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CORA SA-22 ans que dure les larmes des ex employés : 163 familles sacrifiées dans les  pas du tango du Liquidateur

CORA SA-22 ans que dure les larmes des ex employés : 163 familles sacrifiées dans les  pas du tango du Liquidateur; Ledebativoirien.net

Les témoignages touchant des veuves-Pourquoi le liquidateur Tiémoko ne bouge-t-il pas ? 

Le gouvernement interpellé    

Octobre 2003, octobre 2025, cela fait bien 22 ans que CORA SA, une  entreprise américaine en Côte d’Ivoire fermait ses  portes. Cet opérateur de téléphonie mobile COMSTAR qui a obtenu sa licence le 11 avril 1993 et devenu CORA SA a été la première offre de téléphonie mobile dans le pays en 1994, avec plus de  33.000 abonnés.

Alors qu’elle tenait la tête de la concurrence dans le secteur de 1994 à 2003, elle a décidé d’une  fermeture brusque, le 10 octobre.  Abandonnant ses ex-employés à leur triste sort.

Des dizaines  de pères et mères ce sont retrouvés d’un trait sans emplois. Des  rêves de vie brisés.  22 ans  plus tard, en 2025, quel est aujourd’hui le sort  du cortège des délaissés en cours de route par CORA de COMSTAR ? Une visite auprès des membres du collectif des ex employés de cette société nous a permis de nous enquérir de la situation avec un détour auprès du Liquidateur Tiémoko enfermé.

Toujours la misère et l’espoir entretenus

Le changement positif dans cette affaire est que,  le régime d’Abidjan, ayant mesuré l’ampleur sociale des dégâts Cora de Comstar, a consenti  à  la liquidation des actifs de la société selon l’accord conclu entre le régime d’alors (Refondation) et les actionnaires américains. Le protocole d’accord signé le 24 février 2006 à Washington DC entre l’Etat de Côte d’Ivoire (le Liquidateur) représenté par une délégation mandatée par le ministre des Nouvelles Technologies de l’Information et des communications et, les Américains :

Western Werless International Ivory Coast Corporation Modern Africa Tow-LLC et Werless Communications Technology Inc (Ics Actionnaires) concernant Cora de Comstar, S.A. (CORA), est porteur d’espoir pour le paiement des droits de ex employés de la société.  

« (…) Lorsque le paiement de la somme de 6 millions de dollars US sera effectué, les Actionnaires céderont les intérêts qu’ils détiennent dans Cora au gouvernement qui lancera le processus de liquidation de Cora. (….) »-Fait le 24 février 2006 Washington DC.

Le gouvernement Alassane Ouattara qui a pris le  pouvoir en  2011 s’est fait sien ledit accord. Ainsi, le vendredi 19 avril 2024, un avis de nomination du Liquidateur de la société CORA SA est publié officiellement  par le  journal gouvernemental Fraternité Matin, en ces termes:

« Par Arrêté interministériel n°0015/MBPE/MEF/MICEN du 07 Septembre 2023 portant nomination du liquidateur de la Société CORA de Comstar (CORA SA), et fixant les modalités de la mise en œuvre de la liquidation de ladite société, Monsieur TIEMOKO KOFFI, Expert-Comptable Diplômé et Expert près les Tribunaux, est désigné en qualité de Liquidateur. Les créanciers de cette société sont invités de produire leurs titres de créances entre les mains du liquidateur précité à l’adresse ci-dessous : Audit intercontinental 27 B.P. 1197 Abidjan 27 Cocody Angré Djibi Immeuble Bank Of africa (BOA) Côte d’Ivoire ».

C’est le début véritable de la naissance d’un réel espoir  pour les ex-employés de l’entreprise américaine, qui ont senti un abandon total de l’Etat. L’espoir renait donc dans les rangs des sans-emplois de CORA qui, pour se soulager se sont constitué en 2018 en un Collectif dénommé :

‘‘Le Collectif des Travailleurs de l’ex Société CORA SA’’, Journal Officiel,  du 7 septembre 2018. Soit 15 ans de lutte pour y arriver. Ce Collectif contribue au bien-être de ses membres, le représente et défend leurs intérêts collectifs devant toutes les instances administratives et judiciaires.

