Même si la ministre de la Fonction publique s’imprègne du dossier, sinon du scandale des 3000 docteurs non recrutés, pour son règlement définitif, à l’effet de redresser l’image de la Côte d’ivoire ternie par cette affaire, dite de docteurs non recrutés, une démarche salutaire, elle doit tout de même savoir et apprécier quelque chose de puant dans l’affaire. La publication des résultats de la session complémentaire 2020 a laissé un terrible goût très amer à tous. La liste décousue des résultats n’a été rendue partiellement disponible qu’avec le coup de colère des victimes pillées.
Depuis le 9 octobre 2021, date à laquelle chaque candidat a consulté son résultat sur le site du ministère, c’est le 12 novembre, soit un mois plus tard, que la fameuse liste des admis a été enfin publiée avec de graves irrégularités, malgré le temps mis. Ce n’était pas aussi de gaité que le ministère l’a rendu public. Déjà, le 21 octobre 2021, les 3000 docteurs victimes du système, se constituant en un collectif a annoncé une marche, pour le 3 mercredi novembre 2021 en direction du Palais présidentiel, en vue d’y informer le premier des Ivoiriens. À la date de l’information, les force de l’ordre s’invitent ont font blocus, alors qu’elles n’étaient les dentinaires du message. Le vendredi 5 novembre, le ministère de l’Enseignement Supérieur, contre certainement son gré, puisque la suite du traitement du dossier le confirme, reçoit le collectif des docteurs non recrutés. C’est à la suite de ces événements que la fameuse liste dissimulée des recrutés est affichée. Mais, attention !
Que de confusion entretenue sur les spécialités des admis
Un tableau récapitulatif de la session de recrutement d’octobre 2021, bien présenté par le Collectif des docteurs non recrutés, permet de saisir l’ampleur de la situation frauduleuse et déshonorante pour le système universitaire en Côte d’Ivoire. Un correctif de ce maelström est attendu. Mais suivez le tableau.
Voyez, lors du lancement du concours de recrutement en août 2021, les postes disponibles ont été présentés aux candidats avec une mise en exergue de la spécialité. Selon le Collectif, des Docteurs candidats en Biologie, par exemple, pouvaient postuler en Biologie végétale, Biologie animale, physiologie animale, physiologie végétale, etc. Ceux en Histoire avaient le choix entre l’Histoire de la Mer, l’Histoire des Civilisations…Ceux en Lettres Modernes avaient le choix entre la Poésie africaine, la Stylistique, la Littérature orale, etc.
«Dans ce sens, les auditions ont logiquement été faites par spécialité. Contre toute attente, au lieu d’avoir des résultats qui précisent les spécialités dans lesquelles les candidats ont été recrutés, ceux publiés, par le ministère, se contentent de signifier la filière, pour la plupart. Pourquoi refuser de préciser la spécialité dans laquelle le candidat retenu a postulé et mettre simplement la discipline. Des Docteurs ont-ils été retenus dans des spécialités autres que les leurs au détriment des spécialistes avérés? », s’interroge jusqu’à ce jour, le collectif des docteurs non recrutés. ce n’est pas fini !
Des cas effrayants de fraude : docteur en Sociologue admis en Art Plastique…
Le collectif des docteurs même s’ils n’ont pas été recrutés consultant la liste des retenus y découvre qu’à la page 4 de celle-ci, le numéro d’ordre 45 est attribué à docteur Dally Jean François Régis, né le 22/12/1988, doctorat de thèse unique, recrutement nouveau, discipline arts plastiques. Scandale ! Docteur Dally est Sociologue, formé à l’université Félix Houphouët-Boigny. Il a soutenu sa thèse le 26 août 2020 sous la Direction de Professeur Baha Bi Youzan, Doyen de l’UFR SHS de l’Université Félix Houphouët-Boigny (UFHB). Docteurs Dally est Spécialiste en Sociologie du Politique et de l’Intégration.
