Le 11 avril 2024, l’Autorité ivoirienne de régulation pharmaceutique (AIRP) tirait la sonnette d’alarme : le célèbre aphrodisiaque traditionnel ivoirien Attoté contiendrait du sildénafil, une molécule aux effets potentiellement dangereux. Un an plus tard (2025), entre interdiction, contournements, chômage, économie locale, de Korhogo à Abidjan en passant par Yamoussoukro, la réalité d’une interdiction difficile. Plongée dans le nouvel univers risqué d’Attoté.

Reconnu bien au-delà des frontières ivoiriennes, Attoté est devenu en quelques années une référence dans la médecine traditionnelle africaine. Derrière ce produit, un nom : Ouattara Djakaridja, tradi-praticien de Korhogo, héritier d’un savoir ancestral transmis par son grand-père.
Sans campagne de communication et contre toute attente, le succès d’Attoté ne doit rien à la publicité. « Ce sont les gens eux-mêmes qui ont porté le produit », affirme-t-il fièrement. Le bouche-à-oreille a suffi à transformer un remède local en marque internationale. Entre expansion mondiale, contrefaçons, interdiction et manque de reconnaissance nationale, l’homme est à un tournant. Aujourd’hui, interdit en Côte d’Ivoire, Attoté est très convoité dans plusieurs pays de la sous-région.
Korhogo, épicentre d’un silence troublant
Depuis le 11 avril 2024, Korhogo, capitale du Poro et berceau d’Attoté, semble avoir perdu une part de son dynamisme. Dans le quartier surnommé “Sinistré”, habituellement animé, le siège d’Attoté affiche portes closes. Deux anciens collaborateurs, croisés sous un parasol, confient à voix basse : « La production est arrêtée. Mais les stocks restants sont encore écoulés ».
Désormais, il faut être « recommandé » pour s’en procurer. Selon un proche du créateur, plus de 500 personnes se retrouvent aujourd’hui au chômage. Les conséquences économiques sont palpables. Témoignage d’un étudiant : « Grâce à Attoté, je pouvais payer mes fascicules. Aujourd’hui, je suis obligé de dépendre à nouveau de mes parents. »
D’Abidjan à Yamoussoukro: une interdiction contournée

A la grande gare de Yamoussoukro, les revendeurs d’Attoté connaissent leurs clientèles. Vice-versa. Des endroits de ventes cachés. Parfois exposé. Une chose est sure, très insuffisant sont les flacons à l’effigie Attoté mais pas absents. « Il est difficile d’avoir le vrai Attoté. Je me contente de son remplaçant’’ La paix’’, » fait savoir Konan F, un consommateur du produit. À Abidjan, dans les quartiers populaires comme Abobo et Adjamé, la vente continue. Discrète mais réelle. Les vendeurs redoublent d’ingéniosité : ventes en ligne, flacons sans étiquette, produits dissimulés sur les étals des cabines téléphoniques ou chez des gérants de loterie, près des arrêts de bus ou carrefours.
Les flacons étiquetés « La Paix », « Waraka » ou encore « Gona » sont visibles, mais jamais celui d’Attoté. « Du moment que je ne mets pas un flacon d’Attoté sur ma table, je suis confiant », déclare Mory, un revendeur. Pour Konaté : « Les flacons ‘La Paix’, ‘Waraka’ ou ‘Gona’ ont le même effet qu’Attoté. L’efficacité est similaire, donc cela me suffit. Les produits sont efficaces», confie-t-il. Arnaud, revendeur à Samaké, confirme la tendance. Plus inventive encore, Maïmouna K. change l’emballage pour poursuivre ses ventes.
Pour elle, l’interdiction est due à un décès lié à une mauvaise utilisation, mais elle ne remet pas en question l’efficacité du produit. D’autres profitent de la situation pour écouler les derniers stocks en ligne et promouvoir de nouveaux produits concurrents.

Cette situation a repositionné les concurrents de Djakaridja. Bien qu’il ne dénigre pas les autres médecines traditionnelles, il insiste : « Personne ne sait qui fabrique ces médicaments. Avec Attoté, tout est clair : mon nom, ma photo, mon village. » Une manière de revendiquer une transparence que les autres ne garantissent pas, tout en appelant à une protection de sa création malgré cette interdiction.
Du côté des autorités sanitaires, le ton est sans équivoque. Le Dr Kroa Ehoulé, du Programme national de promotion de la médecine traditionnelle, avait alerté : AVC, crises cardiaques, priapismes et infections sont régulièrement signalés chez les utilisateurs. Sa position n’a pas changé en 2025.
Selon lui, la fabrication d’Attoté ne respecte ni les normes sanitaires ni les principes déontologiques : «Les produits sont mal préparés. On y trouve même des champignons », affirme-t-il. Il estime que la méthode de fabrication du « Attoté 100 % naturel » va à l’encontre de l’article 45 du code de déontologie médicale. Cette interdiction à toute la caution du ministre de la sante, de l’hygiène publique et de la CMU ’’ Désormais la vente d’Attoté, la paix….sont interdite en Côte d’Ivoire’’ faisait savoir Paule Allé Directeur de la communication dudit ministère.