Mais aussi promeut la solidarité en son sein.  La nomination du Liquidateur a suscité une  lueur d’espoir chez les ex-employés de CORA SA. Mais de septembre 2023  à  juin 2025, la course du Liquidateur est incompréhensible  pour les ex-employés. « Plus rien ne bouge », fulminent-ils. Et là,  pour mieux décrire les pas du tango improvisé du liquidateur Tiémoko, suivons le porte-parole du Collectif et certaines veuves que nous avons rencontrés.

N’guessan Bernard, président  du  Collectif des Travailleurs de l’ex Société CORA SA, parle

LDI: Voici déjà plusieurs années que vous luttez pour la reconnaissance des droits des  ex employés de CORA. Avec la désignation d’un liquidateur, avez-vous eu gain de cause en cette année 2025 ?

Je vous remercie monsieur le journaliste Makré de me donner la parole pour parler de l’affaire CORA SA. Je précise pour dire que le Liquidateur a été nommé en septembre 2023 par un Arrêté Interministériel pour 6 mois reconductible une fois. Cela a été fait. En fait, nous avions pensé qu’avec la nomination du Liquidateur nos difficultés disparaîtront, malheureusement non sommes dans un flou total.

Comment expliquez-vous cet état de fait ?

Nous en tant que responsables du Collectif ne comprenons pas à ce jour ce qu’il se passe. Il n’y a pas de communication entre le Liquidateur et nous depuis la prorogation de son mandat. Nous ne savons pas s’il a fini de calculer les droits. Nous lui avons donné les documents à notre disposition. Chaque fois que j’appelle son assistante juridique et qu’elle me dit que monsieur Tiémoko Koffi demande tel document, nous nous s’efforçons de faire les recherches et si c’est disponible, nous les lui remettons.

Aux dernières nouvelles et ce, par l’entremise de notre conseil juridique qui a eu toutes les difficultés pour le rencontrer et discuter de notre dossier, nous apprenons qu’il dit ne pas disposer des bulletins de salaires de tous les ex-employés de CORA SA.

Raisonnablement de vous à moi, 22 ans après la fermeture brutale de notre société avec le départ de ses fondateurs aux USA sans égards, qui sont les travailleurs qui peuvent avoir encore intact leurs contrats de travail ou bulletins de salaire ?

Sur un effectif de 163 ex-employés dont 14 sont décédés, nous avons pu lui faire parvenir près de 50 bulletins de salaire et des contrats de travail. Nous pensons que rien ne justifie la lenteur avec laquelle il traite notre dossier.

Si vous avez un message à vos collègues et au gouvernement, c’est lequel ?

Le Bureau Exécutif de notre Collectif voudrait par ma voix dire à nos ex-collègues, aux veufs et aux veuves, aux orphelins de garder leur calme, de rester serein et de garder l’espoir. Nous avons résisté à certaines intimidations pour arriver à la prise de l’Arrêté Interministériel qui a mis en place un Comité de Liquidation et la nomination de monsieur Tiémoko Koffi, un homme très expérimenté qui a plus de 35 liquidations de sociétés à son actif.

Malheureusement nous ne savons pas quelles sont les forces exogènes qui l’empêchent de traiter notre dossier avec célérité. Nous savons aussi que notre premier avocat et son patron ont approché le Liquidateur pour réclamer une créance, ce dernier nous l’a rappelé deux fois. Nous lui avons  dit de leur dire de  saisir la justice pour faire appliquer la clause qui figure notre convention. Il doit nous appeler pour savoir comment il compte nous faire payer nos droits.

Au gouvernement et aux trois ministres et leurs collaborateurs nous adressons nos remerciements pour la prise de l’Arrêté Interministériel et surtout pour la prorogation du mandat du Liquidateur.

