Ce qui va suivre est unique ! Octobre 2021, la rédaction de ledebativoirien.net est contactée. C’est un détenu. Il le fait par une personne interposée, sous l’anonymat, puisque les échanges ont duré plusieurs jours, voire semaines, avant la mise sous presse.
Il a été condamné à 20 ans fermes, en 2011. Il a participé à un vol de nuit. Il a purgé déjà 10 ans en 2021. Il lui reste 10 ans encore à s’assoir sur la natte de sa cellule de Dimbokro, ou ailleurs. Il n’en peut plus ! Regrettant les faits qui suivent, il appelle, à ‘‘La Grâce’’ (article 134 du code pénal ivoirien) qui dit que : «La grâce accordée par décret du Président de la République est la dispense, totale ou partielle, définitive ou conditionnelle d’exécution d’une peine ou mesure de sûreté devenue définitive, à l’exception de l’internement dans une maison de santé et de la confiscation spéciale. Le décret de grâce peut commuer toute peine en une peine moins élevée dans l’échelle légale des peines». La victime du détenu ? La présidente de la Cour de Cassation, Madame Chantal Camara.
Voici l’histoire….de son crime comme il l’a confiée, sur plusieurs jours par personne interposée à ledebativoirien.net…Suivez!
Puis, il évoque un sujet de l’immédiat :
«Jusqu’à présent, l’eau est coupée, ici. Elle n’est pas encore venue. Nous sommes toujours en attente. Je ne sais pas à quelle heure ça va venir. De toutes les façons on se parle, même si y a pas l’eau…Merci et que Dieu vous bénisse abondamment, puisque vous m’écoutez ». Il continue:
«Je me présente. Je suis SAWADOGO PHILIPPE. J’ai 42 ans. Je suis détenu depuis le 19 août 2011 pour vol en réunion à mains armées avec violence. Je suis condamné à 20 ans de prison. Père de deux enfants. Une fille de 17 ans et un garçon de 17 ans. Aujourd’hui cela me fait 10 ans 2 mois que je suis en détention (Ndlr : aujourd’hui 4 mois, c’est en octobre qu’il s’est confié à nous). Ça fait 17 ans que mes enfants ne savent pas où se trouve leur papa. Je n’ai aucune famille sur le territoire ivoirien. Toute ma famille se trouve au Burkina Faso. Je reconnais avoir fait des choses trop graves. Je vous demande beaucoup PARDON, au nom de Dieu. Après quelques années passées dans cette détention, cela m’a fait prendre conscience. Je souhaite que vous m’accordiez une seconde chance. Je n’ai pas bénéficié des remises de peine de 8 ans quelques années. Le président à fait, en 2015, une remise de peine». Il marque une pause.
Pensez-vous avoir été induit en erreur? Ou, y-a-t-il eu une situation qui a vous obligé à agir ainsi? Et laquelle… ? Nous demandons.
Le détenu: «Oui j’ai été induit en erreur. Oui, il y a eu une situation qui m’a obligé à agir ainsi. J’étais avec un ami chez qui je vivais à Abidjan. C’était en 2011, pendant la crise postélectorale. Je ne travaillais pas, et je n’avais rien comme argent. Je voulais me retourner pour aller en famille. Allez à Bouaké récupérer mes enfants et les ramener chez mes parents au Burkina Faso. On dormait au marché, sur les tables, parce qu’il n’arrêtait pas de pleuvoir des balles dans le quartier. Ça tuait beaucoup dans le quartier. Il y avait les règlements de compte. Je voulais à tout prix quitter Abidjan. Je sais que, ce n’est pas une raison pour que j’agisse ainsi, mais je ne savais pas comment faire pour retourner en famille avec mes enfants. Je voulais même partir à la cathédrale Saint Paul au Plateau pour demander de l’aide. Mais je ne pouvais pas, parce que connaissait pas le chemin. Je suis arrivé à Abidjan y a pas longtemps », une pause.
Puis, reprise pour les faits
Puis, il revient au procès. A la barre
«Le garçon de ménage a dit à la dame que c’était le frère de DAVID qui a commandité le braquage. Il se trouve que le nommé David a soupçonné que son complice allait craquer, donc lui, il a pris la fuite. Donc les FRCI on commencé à faire des recherches et des renseignements. Mon ami avait un frère Togolais, c’est ce dernier qui a dit aux FRCI de m’arrêter comme quoi, je savais où se trouvait mon complice qui est en même temps son propre frère. C’est comme cela, ils m’ont arrêté. C’est le frère de mon complice qui nous a dénoncés.
C’est comme cela qu’on a été arrêtés et déférés à la MACA, le 19/08/2011. Le jour de la mort de Yacou le Chinois. Les gardes pénitenciers ont déporté mon complice au camp pénal de Bouaké, quelques semaines plus tard, ils m’ont déporté à la prison de Dimbokro. C’est comme cela que je me suis retrouvé à Dimbokro, aujourd’hui ». Une pause. Reprise plus tard.
Peux-tu revenir sur le coup ?
