Paul Kagamé est un personnage haut en couleur depuis qu’il est apparu sur la scène africaine en 1994. Au fil des ans, il a pris du volume et de l’ascendant sur ses pairs africains, surtout ceux d’Afrique francophone qu’il intimide indéniablement, y compris le président Ouattara (il s’est fait tout petit lorsqu’il l’a reçu à Abidjan pour la première en Décembre 2018).
Il se dit que lors des réunions de l’Union Africaine, ils sont peu nombreux les chefs d’Etat qui osent émettre un avis contraire au sien. L’homme est constamment sur l’offensive, et obtient toujours ce qu’il veut.

Tout le monde sait que c’est lui qui a fait abattre le 06 Avril 1994, l’avion du président rwandais d’alors, Juvénal Habyarimana. Cet attentat fut le départ du génocide rwandais de 1994, les partisans du président tué se sont alors déchaînés contre les civils étiquetés proches de la rébellion.
Elle était dirigée par un certain commandant Kagamé, alors inconnu du grand public. Ce génocide a traumatisé le continent. Plus tard, Paul Kagamé s’est donné le beau rôle en se positionnant comme celui qui l’a arrêté. En réalité, c’est lui le premier responsable.
Paul Kagamé et ses guerres
Il y a aussi les différentes guerres qu’il mène en RDC depuis 1996, soit depuis 30 ans. La première guerre fut menée entre 1996 et 1997. Les troupes rwandaises, ont anéanti l’armée du Zaïre (RDC aujourd’hui), et placé à la tête du pays leur homme de main, Laurent Désiré Kabila. Ce fut la première guerre du Congo. En 2018, lorsque ce dernier a voulu s’émanciper, Kagamé déclenche encore une offensive depuis le Rwanda.
Mais le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie viennent au secours de Kabila, tandis que Kagamé reçoit l’aide de l’Ouganda, et dans une certaine mesure du Burundi. Entre 1998 et 2002, les armées de ces pays se sont affrontées en RDC. Ce fut la seconde guerre du Congo.

En 2002 des accords sont signés pour le retrait des troupes étrangères, et la mise en place d’un « processus politique inclusif » en RDC. Mais l’accalmie fut de courte durée. En 2006, une rébellion se déclare à l’Est, à la frontière rwandaise, menée par le Congrès National pour la Défense du Peuple-CNDP avec à sa tête un ancien général, Laurent Nkunda.
Il donne du fil à retordre aux troupes de Kinshasa. En fait, les troupes rwandaises étaient derrière l’affaire. Le CNDP a occupé une partie de l’Est du pays. Mais en 2009, une force mixte de déploiement africaine en vint à bout. Environ trois ans plus tard, en 2012, apparaît le Mouvement du 23 Mars, ou M23, avec toujours à la manœuvre les troupes de Kagamé. Aujourd’hui cette rébellion occupe tout l’Est de la RDC, avec des troupes rwandaises qui ne se cachent plus. On est tenté de se demander ce qui fait courir Paul Kagamé dans les régions de l’Est de la RDC.
Ce qui fait courir Paul Kagamé
Déployer et entretenir des troupes et de la logistique demandent beaucoup d’argent. Et le Rwanda quoi qu’on dise reste une petite économie. Que gagne Kagamé à toujours envahir la RDC ? Officiellement Paul Kagamé dit combattre en RDC les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda- FDLR, un groupe rebelle composé des anciens soldats de l’armée rwandaise qui fut défaite en 1994. Pour Kagamé, ce groupe est responsable du génocide de 1994.
Or depuis qu’il le dit, donc depuis trente ans, on n’a jamais recensé une seule attaque de ce groupe au Rwanda. D’autre part, si ce groupe a vraiment commis le génocide de 1994, on peut aujourd’hui s’interroger sur l’âge de ses combattants aujourd’hui. L’argument de Kagamé ne tient.