Cela prouve que l’Etat de Côte d’Ivoire est prêt à payer nos droits 22 ans après ; sinon le renouvellement du mandat du Liquidateur n’aurait pas été possible. Que le gouvernement à travers les ministres qui ont nommé le Liquidateur l’interpelle pour finir rapidement avec ce dossier » soutient le porte-parole du collectif.

Témoignages de veuves et ex employés

Mme Marlène Amoussou, veuve de Soumahoro Moussa : « Mon époux Soumahoro Moussa est décédé en 2014. Nous traversions une situation déjà difficile, mais son décès a empiré la situation. Ce sont des amis, des parents qui nous soutiennent. Nous avons deux enfants. C’est la croix et la bannière devant  la scolarité des enfants. Heureusement que les écoles comprennent et me permettent de solder pendant les vacances. Et cela dure depuis 10 ans. Je suis endettée et je  fais comme je peux avec l’espoir que les droits de  mon mari seront  payés pour nous permettre de retrouver la vie... ».

KOUAMÉ Clémentine, veuve de D’ORFOND Éric : « Je suismère de jumelles. Elles sont nées en octobre 2002 et, en octobre 2003 la société CORA a fermé.

La situation est devenue plus difficile avec le décès de  mon mari en 2008. Et cela  fait 16 ans que je souffre avec la charge des enfants. Il est décédé en pleine rentrée scolaire. C’était difficile, car je n’ai pas eu l’aide de ma famille.

Ce sont des amis et d’autres ex employés de CORA qui nous ont aidés. Il y a eu aussi la divine providence. Il arrivait que nous mangions 150 FCFA après le décès de mon époux, chez une vendeuse de placcali, 75 FCFA  pour chaque enfant avec des os que la dame nous donnait dans la sauce pour donner l’impression de manger de la viande. Quand les fêtes arrivaient, on se cachait  pour ne pas qu’on nous voit. C’est l’aide Dieu et l’espoir qui nous a fait vivre.

Actuellement les filles sont en Licence 3, grâce à un pharmacien qui, voyant que chaque rentrée scolaire je souffrais a décidé de prendre en charge de la scolarité des enfants, jusqu’à aujourd’hui et cela, depuis 17 ans. Je faisais face  à des dettes. Il  a vu que les filles étaient intelligentes. J’ai tout vendu,  ce qui pouvait avoir de valeur chez nous pour survivre, puisque je suis malade. Je tiens  à  remercier  les ex employés de CORA qui nous viennent en aide….Que la situation change avec l’aide du gouvernement».

Mme TOURÉ Amy, ex-employée : « Je suis ex employée de CORA et mère de 2 enfants. La deuxième est née quand  CORA a  fermé. Elle a 21 ans aujourd’hui. C’est parce que nous sommes fortes. C’était difficile. Ce sont des amis et la famille  qui nous venaient en aide.

Je n’ai pas eu de travail sitôt avec la fermeture de  CORA et c’était toujours des soucis pour que les enfants terminent leurs études. Chaque année, il y a un espoir que nos droits soient payés. Nous continuons de  nous battre… Nous appelons  le gouvernement à avoir  pitié de  nous. Nous avons des enfants et nous ne savions pas que nous serions dans une  telle situation…Il y en a qui sont  décédés.  Des enfants sans  père, ni mère. C’est difficile toutes ces années d’attente… ».

Le liquidateur comme démurge ?

A la suite des cris des ex employés, la rédaction s’est rapprochée du liquidateur  à  l’effet d’en savoir davantage sur la situation.  L’arrêté de nomination de celui-ci en son article 3 indique: ‘‘Le Liquidateur a pour mission de couvrir l’ensemble des opérations relatives  à  la liquidation de la société CORA SA…’’.

La rédaction s’est adressée  à  lui en ces termes dans un courrier réceptionné par lui-même le 22 mai 2025. «  Monsieur  le  Liquidateur, nous sommes en mai 2025. Octobre 2003, mai 2025, cela fait bien 22 ans que la société de téléphonie mobile CORA SA est fermée en Côte d’Ivoire. Et 22 ans que dure cette traversée du désert pour de 163 ex employés de cette société de téléphonie mobile, qui, brusquement en 2003 fermait portes.

