Cela fait aussi 10 ans que les officiers Dogbo Blé, Anselme Seka seka, Jean Noël Abehi et de nombreux autres officiers et militaires du rang sont incarcérés. Sans oublier de nombreux civils, détenus dans des conditions difficiles, sans être présentés devant des juges. D’autres sont morts en détention. 11 avril 2011, désormais dans l’histoire de la Côte d’Ivoire. Cette date prend un sens tout particulier en 2021 avec une commémoration sans liens de détention de l’acteur principal et victime, (puisqu’il est acquitté par la justice), donc libre pour ce 10ème anniversaire de la chute du régime de la refondation avec éclat.
Laurent Gbagbo pour ce 10ème anniversaire plonge le monde dans ses révélations…et souvenirs.
«La France nous avait coupé les robinets de la BCEAO, en espérant que nous ne pourrions pas payer les salaires des fonctionnaires et honorer les factures de l’État, ce qui aurait eu pour effet de dresser la population contre nous. Sarkozy m’a intimé l’ordre de partir dans un discours fait à Bruxelles, sur un ton plus proche de casse-toi de là, pauvre c., que dans le langage maîtrisé d’un chef d’État.
Mais à la fin du mois, à partir du 22 décembre, nous avons payé tous les salaires, idem en janvier. Ils ont compris qu’ils ne nous auraient pas comme ça…Et on me le reproche aujourd’hui…! Parce que j’ai continué à faire mon travail, et à payer les fonctionnaires. Même motif, même punition pour les mesures que j’ai prises dans le souci du maintien de l’ordre. J’ai utilisé un décret qui existe depuis 1961, et qui permet d’ouvrir la possibilité, ce n’est pas une fatalité, de mettre en état d’alerte les forces de maintien de l’ordre si la situation est telle que des incidents sont à craindre. Bref, je faisais mon métier pour assurer la sécurité de l’État et des populations, je gouvernais. C’est cela, qu’on veut faire passer pour un plan criminel…
Les rebelles avaient introduit des commandos armés au cœur d’Abidjan, toute une armée. Ils devaient faire leur jonction avec les centaines de soldats rebelles, des mercenaires burkinabés pour la plupart qui étaient cantonnés à l’Hôtel du Golf, un vaste complexe situé au bord de la lagune, où se trouvaient depuis septembre, les Ouattara et les chefs rebelles. Dès le début du mois de décembre 2010, les attaques contre la population et les forces de l’ordre ont commencé à Abidjan jusqu’à ce que la stratégie de prise de pouvoir violente par Alassane Ouattara et ses soutiens soit révélée lors de l’attaque générale et concertée, lancée dans tout Abidjan le 16 décembre 2010.
(…) Il y en a eu des morts, beaucoup de morts, il y a eu tant de morts. N’est-ce pas indigne de vouloir me les attribuer alors que je n’ai cessé de prôner la réconciliation? Je craignais tellement que le pays soit définitivement coupé en deux, j’étais tellement préoccupé par le fait que la situation pouvait conduire à des tensions profondes et définitives entre Ivoiriens, que j’ai tout fait pour parvenir à une solution pacifique. J’ai accepté tous les compromis. Je l’ai souvent dit, je n’ai jamais eu d’arme, je n’aime pas les armes, je n’aime pas la guerre, je n’ai jamais fait de coup d’État… J’ai écrit des livres, Pour une alternative démocratique, Agir pour les libertés, et quelques autres. J’ai proposé aux juges de La Haye de les leur faire porter, car c’est dans ces livres que l’on peut me connaître, savoir qui je suis, quel est le sens de ma vie…
J’ai toujours entendu sur mon compte des commentaires contradictoires : certains de mes amis m’ont reproché de ne pas être assez dur, et de composer, même avec les adversaires. Mais parler à tout le monde, c’est cela la politique ! Par ailleurs, mes adversaires, eux, prétendent que je serais un dictateur. Toute ma vie j’ai lutté pour la démocratie. J’ai passé des mois en prison et des années en exil du fait de ma lutte pour la démocratie. J’ai refusé le système du parti unique parce que je pensais que l’avenir de l’Afrique ne pouvait s’organiser que dans un cadre démocratique.