Certes, lorsqu’il a fait pénétrer ses troupes pour la première fois au Congo en 1996, Paul Kagamé voulait éloigner de la frontière rwandaise les ex-combattants de l’armée rwandaise qu’il avait vaincue en 1994. Ceux-ci avaient trouvé refuge au Congo. Mais avaient-ils la capacité de menacer le Rwanda ? Pas le moins du monde. Sinon ils auraient déjà perpétré des attaques au Rwanda.
Mais il s’est passé une chose capitale lorsque les Rwandais ont pénétré pour la première fois au Congo en 1996. Ils ont découvert l’étendue des trafics liés aux minerais, or, diamant, coltan, cobalt, cuivre, émeraude, tanzanie, bois précieux,…etc…..Ils ont aussi compris que Kinshasa ne contrôlait pas vraiment ces régions.
En effet le pays est immense, et depuis l’indépendance, ces régions sont un peu comme un » no man’s land « . Kinshasa n’a pas la main sur ces richesses qui sont exploitées par des mafias locales. Kagamé a compris que la région et ses richesses s’offraient à lui. C’est cette manne qui le fait courir en RDC, c’est à cette manne qu’il ne veut pas renoncer.
Obsession et impunité
Et là, on touche à un trait caractéristique de la personnalité de Kagamé, son côté business, son côté « hommes d’affaires » pour dire les choses simplement. On ne fait pas suffisamment ressortir cet aspect de sa personne, pourtant l’obsession pour les gains détermine ses actions au niveau international. Depuis les années 2000, le Rwanda exporte des minerais qui ne se trouvent pas dans son sous-sol, preuve du pillage qu’il entreprend dans l’Est de la RDC.
Et pire, les fonds générés n’apparaissent pas au budget de l’Etat Rwandais. Ils sont tracés dans les comptes de la Banque centrale, puis de là disparaissent. Sans doute atterrissent-ils dans un compte privé administré par les soins de Paul Kagamé. Ils ne vont pas au Trésor rwandais, ce qui atteste du caractère prédateur de l’homme quand il s’agit d’argent.

Paul Kagamé, comme on l’a dit dans de précédents articles, jouit d’une certaine impunité en Afrique, il intimide ses pairs. Lorsqu’en 1997, il avait enfin reconnu que c’étaient ses troupes qui avaient renversé le pouvoir du président Mobutu, il ne fut l’objet d’aucune condamnation. Et depuis lors, quoi qu’il fasse sur le continent, les autres présidents se tairont.
Même à ce jour, l’Union Africaine n’ose pas le condamner formellement, alors qu’il occupe militairement l’Est de la RDC. Et c’est un fait qu’il assume, il ne s’en cache plus. Cette impunité et cette obsession pour l’argent a amené Kagamé à faire des « deals » avec des pays occidentaux, des accords proprement honteux pour un président africain.
Homme des deals
En Avril 2022, le premier ministre britannique d’alors Boris Johnson, dévoile un accord avec le Rwanda, selon lequel les personnes arrivées illégalement en Angleterre seraient systématiquement expulsées vers le Rwanda où leur demande d’asile sera examinée. Le Rwanda traitera ces demandes pour le compte du Royaume uni, et obtiendra des compensations financières en retour.
Lorsqu’une demande sera approuvée, la personne obtiendra le statut de réfugié (et donc les avantages qui vont avec) mais restera au Rwanda, elle ne retournera pas en Angleterre. Si la demande est rejetée, la personne n’obtiendra pas le statut de réfugié, mais pourra rester au Rwanda à ses frais, si elle le désire.
Cet accord fut dénoncé par toutes les ONG internationales, les Nations Unis…etc….Le texte fut attaqué en justice. Pourtant en Afrique, ce fut le silence. Personne n’osa dire mot, alors que l’accord avait tout d’une déportation des demandeurs d’asile. Il se dégageait de l’accord une odeur malsaine.
Mais personne n’osait s’opposer frontalement à Kagamé. Avant le Rwanda, la Grande Bretagne avait démarché plusieurs Etats africains (principalement ses anciennes colonies). Tous ont refusé le « deal ». Mais voilà, Kagamé a vu là l’occasion de se faire de l’argent.
De 2022 à Juillet 2024 l’accord n’a pas pu être mis en œuvre du fait des procédures judiciaires qui le visaient. Jusque-là, on ne savait rien de son volet financier. Lorsque les Travaillistes sont arrivés au pouvoir au Royaume Uni le 04 Juillet 2024, ils ont annulé l’accord conclu par les conservateurs avec le Rwanda. Paul Kagamé déclara aussitôt que les fonds reçus ne seraient pas remboursés, quand bien même aucun réfugié n’avait encore été débarqué dans le pays. Ainsi on apprit dans la foulée que le Rwanda avait déjà perçu 280 millions d’euros.

