Édito de H. Kara : « Nationalité et inéligibilité d’ADO, Thiam, Gbagbo… des débats qui ont déjà endeuillé la Côte d’Ivoire depuis 1994 »

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Encore eux ! Ouattara, Gbagbo, Thiam… Et toujours les mêmes débats : « Est-il vraiment ivoirien ? », « Est-il éligible ? », « L’a-t-on amnistié ? »… Trente ans après l’introduction mortifère du concept d’« ivoirité », la Côte d’Ivoire semble condamnée à ressasser les mêmes questions identitaires et politiques. Avec à la clé, des affrontements, des morts, des deuils… et un pays à chaque fois défiguré. Retour sur des paroles qui ont enflammé la nation :

En octobre 1995, Henri Konan Bédié affirme à la RTI

Édito de H. Kara : "Nationalité et inéligibilité d’ADO, Thiam, Gbagbo… des débats qui ont déjà endeuillé la Côte d’Ivoire depuis 1994"

« Il faut que le pouvoir reste entre les mains de vrais Ivoiriens. » Cette phrase scelle l’exclusion d’Alassane Ouattara, accusé de n’être « pas assez ivoirien », malgré ses origines du Nord. Une brèche s’ouvre, une fracture ethno-politique s’installe.

En 2000, Robert Guéï élimine Ouattara de la course présidentielle. Laurent Gbagbo, seul opposant majeur restant, entre dans le jeu : | « Je vais aux élections même seul contre moi-même ! » (Le Patriote, 2000)
Il accepte un scrutin tronqué. Une légitimité entachée, et quelques mois plus tard, une rébellion éclate.

En 2002, Soro Guillaume, alors porte-parole de la rébellion, justifie la guerre :

« Nous avons pris les armes contre l’exclusion politique d’un citoyen ivoirien. » (Jeune Afrique, 2003)
Le pays plonge dans une guerre militaro-politique qui va durer près d’une décennie. En 2010, Gbagbo déclare après la proclamation de sa victoire par la Cour constitutionnelle :

« Je reste, car c’est le Conseil constitutionnel qui proclame les résultats. »
Pendant ce temps, Ouattara, reconnu par la CEI et la communauté internationale, s’autoproclame président depuis l’Hôtel du Golf. Deux présidents, deux armées, des morts par milliers. Et toujours cette même haine identitaire alimentée en sous-main.

En 2020, rebelote : Gbagbo est frappé d’inéligibilité après sa condamnation. Le RHDP s’empresse d’écarter sa candidature. Simultanément, Ouattara opte pour un 3ᵉ mandat controversé. Il déclare le 6 août 2020 : « Je suis candidat par devoir. ». Une décision vécue comme un coup de force par l’opposition. Résultat : plus de 85 morts dans des affrontements intercommunautaires.

Édito de H. Kara : "Nationalité et inéligibilité d’ADO, Thiam, Gbagbo… des débats qui ont déjà endeuillé la Côte d’Ivoire depuis 1994"

Aujourd’hui, alors que Tidjane Thiam revient aux affaires, des voix anonymes et parfois officielles, recommencent à distiller le poison : « Est-il vraiment ivoirien ? ». Dans une tribune publiée en mars 2024 par Le Monde Afrique, Thiam répond sans détour : « Ces insinuations sont lâches, infondées et dangereuses. »

Jusqu’à quand allons-nous marcher sur des cadavres pour satisfaire des ambitions personnelles ?Ces querelles malsaines sur les papiers d’identité, sur des condamnations judiciaires sélectives ou sur la « pureté » des origines, ont toujours débouché sur la violence. Les discours incendiaires, les exclusions calculées, les tripatouillages constitutionnels, les décisions judiciaires instrumentalisées… Tout cela a déjà coûté des milliers de vies.

Aujourd’hui, aucun acteur politique ne peut dire : « Je ne savais pas. » Tous savent que la flamme identitaire, une fois rallumée, se propage vite. La guerre n’a jamais commencé à cause des armes. Elle a toujours commencé par des mots. Et ces mots, ce sont eux qui les ont prononcés, manipulés, légitimés.

L’heure est à la responsabilité.

Édito de H. Kara : "Nationalité et inéligibilité d’ADO, Thiam, Gbagbo… des débats qui ont déjà endeuillé la Côte d’Ivoire depuis 1994"

À l’approche de 2025, aucun discours ne devrait remettre en cause l’unité de la nation. Aucune ambition ne doit se construire sur l’exclusion ou la stigmatisation. Les partis politiques, les institutions, les médias doivent refuser d’être des caisses de résonance de la haine. La Côte d’Ivoire a payé trop cher. Elle n’a plus droit à un autre bain de sang. Et cette fois, le peuple regardera. Et il retiendra.

Par Mamadou KARAMOKO Alias H.KARA, Journaliste professionnel.

Ledebativoirien.net


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