Pour Dr Kouajio, c’est très dangereux car « en général on dit au personne de prendre un ver de ces liquide la, mais, on ne connait pas la composition d’un verre ni le dosage. C’est là tout le problème. Certains ont des soucis de cœur après parce que leur besoin de dosage n’est pas indiquer. Tout le monde doit prendre un verre. C’est problématique, un cœur peut s’arrêter, une érection peut être prolonge autant de risque. Aussi, il y a parfois des germes. Si vos les buvez-vous pouvez être infecte’’ prévient-il.
Djakaridja se défend : « L’Afrique doit croire en sa médecine »
Contrairement aux idées reçues, selon Djakaridja, Attoté est un bon médicament. Il soigne les hommes. Il n’est pas réservé seulement qu’aux hommes : « Grâce à Attoté, des femmes ont accouché, des hommes ont été guéris de la stérilité et de l’impuissance sexuelle », assure-t-il. Il affirme également que son produit soigne les fibromes, kystes, sinusites, colopathies, hémorroïdes, et même la sécheresse vaginale.
« Les femmes viennent aussi. Elles témoignent de leur satisfaction. Certaines disent que leur vie sexuelle a retrouvé une normalité. ». Pour lui, la médecine traditionnelle africaine mérite d’être valorisée car ses résultats sont bien réels. Une façon de dire que ce procès à son endroit mérite d’être débattu objectivement. La fabrication d’Attote a été décorée par l’état de Côte d’Ivoire. Cet homme depuis ds années fabrique et vend Attote. D ailleurn c est grace ace produit qu il a été connu. Cette interdiction cache quelque chose », indique jean tapé.
Une crise révélatrice d’un système à deux vitesses

L’affaire Attoté met en lumière une crise profonde dans la régulation de la médecine traditionnelle en Côte d’Ivoire. D’un côté, une forte demande populaire pour les remèdes naturels ; de l’autre, un vide juridique, scientifique et institutionnel. Le Dr Kroa lui-même le reconnaît : « Il n’existe toujours pas d’institut de recherche en médecine traditionnelle homologué dans le pays. »
Vers l’exil ? Un transfert de production envisagé
Ouattara Djakaridja défend vigoureusement son produit. Pour lui, Attoté est un symbole de souveraineté sanitaire. « Nous en avons marre de nous soigner avec des produits douteux venus de l’étranger », déclare-t-il. Il revendique un héritage sénoufo et une formule à base de plantes. Mais face à l’interdiction, à la contrefaçon et à l’absence de reconnaissance officielle, il envisage de transférer sa production vers des pays plus accueillants, comme le Burkina Faso, le Sénégal, le Mali. « Les Ivoiriens ne prennent pas Attoté au sérieux. D’autres pays sont prêts à m’accueilli», annonce-t-il.
Un nom utilisé pour la pornographie ?
Contre toute attente, le nom « Attoté » est utilisé sur des sites pornographiques, à l’insu de son créateur malgré cette interdiction. « Je ne reçois rien. Je suis au village. Je ne connais pas mes droits. J’aimerais qu’on m’aide », implore Djakaridja, qui en appelle à un avocat surement.
….le destin incertain d’Attoté

L’interdiction d’Attoté a laissé un vide économique et social à Korhogo, tout en favorisant la contrebande à Abidjan, Yamoussoukro et bien d’autres villes de la Côte d’Ivoire. Dans ce flou réglementaire, les enjeux se croisent : santé publique, souveraineté culturelle, business et légitimité institutionnelle. En attendant une politique plus cohérente et un cadre juridique adapté, Attoté demeure à la fois un symbole de résistance et une énigme sanitaire.
Après 15 ans d’activité, le tradi-praticien espérait une reconnaissance de l’État : « Je ne réclame pas de médaille. Mais j’ai fait le choix de rester ici avec mon produit. Attoté faisait rayonner la Côte d’Ivoire ». En lieu place d’une médaille, la réponse officielle de l’AIRP a été tranchante : Le 11 avril 2024, marquait une interdiction formelle. Celle de ne plus voir le flacon Attoté en vente sur l’étendue du territoire ivoirien. Contraitement a la Paix, Gona, Attoté paye le plus lourd tribut de cette interdiction.
Ledebativoiriern.net
Christian Guehi
Journaliste culturel et critique d’art
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