Et qu’aux termes des dispositions de l’article 3 de l’Arrêté interministériel. N°0015/MBPE/MEF/MICEN, du 7 septembre 2023 portant votre nomination, et fixant les modalités de la mise en  œuvre de la liquidation de ladite société, tel que modifié par l’Arrêté interministériel N°0004/MPPEEP/MFB/MICEN, du 14 mars 2025,

le Liquidateur que vous êtes est chargé entre autres, de dresser un état exhaustif de toutes les dettes de la société et procéder à leur apurement et, de procéder au paiement des indemnités et droits des ex-employés de la société. Il est clair, dès lors que le calcul des montants relatifs aux droits des ex-employés de COPRA SA relève de vos attributions;  aussi voudrions-nous savoir : Quelles sont les démarches entreprises pour soulager tous ces ex employés de CORA SA ? Quelle date avez-vous fixez pour leur annoncer les derniers détails de la liquidation ? ».

Réponse du liquidateur Tiémoko

« Nous sommes soumis au secret professionnel qui ne nous permet pas de faire des débats sur  notre mission », signé Tiémoko Koffi Liquidateur de CORA SA. 163 familles avec  14 décès enregistrés, vivant  avec un espoir depuis 2003, le regardent.

Un secret entour ce qu’il fait de façon  invisible. Dans 3 mois, son 2ème mandat et le dernier prend fin selon l’arrêté interministériel, le nommant. Donc, motus et bouche cousue avec le Liquidateur.

« Nous sommes en 2025, les orphelins, les veuves, les veufs et tous les autres membres du Collectif remercient monsieur le Président de la République, le Premier Ministre, les Ministres et toutes les personnes qui ne ménagent aucun effort pour la résolution de cette injustice. Nous prions Liquidateur, seul habilité à calculer nos droits de le faire...», note le porte-parole du collectif des ex employés de CORA.

Pourtant, le 9 avril 2024  le ministre du Patrimoine, du Portefeuille de l’Etat et des Entreprises publiquesMoussa SANOGO anciennement Ministre du Budget et du  Portefeuille de l’Etat et signataire de l’arrêté té interministériel nommant le Liquidateur Tiémoko, adresse  à  la rédaction une  note libellé ainsi, répondant  à un des courriers de LEDEBAT IVOIRIEN :

« J’ai l’honneur de  porter à  votre connaissance que le retard accusée dans le démarrage des travaux de cette liquidation est lié à la désignation des membres du Comité de Suivi. Toutefois, je voudrais vous rassurer des dispositions prises pour  le bon déroulement de cette importante mission… ».

Au constat, le Liquidateur Tiémoko ne retrouve à ce jour pas encore, sa calculatrice. Est-ce une stratégie du gouvernement pour ne pas résoudre la question des droits des ex employés de CORA SA ? Tout reste à le croire. Allons-nous assister  à  un continuel tango de liquidateurs. Encore, motus et bouche cousue!

Février 2002, début de la forfaiture avec une société fictive GA Holding d’un certain, feu Alexandre Galley prétextant d’un jugement du Tribunal de Première  Instance d’Abidjan Plateau le proclamant actionnaire majoritaire de CORA,  tenta de prendre possession de l’opérateur de Téléphonie.

Excédés, les actionnaires Américains suspendent le réseau et ferment l’entreprise. 163 familles ivoiriennes étaient dès jetées lors à la rue.

Octobre 2025, mois de l’élection présidentielle, 22  ans  après, l’Etat n’a toujours  pas trouvé de solution  à leur situation. Alors qu’un engagement a été pris. Le président de la République Alassane Ouattara va-t-il encore longtemps assister à la misère de ses concitoyens ? Encore, motus et bouche cousue! A SUIVRE…

Ledebativoirien.net

 HERVE MAKRE

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