Est-ce pour concussion et déni de justice ?
par H. Makré
L’attente du délibéré relatif au détournement de 4.658 milliards francs CFA par les victimes des déchets toxiques, va être un difficile temps pour des magistrats de la Cour d’Appel. C’est que les victimes ont déposé devant la Cour de Cassation de Côte d’Ivoire une plainte régulière contre monsieur Dembélé Tahirou, premier président de la Cour d’Appel d’Abidjan-Plateau ‘‘pour concussion et déni de justice’’.
Elles ont également déposé devant le Président de la république et le ministre contre la corruption, une autre plainte contre ce même magistrat pour faits de corruption. Elles appellent l’attention du Président de la République sur la Justice ivoirienne fortement gangrénée par la corruption et la prise par celui-ci de mesures urgentes pour éradiquer ce fléau qui ternit l’image du pays.
Ainsi, par courrier en date du mardi 19 avril 2022, les victimes membres du Réseaux national pour la défense des droits des victimes des déchets toxiques de Côte d’Ivoire- Renadvidet-CI, dirigé par Charles Koffi a saisi la Présidente de la Cour de Cassation de Côte d’Ivoire, d’une procédure de prise à partie contre monsieur Dembélé Tahirou, Président de la Cour d’Appel d’Abidjan pour concussion et déni de justice.
Aussi, le Président de la République en sa qualité de Premier Magistrat de notre pays a-t-il été saisi de la même plainte ce même jour. Mais, avant d’en arriver aux motifs qui fondent cette plainte, il apparait important d’expliquer les expressions relatives à la procédure de prise à partie, la concussion, la Corruption et le déni de justice.
Que reprochent-elles au magistrat
La différence entre concussion et corruption réside dans ce que, à l’occasion du premier délit, à savoir la concussion, la personne qui remet indument les fonds est victime de la manœuvre de l’agent public, alors que, à l’occasion d’une corruption, la personne participe activement à cette manœuvre et engage sa responsabilité pénale.
Le déni de justice quant à lui aussi appelé déni de droit, est le refus par une juridiction de juger. Il constitue une atteinte aux droits fondamentaux. A cet effet, l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme édicte que : ‘‘Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un Tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations à caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle’’.
«Cette disposition a servi de fondement à la reconnaissance, par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, d’un droit d’accès à la justice, du droit à un recours juridictionnel. C’est un droit universellement reconnu. Il en va de même du droit international qui prohibe le déni de justice.
Dans ce courrier, nous avons fait observer que le sursis à statuer ordonné par le Président de la Cour d’Appel est une décision injuste, inique et cynique prise par lui en violation flagrante de toutes les règles de droit.
Pour nous, cette décision résulte d’un abus de pouvoir manifeste qui tend volontairement à maintenir cette affaire funeste, affaire qui a engendré plusieurs décès, rendu des milliers de personnes malades dans un dilatoire indéfini quant à la réparation dudit préjudice par elles subi du fait de la respiration de ces déchets hautement toxiques », explique le président du Renadvidet-CI, harles Koffi.
Dans le cas contraire, poursuite-t-il, cette attitude dudit Président mettrait en évidence sa mauvaise lecture et sa non compréhension du dispositif de l’arrêt de cassation partielle n°204.P.e/19 rendu le 28 novembre 2019 par la Cour de Cassation dans cette même affaire. Ce qui serait vraiment dommageable pour un Magistrat d’une juridiction de second statuant en dernier ressort.
« De fait, la procédure civile est l’affaire des différentes parties. En conséquence, le Juge saisit d’une affaire ne peut statuer infra petita et ultra petita. En d’autres termes, lorsqu’un procès est engagé, la partie saisit le Juge sur une ou un ensemble de prétentions ou de demandes. Cette demande détermine un cadre, constituant une limite au-delà de laquelle, s’il la franchissait, le Magistrat qui a pour compétence de statuer sur le différend dont il est saisi, excéderait ses pouvoirs.
Au plan procédural, la loi assimile ce type d’excès de pouvoirs à l’erreur matérielle et à l’omission de statuer. Les parties ou l’une d’elles peuvent en demander la rectification en suivant une procédure qui est identique dans les deux cas : erreur et omission de statuer.
Dans le cas d’espèce, lorsque courant février 2022, la Cour d’Appel s’apprêtait à fixer la date du délibéré de cette affaire, un Avocat spécialement commis par Gohourou Claude pour certainement faire du dilatoire avait, par courrier, présenté une demande relative au renvoi de celle-ci.
