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Thiamgate : « Le PDCI-RDA en mode ‘‘wait-and-see’’» Kehi Edouard Djouha

Thiamgate : « Le PDCI-RDA en mode ‘‘wait-and-see’’» Kehi Edouard Djouha; Ledebativoirien.net

La lettre du 11 mai 2025 de Tidjane THIAM dans laquelle il a annoncé la remise de son pouvoir aux militants de son parti, le PDCI-RDA, marque un tournant significatif dans la dynamique politique ivoirienne.

Par cet acte, THIAM pourrait paraître vouloir démocratiser et renforcer l’implication de la base du parti, un geste qui pourrait être perçu comme une tentative de revitalisation de la base militante.

Toutefois, au regard de la procédure judiciaire en cours dans la célèbre affaire Valérie Yapo Vs Tidjane THIAM, l’on peut deviner aisément, une fuite en avant de l’accusé THIAM. Il ne s’en cache pas puisqu’il a cité « le harcèlement judiciaire » comme la cause principale de sa démission de fait.

D’une part, cela emmène à se demander si tout ce scénario n’est pas l’épilogue d’un film mal inspiré et mal monté par un PDCI-RDA rattrapé par ses propres turpitudes relatives à son choix entaché d’irrégularités de M. THIAM lors de l’élection interne de décembre 2023.

Si l’on admet que M. THIAM,  par cette démission, abdique devant Dame Valérie YAPO, cela suppose qu’il reconnait que son élection de décembre 2023 est nulle et de nul effet. Aux termes des articles 39 des Statuts et 44 du Règlement Intérieur du PDCI-RDA, « les Vice-Présidents sont nommés par le Président du parti. » C’est en vertu de ces dispositions que le « Président » THIAM avait nommé ses Vice-Présidents.

Dès lors que l’élection de THIAM est nulle, les décisions qu’il a prises, parmi lesquelles les nominations de Vice-Présidents dont notamment M. Ernest N’KOUMO Mobio, sont nulles et de nul effet. Comment alors comprendre que M. N’KOUMO Mobio, Vice-Président nommé par THIAM, puisse survivre à la démission de ce dernier, au point même de s’autoproclamer « Président  par Intérim? »

Et pourtant, pour éviter de continuer à prendre des décisions qui pourraient être frappées de nullité et de sans effet, M. THIAM s’est soigneusement gardé de nommer un successeur, préférant remettre son pouvoir aux militants souterrains du PDCI-RDA.

D’autre part, l’auto proclamation d’Ernest N’Koumo Mobio, l’octogénaire Vice-Président, pour assumer la présidence par intérim, soulève plusieurs questions qu’elle n’en résout. Certes, il est concevable que sa présence puisse donner l’impression d’un relais de la sagesse et de l’expérience, surtout dans un contexte où le parti traverse des défis politiques complexes. Mais, cette intrusion de N’KOUMO risque aussi de soulever d’autres revendications  politico-juridiques.

 De même, les préoccupations de renouvellement générationnel au sein du leadership du PDCI-RDA auxquelles répondait l’élection de THIAM en 2023, sont désormais hypothéquées avec N’KOUMO Mobio à la tête du parti; or le désir latent de renouvellement générationnel constitue un enjeu crucial pour capter l’attention et le soutien des jeunes électeurs.

En nommant en retour Tidjane THIAM comme Président-Délégué, le « Président par Intérim » N’KOUMO Mobio avait créé également une situation intrigante.

Certes, cela pourrait lui permettre de bénéficier de l’expertise et de la vision de THIAM tout en brandissant sa propre autorité; ce qui démontre une continuité dans le leadership, mais pourrait également poser des interrogations quant à la réelle autonomie de cette présidence par intérim.

Ce tango entre N’KOUMO et THIAM n’est-il pas une manière de satisfaire en façade la justice réclamée par Valérie Yapo tout en conservant dans les faits le statut quo ; un Scénario qui rappelle étrangement la passe d’arme en Russie entre Vladimir Poutine et Dmitriev Medvedev.

Autre casse-tête du PDCI-RDA à ne pas négliger, Dame Yapo est en passe de gagner son procès, ce qui annulerait l’élection de THIAM- cela est très plausible au regard de la démission illico presto de ce dernier. Dans ce cas, il est quasi certain qu’elle va exiger dans la foulée, l’annulation des actes que va poser M. N’KOUMO Mobio dont la légalité est, de toute évidence, tributaire de celle de THIAM. En clair, un congrès qu’organiserait le « Président par Intérim » N’KOUMO Mobio risque une invalidation.

Ainsi, si Valérie Yapo est suivie jusqu’au bout par la justice ivoirienne et que l’administration de THIAM est invalidée, seuls les officiels du dernier Bureau du regretté Konan Bédié seront habilités à convoquer de nouvelles assises à l’effet de renouveler les instances du PDCI-RDA. THIAM sera à nouveau contraint de solliciter à la régulière, les suffrages des militants dans le cadre d’une nième élection interne.

Globalement, le chamboulement du 11 mai 2025 au sein du PDCI-RDA, s’il a le potentiel de révéler une volonté de maintenir la cohésion au sein du Parti tout en prenant en compte la voix des militants et la réalité imposée par les ennuis judiciaires de Tidjane THIAM, il n’en demeure pas moins qu’il laisse un arrière-goût d’un hold-up politique qui risque une autre invalidation judiciaire.

A notre sens, pour véritablement stabiliser le PDCI-RDA au plan politique et légal, THIAM et son entourage auront l’obligation d’engager des démarches plus lucides, ayant en esprit le respect d textes qui régissent le parti,  ainsi qu’une attention scrupuleuse aux enjeux des batailles judiciaires internes qui sont en cours actuellement.

Il n’est donc pas exagéré de conclure que le PDCI-RDA est actuellement en mode « wait and see » dont l’issue dépendra de la justesse des choix que le parti opérera dans les jours et semaines à venir.  Pour le reste, l’éléphant dans la porcelaine du PDCI-RDA est le chrono du calendrier électoral national de 2025 qui, lui, tique sans attendre.

Kehi Edouard DJOUHA- Analyste politique

Ledebativoirien.net

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