Charles Koffi, administrateur Civil et président Réseau National pour la Défense des Droits des Victimes des Déchets Toxiques de Côte d’Ivoire) (RENADVIDETCI), accuse.
Merci de me permettre d’éclairer la lanterne de l’opinion sur l’objet de notre plainte contre la Présidente de la Cour de Cassation d’Abidjan. Il s’agit d’une plainte déposée le mardi 31 Mars 2020 devant le Président de la République en sa qualité de Président du Conseil Supérieur de la Magistrature contre Madame CAMARA Nanaba Chantal pour suspicion légitime et obstruction à l’exécution d’une décision de justice.
Ce qu’il faut retenir ici, la Présidente de la Cour de Cassation est un Magistrat donc un citoyen comme tous les autres. En tant que Magistrat, elle est chargée de faire appliquer la loi. Ce qui signifie qu’elle n’est pas au-dessus de la loi qu’elle a vocation de faire appliquer.
Expliquez-nous clairement le contenu de cette plainte?
Ce même arrêt enjoignait-il aussi à la SGBCI de nous communiquer l’identité complète de tous les bénéficiaires des fonds figurant sur les documents bancaires communiqués. L’exécution de cet arrêt par la SGBCI était assortie d’une astreinte comminatoire de 10 millions de francs CFA par jour de retard d’exécution à compter de sa signification à cette banque.
Pourquoi donc une astreinte comminatoire pour exécuter une décision de justice dont l’exécution doit en principe aller de soi?
Et si celui contre lequel cette décision est prise refuse volontairement de l’exécuter ? Quelle attitude, la Justice doit-elle avoir pour l’y contraindre ?
En effet, l’astreinte a pour objet de vaincre la résistance d’un débiteur à exécuter l’obligation mise à sa charge. Cette astreinte contre la SGBCI se justifie dans la mesure où elle s’est opposée à exécuter une ordonnance du Tribunal d’Abidjan confirmée par l’arrêt indiqué plus haut. Alors même qu’elle n’a pas fait appel de celle-ci. Dans ces conditions, cette décision est devenue définitive donc exécutoire de droit. Elle a acquis autorité de la chose jugée.
Pouvez-vous être un peu plus précis?
Le 09 Avril 2018, le Tribunal a fait droit à notre requête à travers l’ordonnance de référé N°1979/2018, RGN°3238/2018. Cette ordonnance a été signifiée à la SGBCI le 30 Avril 2018. La SGBCI n’a pas fait appel de cette ordonnance, cependant, elle ne l’a pas exécutée.
Devant sa résistance abusive et injustifiée à exécuter cette ordonnance, nous nous étions vus dans l’obligation de revenir vers ledit Juge pour solliciter que l’exécution de cette ordonnance soit assortie d’une astreinte comminatoire de 30 millions de francs CFA par jour de retard d’exécution à compter de la signification de cette nouvelle décision à la SGBCI. Le 4 Juin 2018, ledit Juge a fait droit à notre deuxième requête à travers l’ordonnance de référé N°33440/2018, RGN°5662/2018.
Suite à cette deuxième décision, la SGBCI s’était-elle finalement exécutée ?
Alors que nous nous attendions à un complément de dossiers de sa part, elle a plutôt fait appel de cette décision qu’elle avait commencé à exécuter. Et le 19 Juillet 2019, la Cour d’Appel d’Abidjan-Plateau a confirmé cette ordonnance prise par le Tribunal d’Abidjan à notre profit. Toutefois, elle avait modulé le montant des astreintes de 30 millions de francs CFA les faisant passer à 10 millions de francs CFA par jour de retard d’exécution.
Cet arrêt a-t-il été finalement exécuté par la SGBCI ?
Face à cet autre constat, nous avons non seulement signifié ledit arrêt à la SGBCI le 11 Septembre 2019 pour faire courir les astreintes de 10 millions de francs CFA par jour de retard d’exécution mais aussi et surtout, nous lui avons adressé, le 1er Novembre 2019, un autre courrier pour l’interpeller sur cette autre exécution partielle.
Suite à cette autre interpellation, qu’avez-vous fait ?
Nous avons saisi le 13 Novembre 2019, le Président du Tribunal de Première Instance du Plateau auteur de l’ordonnance de référé du 09 Avril 2019 qui a acquis autorité de chose jugée entre la SGBCI et nous, à l’effet de liquider les astreintes contre la SGBCI à cette date-là, à la somme de 4 milliards de francs CFA.
Face à cette situation, quelle a été l’attitude de la SGBCI ?
La SGBCI a formé le 25 Novembre 2019, un pourvoi en cassation
Quel était l’objectif dudit pourvoi ?
A travers ce pourvoi, la SGBCI espérait pouvoir faire suspendre les effets de cet arrêt.
Cela a-t-il été fait ?