Toujours parmi les admis, Sagnon Ibrahima, numéro d’ordre 186 ; il n’a pas fait les sciences économiques. Il est lui, Docteur en Géographie, formé à l’Université Alassane Ouattara de Bouaké. Il a soutenu sa thèse unique de Doctorat en géographie humaine, le jeudi 4 juin 2020, sous la direction de Professeur Bechi Grah Félix. La thèse de M. Sagnon Ibrahima a porté sur l’activité touristique dans la région du Gbêkê. C’est à ce titre qu’il postule à l’Université de San Pedro dans la spécialité Tourisme. Il a exposé devant le jury d’audition CTS-Lettres & Sciences humaines, le jury 4 avec pour numéro d’ordre N° 85. Mais sur la liste des admis, docteur Sagnon est retenu à l’université de San Pédro avec pour discipline les Sciences Economiques.
« On ne connait pas le jury qui aurait accepté d’auditionner un géographe à la place d’un économiste pour un poste en Sciences économiques. En plus, la filière des Sciences Economiques n’existe pas à l’université de San Pédro. Alors comment est-ce possible qu’on déclare quelqu’un admis dans une filière qui n’existe pas? En fait, il s’agit d’une stratégie qui consiste à attribuer les places à des privilégiés. L’essentiel c’est d’inscrire le nom des protégés du système sur la liste des admis, car par la suite, chacun pourra se retrouver dans le département correspondant à sa formation initiale. La discipline indiquée sur la liste des admis n’est rien d’autre qu’un moyen pour masquer les choses en donnant l’impression qu’on a recruté les docteurs de différentes spécialités », affirme le Collectif.
« Le fait de n’avoir pas intitulé précisément cette spécialité telle que libellée sur la liste finale a conduit plusieurs sociologues à s’y inscrire alors qu’ils ne le devraient pas. En réalité, cette discipline est une discipline fourre-tout où les postes sont réservés à des privilégiés de spécialités diverses. Cette nouvelle spécialité est donc attribuée pour légitimer des recrutements à l’INJS. De ce fait, Touré Matindjé occupe le poste d’un autre Docteur spécialiste de la question », note le Collectif.
Un autre cas, lui, il est Sociologue est admis à l’INJS dans les mêmes conditions que la candidate précédente. Il s’agit de Sanogo Pornan Mourlaye N° RES2100000338, avec le même titre de Docteur en sciences et techniques des activités sportives, Jeunesse, Sport et loisir. Docteur Sanogo Pornan a soutenu sa thèse de Doctorat Unique en 2020 sous la direction du Professeur Yéo Souleymane. Il est spécialiste en Sociologie du Développement et a travaillé sur la question des migrations en Afrique.
Autre cas : à l’Université Félix Houphouët-Boigny, il n’y a pas eu d’appel à candidatures en sociologie. Mais, la sociologue Ya Kouamé Akissi Inès a été déclarée admise avec comme discipline la Techno-Pédagogie qui n’est pas une discipline de sociologie. « Cette spécialité n’existait pas dans la liste des filières dans lesquelles les Docteurs pouvaient postuler, notamment à l’UFHB ».
L’ahurissante extorsion de fonds aux docteurs chômeurs
De nombreux docteurs ont postulé dans des filières ouvertes au recrutement, mais à la fin aucun d’entre eux n’a été retenu. «Le premier exemple concerne la filière botanique de l’ENS, comme le démontre le Collectif des docteurs non recrutés. Dans cette école, il y a seulement deux enseignants en botanique, dont un maître de conférences et un maître assistant. Ce qui suppose qu’il existe un véritable besoin d’assistant. Mais aucun candidat n’a été retenu. À l’UFHB, il n’y a pas eu de recrue en Science de l’Education, la Didactique, alors que des besoins ont été exprimés. À l’UFR des Sciences de la Terre et des Ressources minières (STRM), six spécialités ont été mises sur la plateforme de la DRH du ministère. A suivre les résultats affichés, il n’y a pas eu de recrutement dans quatre spécialités que sont les SIG, Télédétection, Agro-pédologie et ingénierie environnementale et assainissement hydraulique.