C’est la faim et la peur de mourir qui m’ont poussé à le faire. On dormait dehors, parce qu’il pleuvait des balles dans le quartier. Ça tuait aussi dans le désordre. Il y avait les règlements de comptes entre les gens. Il fallait être présent pour croire. On ne trouvait même pas à manger à plus forte raison l’argent pour payer transport. J’ai deux enfants et ils ne savent même pas où je suis. Toute ma famille est au Burkina Faso. Je ne savais où aller et comment faire pour avoir l’argent? ». Une pause, puis nous reprenons les échanges un autre jour.
Vous étiez quatre, que sont devenus les trois autres ?
Le détenu : «Nous étions 8 personnes à avoir préparé le coup. David et N’dri Bekanty Joël, sont les garçons de ménage de la victime. Combaté Laré et Moi sommes amis. Douty Roger est le petit frère de Combaté Laré et Jean leur frère. Il y a deux autres Ahiwa Pierre et Djoroko. Mais ces deux derniers ont été tués quelques jours, suite un braquage, après notre forfait.
N’dri Bekanty Joël, Combaté Laré, Douty Roger, Jean et Moi, avons été arrêtés. David s’est enfuit, lorsqu’il a su que N’dri Bekanty Joël l’a dénoncé. Nous sommes restés 5 à avoir été placés en garde à vue. Jean et Douty Roger n’ont pas participé au fait. Nous avons dit au juge qu’ils n’ont pas participé. Ils ont été libérés, quelques mois après. N’dri Bekanty Joël, Combaté Laré et moi-même avons été condamnés à 20 ans de prison». Pause, puis autres précisions un autre jour.
Une fois sur les lieux, y a-t-il eu mort d’homme ?
Combien chacun de vous a-t-il empoché ?
Le détenu : «Chacun a eu 1.200.000 mille francs ».
Toi particulièrement, qu’as-tu fais ?
Le détenu : «Je n’ai pas eu de charges personnelles contre moi à part celles qui pèse sur le groupe. Quand on a été arrêtés et conduits en prison en 2011, en 2015 le présidant a fait une réduction de peine de 4 ans pour tous les prisonniers qui sont condamnés à de lourde peine. Tous les prisonniers on bénéficié sauf nous. Et cela a été fait 2 fois et nous rien ! On ne sait pas ce qui s’est passé et puis nous autres n’avion pas bénéficié. Ça fait bientôt 10 ans 3 mois que je suis en prison ». Il confie à l’émissaire de nous transmettre:
« Je voudrais par votre action dire au Président de la République, le papa de la nation, au ministre de la justice, au ministre de la réconciliation, que je souhaite vraiment que la société m’accorde une seconde chance. Je veux retrouver mes enfants et aller à Gueyo pour m’occuper de la plantation de mon père et pouvoir prendre soins de mes parents et de mes enfants.
Et de nous transmettre ce message pour le Chef de l’Etat
« Bonjour papa, monsieur le Président de la République. Je me nomme SAWADOGO PHILIPPE, je suis détenu depuis le 19/08/11 à la prison civile d’Abidjan, puis transféré à la prison de Dimbokro, pour vol en réunion à main armée, avec violence. J’ai été condamné à une peine de 20 ans. Je reconnais en toute sincérité que ce que j’ai fait n’est pas bon. Je suis père de deux enfants qui sont âgé de 17 ans.
Je n’ai aucune famille en Côte d’ivoire. Je vous demande pardon. Cela fait 10 ans 3 mois que je suis en prison. Nous n’avons pas bénéficié des réductions de peine de 4 ans que vous aviez accordé à 2 reprises en 2015. Je ne veux plus mentir encore. Je demande pardon parce que j’ai pris conscience des choses que j’ai faites. Qui ne sont pas bonnes. Moi seul sais, ce que j’ai enduré pendant ces 10 ans. C’est moi qui vais, aujourd’hui donner conseil à d’autres personnes qui voudront suivre mon chemin, de ce qui va leur arriver. Si jamais ils font ce qui n’est pas bon.
Après avoir passé autant de temps en prison, j’ai pris conscience de la gravité de l’action que j’ai posée. Je demande pardon à maman Chantal Camara, pour ce qu’elle a pu subir, par notre fait. Je regrette, je lui demande clémence. Je sais que j’ai payé. Je regrette et je ne conseillerai jamais quelqu’un à faire du mal à son prochain. Pardon Maman. Pardon papa…» finit-il.
Nous n’avons pas encore les dernières nouvelles de Dimbokro, puisque l’intermédiaire n’as pas fait de signe de vie, depuis sa dernière visite qui remonte à fin novembre 2021. Le message du repenti sera-t-il entendu et accepté par le Président de la République en cette fin d’année porteuse de la ‘‘ Grâce Présidentielle ? Sawadogo Philippe, peut croiser les doigts, depuis Dimbokro, son lieu de détention. Les autres complices, aussi, à Bouaké et Abidjan.
Ledebativoirien.net
Par HERVE MAKRE