norme en Afrique.

On dénie à la population le droit de choisir ses dirigeants. Ces pays suivent en tout point le modèle de l’Erythrée, ce petit pays décrit comme  une « Corée du Nord » sur le continent africain. D’ailleurs ces pays ont rétabli les relations diplomatiques avec la Corée du Nord, en violation des résolutions des Nations Unis.

Tout le monde compare l’ ‘’AES’’ à la CEDEAO aujourd’hui. Il faut faire attention. La CEDEAO a certes des insuffisances, mais c’est une organisation qui a cinquante ans d’existence. Elle a un parlement, une cour de justice, une banque d’investissement, un marché de l’énergie, des organes spécialisés dans plusieurs domaines (santé, transport, énergie, ….).

La CEDEAO a un résident-permanent dans chaque Etat membre qui a rang d’ambassadeur. L’AES est encore au stade de projet. Les juntes disent vouloir sortir du CFA et créer une monnaie commune, mettre en place une banque d’investissement, une cour de justice, un marché unifié de l’énergie, une  » armée unifiée  » de 5 000 hommes…etc…etc…..

Gouvernance : la faillite des pays de l' "AES"; Ledebativoirien.net

Toutes ces choses sont au stade de la communication.  A ce jour, aucun organe n’a été mis en place. Le seul élément concret qu’on peut retenir est ce passeport commun, et l’  »hymne de la confédération ». A ce jour, du point de vue institutionnel, ‘’l’AES’’ demeure une coquille relativement vide.

Une armée de cyber activistes s’emploie à présenter les choses sous un jour meilleur dans ces pays, surtout au Burkina. Ces pouvoirs sont dans une bulle médiatique, avec une popularité artificielle, qui se limite aux réseaux sociaux. Sur le triple plan sécuritaire, économique et militaire, ces pays sont dans une sorte d’errance, dans le flou, sans aucune boussole, sans un cap clair,  repliés sur eux-mêmes. 

Comment peut-on les considérer comme des modèles pour le continent ?  En vérité, ces pays sont dans une faillite collective. Ils disent avoir acquis leur « pleine souveraineté », mais chaque jour les choses se détériorent un peu plus, chaque jour les conditions de vie se dégradent sans perspective de sortie. Quels sont donc pour les populations les retombées de cette « pleine souveraineté »  acquise ?  

Ledebativoirien.net

Douglas Mountain-Le Cercle des Réflexions Libérales


En savoir plus sur LE DEBAT IVOIRIEN

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Vous pourriez aussi aimer

Du même auteur