Pour s’opposer à cette demande, Charles Koffi, Président du Réseau de ces victimes avaient fait noter à ladite Cour, que cette procédure débutée le 17 août 2021 devant cette juridiction avait été suffisamment contradictoire à l’égard de toutes les parties y compris Gohourou Claude. Il avait poursuivi pour souligner qu’à la demande de Gohourou Claude, leur acte d’appel a été signifié à Me Bogui du Cabinet d’Avocats Ouattara et Associes, son Avocat qui, en conséquence avait accusé réception de toutes leurs écritures dans le cadre de cette affaire.
Elles avaient affirmé que pendant les différentes audiences relatives à cette affaire se déroulaient dans ladite salle d’audience, Gohourou Claude se promenait dans certains quartiers d’Abidjan pour rançonner les pauvres populations naïves en leur faisant miroiter une virtuelle indemnisation.
Le coup de patte du président
«Après ces observations, monsieur Dembélé Tahirou a purement et simplement rejeté la demande de Gohourou Claude visant au renvoi de ladite audience au motif que le Ministère Public avait déjà conclu dans cette affaire.
Autrement dit, cette affaire a été communiquée au Parquet Général sous l’autorité du Procureur Général qui avait déjà donné son avis écrit sur celle-ci. A la suite de cette remarque, il avait fixé la date du délibéré de cette affaire au 08 avril 2022 et prorogé au 15 avril de cette même année.
Je voudrais indiquer qu’en effet, l’arrêt n°645/16 du 27 juillet 2016 sur le fondement duquel la Cour d’Appel Civile d’Abidjan a été saisie par les victimes pour demander la condamnation de GOHOUROU Claude et autres au remboursement de leur 4.658 milliards de F CFA détournés avait, le 09 janvier 2018, fait l’objet d’un pourvoi en cassation par le sieur GOHOUROU Claude », indique Charles Koffi.
« En vertu de la règle : « Le pénal tient le civil en l’état », Monsieur Cissoko Amouroulaye Ibrahim, Président du Tribunal d’Abidjan totalisant 32 années de Magistrature avait rabattu le délibéré relatif à son jugement alors fixé dans le mois de juin 2019 dans l’attente de l’arrêt de la Cour de Cassation relatif au pourvoi formé par Gohourou Claude», poursuit-il.
Suite au rendu de cet arrêt de cassation partielle le 28 novembre 2019, renvoyant l’infraction relative au blanchiment de capitaux devant la Première Chambre Correctionnelle A de cette même Cour d’Appel pour un nouveau jugement, ce sursis à statuer a été levé par le Tribunal et Gohourou Claude et consorts ont été solidairement condamnés à payer aux victimes à titre d’indemnisation, la somme d’un milliard deux cent dix mille cinq cent soixante (1. 210. 560. 000) F CFA.
GOHOUROU Claude a été définitivement condamné à 20 ans de prison pour abus de confiance portant sur la somme de 4. 658 milliards de francs CFA destinés à leur indemnisation. Il y a donc certes, un lien de connexité entre ces deux affaires, toutefois, elles n’ont pas de lien de causalité », précise le président du Renadvidet-CI, harles Koffi.
Par ailleurs, seules les victimes ont fait appel de ce jugement le 17 août 2021, à l’effet de voir prendre en compte leurs autres demandes. En cause d’appel, seule Afriland First Bank a pris des conclusions pour demander la confirmation de cette condamnation solidaire d’Access Bank au paiement de la somme d’un milliard deux cent dix mille cinq cent soixante (1. 210. 560. 000) F CFA en sollicitant la confirmation de sa mise hors de cause quant audit paiement.
« En outre, aucune des parties adverses y compris Gohourou Claude n’avait demandé en cause d’appel, ce sursis à statuer. Pis, ce dernier n’a pris aucune écriture devant la Cour d’appel, donc n’a formulé aucune demande relative à ce sursis à statuer pris dans des conditions nébuleuses par le Président de la Cour d’appel, statuant ainsi ultra petita.
Et de tirer cette conséquence
«De toute évidence, pour les victimes, ce sursis à statuer pris dans ces conditions par ledit Président pue la corruption. En ordonnant ce sursis à statuer, le Président a enfreint un principe fondamental de droit en statuant ultra petita.
En conséquence, il a aussi violé de façon flagrante un principe universel de droit en commettant un déni de justice ».