Lorsque j’étais en exil en France, j’ai refusé les propositions d’Houphouët-Boigny qui cherchait à me récupérer. J’ai toujours joué le jeu des élections, j’ai toujours cru en la volonté populaire. Et finalement, c’est cela que l’on me reproche : être le porte-parole du peuple. Donner voix au peuple de Côte d’Ivoire.
Combien sont-ils les dirigeants africains qui représentent le peuple? Ils se comptent sur les doigts d’une main.
Qui a permis à chaque sensibilité de s’exprimer? Qui a permis aux partis rebelles d’exister sur la scène politique ivoirienne? Qui a intégré les rebelles au gouvernement et à l’armée? Qui a organisé les élections? Qui a permis que Ouattara et Bédié s’y présentent, alors même qu’ils ne remplissaient pas les critères constitutionnels ? Qui a fait en sorte que tous les candidats disposent des mêmes temps de parole et des mêmes moyens? Il me semble que j’ai toujours agi comme un véritable homme politique, soucieux du bien-être de ses concitoyens, soucieux de laisser le débat démocratique s’installer, à l’écoute des autres. Loin, très loin de ces technocrates sans âme et sans structure morale qui constituent désormais le personnel politique de votre Ve République.
Pour revenir aux grandes manœuvres d’étouffement économique, en 2011, j’ai décidé de couper les ponts avec le siège de la BCEAO, à Dakar. La technique du BOA Constrictor pour nous étouffer était mise en œuvre par le patron du Trésor à Paris, Rémy Rioux, sous-directeur aux Affaires internationales, et représentant de la France au sein de la BCEAO.
Révélations sur un scandale français »
« François Hollande, il venait me voir à mon Hôtel chaque fois que j’étais à Paris. Je n’en ai jamais rien attendu, et je n’en attends rien. Les avocats de Ouattara ici, à la Haye sont ses amis intimes, Jean Paul Benoît et Jean-Pierre Mignard. Ouattara ne les a certainement pas choisis au hasard…
Les socialistes français ont un complexe, ils veulent faire croire qu’ils gouvernement comme la droite. Au début des années 2000, Villepin les a tous manipulés, en leur disant le monstre que j’étais… Ils ont eu peur d’être éclaboussés, ils m’ont lâché. «GBAGBO est infréquentable» a dit Hollande à ce moment là… Parce que je n’organisais pas d’élection… dans un pays occupé par des hommes en armes, en état de guerre permanente, avec un corps électoral non défini du fait de l’absence de recensement à cause de guerre….Les procès d’intention j’ai l’habitude, pour moi, rien ne change.
Il y en a, pourtant, dont je ne dirai rien de mal, même s’ils ne m’étaient pas favorables, comme Dominique Strauss-Kahn… Tout comme Jean-Louis Borloo… Ces deux là, jamais ils ne m’auraient fait bombarder…Avec Dominique Paillé, député UMP j’ai eu de bonnes relations aussi… c’est un homme ouvert comme les deux premiers avec une capacité d’écoute.
Sarkozy, c’est autre chose. Je l’ai rencontré pour la première fois à New York, à l’ONU en 2007… Je n’avais donc aucun a priori négatif, bien au contraire. Il a quitté l’aire réservée aux cinq membres du conseil de sécurité dès qu’il m’a vu, et il est venu me serrer la main. «Président, ces élections, vous les faites quand?» m’a t-il jeté,
comme ça… je lui ai répondu qu’il fallait être patient, et que je n’étais pas seul en cause. La discussion s’est faite debout et elle s’est arrêtée là. Chez lui, à la place des idées, il y a l’arrogance… Des arrogants, qui utilisent leur arrogance en lieu et place de la pensée. C’est comme ça qu’ils croient montrer que la France est grande alors qu’ils prouvent qu’elle est devenue petite. »
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Extrait de « Pour la vérité et la justice- Côte d’Ivoire: Révélations sur un scandale français », Laurent Gbagbo selon François Mattei
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