L’affaire aurait pu en rester là. Mais en février 2025, le Royaume Uni et l’UE ont adopté des sanctions contre le Rwanda, pour son implication dans la guerre à l’Est de la RDC, Kagamé est entré dans une colère noire et a réclamé le solde de l’argent de l’accord, au motif que ce n’était pas le Rwanda qui l’avait rompu.
Il réclamait 61 millions d’euros au Royaume Uni ! Quel culot! C’est plutôt le Royaume Uni qui était en droit de réclamer son argent. Cela montre à quel point le président Kagamé est obnubilé par le gain. C’est une véritable fixation chez lui.
On doit aussi mentionner l’accord conclu entre le Rwanda et l’administration Trump pour l’accueil des immigrants condamnés et expulsés des USA, mais refusés par leur pays d’origine. Certes le Rwanda est le quatrième pays à accepter ce « deal », après le Salvador, l’Eswatini, et le Soudan du Sud. Ces pays reçoivent une compensation financière.
Il se murmure que Paul Kagamé voulait faire monter les enchères, mais s’est heurté à un homme plus entêté que lui, en la personne de Donald Trump. Raison pour laquelle le Rwanda a signé un peu plus tard que les autres cet accord, alors qu’il fut le tout premier pays contacté par les Américains.
Enfin selon la presse internationale, le Rwanda et la Somalie ont été approchés par Israël dans le cadre d’une éventuelle déportation de la population de Gaza. Si la Somalie a fermement démenti, le Rwanda n’a pas réagi, ce qui peut amener à penser que la question est toujours « en discussion ».
Signalons qu’en 2017 Israël et le Rwanda avaient finalisé un accord portant sur l’expulsion vers le Rwanda de milliers d’immigrés soudanais et Érythréens en situation irrégulière en Israël, le Rwanda recevant en échange des compensations financières. Mais l’accord ne fut finalement pas mis en œuvre sans qu’on ne sache vraiment pourquoi. Aujourd’hui, il paraît évident que si Israël envisage de déporter les Palestiniens de Gaza, le Rwanda serait la destination privilégiée.

Paul Kagamé se fiche éperdument de ce que peuvent penser les autres, d’ailleurs en Afrique personne ne peut lui parler en face. Ainsi tout ce qui compte pour lui, c’est comment se faire de l’argent. Et toutes les options pour y parvenir sont envisagées, même si cela implique le massacre ou la déportation de populations entières.
C’est ce qu’on doit comprendre avec cet homme, une mentalité pécuniaire dévoratrice qui le ronge de l’intérieur et le rend impitoyable, sans état d’âme. Ceux qui le voient comme un « grand homme » doivent avoir cela à l’esprit. Tant que l’Est de la RDC sera aussi riche en minerais précieux,
Paul Kagamé ne lâchera jamais l’affaire, les troupes rwandaises seront toujours dans la place, quels que soient les accords qu’on signera. Quant aux Palestiniens de Gaza, si Israël met sur la table ce qu’il réclame, il y a de fortes chances que l’Afrique soit le prochain point de chute de milliers d’entre eux.
Douglas Mountain-Le Cercle des Réflexions Libérales
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