Par ailleurs, il convient de préciser que c’est sur la base de ce même arrêt de cassation partielle n°204.P.e/19 de la Cour de Cassation rendu le 28 novembre 2019 que le Ministère public a pris ses conclusions écrites en demandant à ladite Cour non seulement de confirmer ce jugement mais aussi et surtout de condamner solidairement en lieu et place d’Access Bank, Afriland First au paiement du montant sus visé, au paiement de la somme de 2 milliards 629 millions 118 mille 146 francs CFA indument perçus par KONE Cheick Oumar pour recapitaliser ses 8 entreprises issues du GROUPE KONECO et autres demandes par elles formulées.
«
Outre leur plainte devant la Cour de Cassation, le 25 avril 2022, les victimes des déchets toxiques regroupées au sein du Renadvidet-CI, ont saisi le Président de la Président de la République et le Ministre contre la Corruption, d’une plainte régulière contre monsieur Dembélé Tahirou, Président de la Cour d’Appel pour faits de corruption ».
Le coup de Ahoussou Kouadio Jeannot
Elles ont tenu à rappeler que dans cette même affaire, suite à une plainte de Monsieur Ahoussou Kouadio Jeannot, actuel Président du Sénat, alors Avocat de la SGCI et l’un des parrains de leurs adversaires, au moment des faits, Premier Ministre et Ministre de la Justice et les Institutions de la République, Charles KOFFI, leur Président avait été arrêté le 06 juin 2012 devant le palais de justice du Plateau à l’occasion d’une manifestation régulière pour prétendus faits de dénonciations calomnieuses à son encontre et atteinte à l’ordre public.
Aussi, les victimes avaient-elles, au cours de cette même manifestation, exigé l’arrestation immédiate de Gohourou Claude, Kone Cheick Oumar et autres qui étaient sous le coup d’un mandat d’arrêt dudit Cabinet d’Instruction.
Jugé le 08 juin 2010 par monsieur KONE BRAMA, Juge du 5ème Cabinet d’Instruction du Plateau qui n’avait pas pouvoir de jugement parce que n’étant pas dans une section de Tribunal, Charles Koffi avait été condamné à 6 mois de prison ferme, à 3 ans de privations de ses droits civils et civiques et à 5 ans d’interdiction de paraître sur le territoire national exception faite de son lieu de naissance pour les prétendus griefs sus évoqués.
Libéré le 08 juin 2010, il a gagné, le 11 juin 2014, devant la 3ème Chambre Correctionnelle de la Cour d’Appel du Plateau, son procès contre ledit Premier Ministre, Ministre de la Justice et les Institutions de la République de Côte d’Ivoire.
Plusieurs tentatives d’intimidations
Des tentatives d’assassinats et d’enlèvements alors mises en exécution par le nommé Soro Doh dit National Dosky, Commandant de la Douane Ivoirienne et autres escadrons et certaines autorités politiques. Certains des collaborateurs de Charles Koffi avaient aussi écopé d’un mois de prison dans cette même lutte visant à restaurer leur dignité bafouée par des individus sans foi ni loi.
Les victimes des déchets toxiques affirment que courant juillet 2010, Charles KOFFI, pour avoir affirmé à la « UNE » du journal « Nuit Et Jour » en date du 27 mars 2010 que GOHOUROU Claude avait déjà détourné 3 milliards de F CFA dans leur indemnisation, avait été condamné par la Juge AMON Laurence à 6 mois de prison ferme, à 10 ans de privation de ses droits civils, à payer à Gohourou Claude la somme de 25 millions de F CFA à titre de dommages et intérêts et à 100 mille F CFA d’amende pour l’avoir prétendument diffamé. Décision assortie d’exécution provisoire.
Les victimes des déchets toxiques ont tenu à rassurer le Ministre de la Justice sur le fait qu’elles n’ont aucun problème avec la justice mais plutôt un sérieux problème de droit avec certains Magistrats qui font ou qui entendent faire de cette affaire funeste un véritable fonds de commerce.
Elles attachent du prix à ce que le Président de la République jette un regard particulier sur leurs différentes procédures qui tendent à s’éterniser par la volonté de certains Juges foncièrement corrompus foulant aux pieds l’orthodoxie juridique et le serment par eux prêté au profit du gain facile. Les jours à venir situeront sur la plainte contre le président de la Cour d’Appel d’Abidjan Plateau.
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H. Makré