Une jeune fille pas comme les autres. Son nom: Kady dit »Mousso » femme. Elle s’adonne à un vigoureux travail qui reste dans l’esprit commun réservé aux hommes. Son travail consiste à chercher, venant de toutes parts des passagers en partance pour Grand Bassam pour les mettre dans des véhicules de transport. Elle est donc appelée dans la largo ivoirien »gnambro » ‘‘chargeur de sac’’ au grand carrefour de Koumassi. Surprise en pleine activité, elle se confie.
Vendredi 22 mai 2020 à 10 heures, nous partons pour Grand Bassam. Nous sommes pressés. La gare du grand carrefour de Koumassi nous est indiquée pour nous satisfaire dans un bref délai. Sommes à la gare du coté droit, juste devant le restaurant Titanic. Nous y sommes. Soudain des jeunes accourent vers nous se saisissent de nos sacs nous demandant si nous partons du côté de Grand Bassam.
Parmi ceux-ci, il y en a un, plus dégourdi avec un caractère particulier. À le regarder de près, ce chargeur n’est pas l’allure d’un homme. Ce qui attire tout de suite notre attention. On regarde de plus en plus près. Et la surprise est de taille et belle même. Cette jeune personne que nous observons, court après les passages transportant leurs effets dans les coffres de véhicules de transports, est une jeune fille. Elle est appelée ‘‘go gnantchi’’, ‘‘go ziguehi’’, ‘‘Mousso gnambro’’, ‘‘go gnanyrai » : fille-garçon. Toutes ces appellations sont en fait, des qualités rares d’une femme battante extraordinaire.
Elle s’appelle Kady, une jeune fille ivoirienne de 18 ans et demi. Son histoire nous intéresse
Dès son bas âge, chaque matin, comme aujourd’hui, Kady doit se rendre dans le quartier ou dans les gares pour vendre de l’eau glacée et du jus de fruit. De 6 à 13 ans Kady se sent utilisée par ses propres parents. Même si pour une raison ou une autre, Kady a fait seulement la classe de CP2, elle sait se donner de la valeur. Depuis son jeune âge, elle travaille pour ses parents. Cette fille, un garçon manqué a pris conscience très vite, lorsqu’elle a eu ses 13 ans.
Kady prend la décision de travailler pour elle-même. Mais comment? Il n’y a pas de moyen pour le faire. Elle veut être autonome. Une des conséquences de l’exploitation des enfants va conduire Kady dans les rues. C’est ainsi que confie-t-elle, «lorsque je viens vendre de l’eau à la gare, je me joints au groupe de garçons avec qui j’ai l’habitude de jouer pour porter les bagages des gens ».
Kady s’est toujours comportée comme un homme. Elle est un garçon manqué. Raison pour laquelle elle se comporte comme un homme et cela lui réussit vraiment très fort. »Moi j’aime être avec les hommes. J’aime bien faire comme eux. Vendre de l’eau n’est pas mon truc. Mais le fait d’abandonner les marchandises des parents à chaque fois pour mes grouillements personnels ne leur plaisait pas. »
De ce fait Kady a été plusieurs fois battue par les siens. Mais elle a résisté contre vent et Marré. Petit à petit, ses activités de ‘‘tanti’’ bagages s’accroit. Au point où elle et ses amis décident de moderniser leurs activités en faisant charger les véhicules moyennant »quelque chose ». Ceux-là, on les appelle les ‘‘gnambro’’. Mais dans l’évolution de leurs activités, ils ne tendent plus la main pour quémander mais pour recevoir quelque chose en échange d’un service. Sur chaque passager il y a un gain de 100 francs CFA.
Kady arrive à gagner de 2000 à 5000 F CFA par jour. Ainsi, les gnambros réceptionnent des passagers pour les remettre aux transporteurs. Comme un homme, elle court après les clients, encore plus endurante et vigoureuse que les hommes. Au grand carrefour de Koumassi, Kady maîtrise son secteur et elle met la loi.
Appelée par ses amis »Mousso » (femme battante), elle joue aux jeux brutaux avec ceux-ci, ils se talonnent, se lancent les coups de poings amicalement. Mais toujours elle prend le dessus. »Mousso », selon un de ses collègues, a une qualité, »en tout cas elle n’a rien d’une femme, elle est beaucoup vaillante et vivante. Elle est même plus dégourdie que nous-mêmes les hommes, souvent même, elle gagne de l’argent plus que nous, en plus elle est très gentille ». Révèle-t-il.
Kady quant à elle continue de vanter elle-même son dévouement et son dynamisme. »Quand je sors chaque matin, je sais ce que j’ai à faire. Trouver assez de clients pour me faire des jetons. J’ai la même force que les hommes. Nous avons tous les dix doigts, ce n’est pas parce que je suis une fille que je vais me laisser faire. On grouille ensemble mais je gagne plus qu’eux. Souvent même je les dépanne. Moi, je veux être autonome, je ne veux pas travailler pour quelqu’un » clame-t-elle.
»Mousso » a un rêve et un objectif à atteindre, devenir un jour responsable d’une compagnie de transport. »Je ne suis pas ici à la gare pour rien. J’ai une vision, je voudrais devenir une conductrice de ma propre voiture et avoir à la longue ma propre compagnie de transport » affiche-t-elle avant de s’échapper avec un groupe de passagers.
Kady a 18 ans et demi, pour l’heure, le mariage ne l’intéresse pas. Elle n’a encore pas de petit ami. »Je ne me sens pas dans l’affaire de sortir avec un garçon d’abord. D’ailleurs ils ont peur de me draguer, (rire,). Peut-être affaire de couple viendra après. Mais pour l’heure je n’y songe même pas. Je veux avoir mon argent moi-même d’abord. Le reste viendra seul Tout dépend de Dieu » se convainc-t-elle.
Une de ses anciennes amies vendeuses d’eau présente, ce vendredi-là reconnaît sa valeur Elle explique que Kady a un fort caractère d’homme et elle est beaucoup travailleuse. »Kady n’est pas une femme mais un homme Quand on vendait de l’eau ensemble, c’est pour elle qui marche plus que pour nous, pourtant elle n’est jamais auprès de sa glacière. Mais c’est pour elle là que les gens veulent, parce qu’elle sait prendre les gens elle est beaucoup taquine. On sait qu’elle a beaucoup de la chance, elle réussit dans tout ce qu’elle fait » explique-t-elle.
À la question de savoir si elle a des seins, en souriant, elle soulève son polo. Oui, Kady est bel et bien une femme qui sait ce qu’elle veut. »Mousso » portait une grosse culotte fleurie, un sous corps rayure, un polo en kangourou et une paire de chaussures blanches en caoutchouc appelée communément »leikei » avec une seule petite boucle d’oreilles.
Elle n’a aucun complexe dans ce qu’elle fait. Kady court à la rencontre des passagers. Elle met leurs bagages sur son dos pour les mettre dans les coffres des véhicules en répétant avec courtoisie: «Monsieur Bassam? Madame vous partez à Bassam? ». C’est avec espoir de s’en sortir et se réaliser que »Mousso » (femme), Kady est dans les rues comme Gnambro. Elle dit être ravie de la rencontre avec notre équipe.
Tout comme Kady, beaucoup d’autres filles font des activités d’hommes sans aucune contrainte. C’est une des qualités rares d’une femme battante, extraordinaire qui veut assurer son autonomisation. Des ‘‘Kady’’ la société en rêve.
Hortense L. Kouamé
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