Amusant que cela puisse paraitre à l’explication, alors qu’il s’agit de l’élite ivoirienne, l’on appréhende difficilement cette pratique usuelle dans le système de l’Enseignement Supérieur en Côte d’Ivoire. Le Collectif des docteurs poursuit ses découvertes. L’UPGC de Korhogo a exprimé des demandes en Stylistique et en Théâtre français. « Aucun candidat n’a été retenu sur les 15 candidats dont 11 en Stylistique et 4 en Théâtre français. À l’UJLOG de Daloa des besoins ont été exprimés dans les départements des sciences humaines (sociologie, en histoire, Géographies, anthropologie) et en Droit, mais aucun candidat n’a été retenu. «Dans cette Université, 99 Docteurs ont candidaté pour le poste d’Assistant en Géographie dont 69 en Géographie Humaine et 30 en Géographie Physique ».
Petit calcul de sous
« Si on considère seulement le coût du certificat de non-bégaiement qui s’élève à dix mille francs (10.000 Fr) et les frais de dépôt du dossier physique, soit cinquante mille (50 000 Fr) par candidat, chaque Docteur postulant s’est vu pirater la somme de soixante mille francs, nous disons bien : 60.000 Fr à la comptabilité de l’Université Lorougnon Guédé. On pourrait dire que la somme extorquée aux Docteurs Géographes s’élève à 5. 940. 000 francs CFA », dénonce le collectif à travers un tableau d’estimation du montant récolté par les organisateurs du concours de recrutement des Assistants de l’Enseignement Supérieur, session complémentaire 2020.
Le tableau-ci haut montre que les organisateurs du recrutement des assistants ont récolté la coquette somme de cent quatre-vingt-quinze millions sept cent trois mille francs CFA, (195 703 0000 F CFA). « Le recrutement des Assistants n’a-t-il pas été budgétisé par l’État de Côte d’Ivoire ? Mais, qu’est-ce qui justifie ce montant ? Pourquoi imposer une telle souffrance à des Docteurs qui veulent simplement mettre les compétences acquises de hautes luttes au service de la nation ?
Il ressort clairement de ce qui précède que les docteurs sont victimes d’un système qui empêche leur insertion dans l’Enseignement Supérieur ou a tout autre emploi tel que le système le rassure présentement. Il ressort aussi à l’observation et au constat qu’il existe un réseau dans le processus de recrutement des assistants des universités et grandes écoles publiques de Côte d’Ivoire dont sont victimes les Docteurs, selon eux, depuis 2015. Un système qui conduit allègrement plusieurs d’entre eux à la limite d’âge d’un recrutement. Une décennie à préparer un Doctorat dont on ne bénéficiera jamais, du fait d’un système, bien entretenu.
y-a-t-il une particularité du doctorat par rapport aux autres diplômes ?
Est-il vrai que l’État ne peut pas employer tous les diplômés notamment les Docteurs ? Le Doctorat bien qu’étant un diplôme est différent des autres diplômes. L’on a en présence, la protestation des Docteurs non-recrutés, assimilable à la revendication des médecins en 2007 relative à leur intégration systématique à la fonction publique après la soutenance. Ou encore celle des infirmiers, sages-femmes ou assistantes sociales qui réclament leur intégration directe à la fonction publique après leurs diplômes de formation.
« C’est d’ailleurs pour cette raison que certains sont envoyés à l’étranger au frais de l’État ivoirien pour bénéficier d’une formation de qualité. Par conséquent, dès son recrutement, le Docteur est directement assistant et non élève assistant, ni assistant stagiaire. Or, avec le BEPC, quand on réussit au concours d’entrée à l’école de police ou au CAFOP, on n’est pas immédiatement sous-officier de police, ni instituteur adjoint. On est d’abord élève sous-officier ou élève maître avant de devenir respectivement sous-officier ou instituteur adjoint après un stage de fin de formation.
Pour l’heure, le ministère de l’Enseignement Supérieur évite d’aborder la question des fonds soustraits aux docteurs dont il savait que le recrutement ne serait pas clair et évident. Ne dites pas que c’est une extraction de fonds volontairement conçue et planifiée. La ministre de la Fonction publique, Désirée Anne Oulotto avec ces petites notifications et précisions appréciera l’ampleur du dossier entre ses mains. Toute une révision en profondeur…A SUIVRE…: LA NÉCESSITE DU DÉCRET ; MODALITÉS D’APPLICATION POUR L’INTÉGRATION DES 3000 DOCTEURS.