Le Président du Tribunal a-t-il donc fait droit à votre requête de liquidation de ces astreintes ?
Avant de répondre à cette question, il convient de faire noter qu’à l’occasion des échanges d’écritures avec la SGBCI, nous lui avons faire savoir que son pourvoi en cassation n’avait aucun effet suspensif de l’action en liquidation d’astreintes que nous avons initiée contre elle sur le fondement de l’arrêt de la Cour d’Appel sus visé.
S’étant donc rendue compte de cet état de fait, la SGBCI a saisi à nouveau Madame CAMARA Nanaba Chantal, à l’effet de solliciter qu’elle lui délivre une ordonnance de suspension provisoire de l’exécution de l’arrêt dont nous avons été bénéficiaires.
La présidente de la Cour de Cassation a-t-elle pris cette ordonnance au profit de la SGBCI ?
Or, comme je l’ai dit plus haut en tant que Juge de droit, elle ne peut valablement s’immiscer dans une obligation de faire qui est un élément factuel. Il s’agissait pour la SGBCI d’exécuter l’arrêt auquel elle a succombé et la Présidente de la Cour de Cassation avec tous ses pouvoirs ne pouvait pas juridiquement ordonner à la SGBCI de s’opposer ou d’arrêter ladite exécution.
A votre avis qu’est-ce qui a dû se passer ?
C’est à ce niveau que nous avions à priori pensé qu’elle avait été induite en erreur par la SGBCI. Et ayant cru en cela, nous avons par courrier en date du 10 Mars 2020 appelé l’attention du Président de la République ès qualité de Président du Conseil Supérieur de la Magistrature sur la mauvaise foi particulière et coutumière de la SGBCI dans la gestion de cette affaire. Et aussi bien la Présidente de la Cour de Cassation que toutes les personnalités nationales et internationales, ont été en ampliation dudit courrier.
Aussi, pour que lesdits moyens eussent été pris en compte par la Cour de Cassation, il aurait fallu que la SGBCI l’eût évoqué devant le premier Juge, c’est-à-dire le Juge de référé auteur de l’ordonnance N°1979/2018 datée du 09 Avril 2018, laquelle a acquis autorité de chose jugée donc insusceptible de tout recours.
La SGBCI ne les a pas invoqués devant ce juge de sorte que ces moyens sont nouveaux. Or, en droit, un moyen nouveau invoqué dans la même affaire devant une autre juridiction ne peut être pris en compte que s’il « est soit connexe à l’action principale soit, il sert de défense à cette action ou il tend à
Suite au courrier d’interpellation du 10 Mars 2020 adressé au Président du Conseil Supérieur de la Magistrature dont la Cour de Cassation a été en ampliation, nous avons déposé devant cette cour nos répliques avec les arguments développés plus haut.
En plus de ces arguments, connaissant la SGBCI et pour éviter des discussions puériles suite à son exécution de cet arrêt, nous avons saisi un Cabinet d’Audit et d’Expertise agrée, à l’effet d’expertiser les documents qui nous ont été communiqués par cette banque suite à l’exécution dudit arrêt.
Que dit le Rapport de ce Cabinet ?
Sur la période du 07 au 22 octobre 2009, 77 chèques ont été payés par la SGCI pour un montant de Trois cents trente-cinq millions huit cents huit mille neuf cents soixante-treize (335 808 973) Francs CFA au profit de divers bénéficiaires et pour lesquels les noms desdits bénéficiaires n’ont pas été mentionnés sur les relevés bancaires,
-sur la période du 08 mars au 31 mars 2010, Treize mille trente-neuf (13 039) chèques ont été payés pour un montant global de Neuf milliards quatre cents soixante-dix-neuf millions trois cents cinquante-trois (9 479 353 000) Francs CFA au profit de divers bénéficiaires et pour lesquels les noms desdits bénéficiaires n’ont pas été mentionnés sur les relevés bancaires. Par ailleurs, nous signalons que sur cette période, le montant payé par victime de déchets toxiques est de 727.000 Francs CFA,
– sur la période du 19 au 25 mars 2010, Quatre mille cent-quatre-vingt-neuf (4.189) chèques ont été payés pour un montant global de Trois milliards zéro quarante-cinq millions quatre cents trois mille francs (3 045 403 000) Francs CFA au profit de divers bénéficiaires et pour lesquels les noms desdits bénéficiaires n’ont pas été mentionnés sur les relevés bancaires. Par ailleurs, nous signalons que sur cette période, le montant payé par victime de déchets toxiques est de 727.000 Francs CFA…….
Après analyse des opérations bancaires, nous avons dénombré Dix-sept mille deux-cent-vingt-huit (17 228) victimes de déchets toxiques indemnisées à hauteur de 12.524 756 000 Francs CFA soit 727.000 francs par victime… En outre, un montant de 4 658 000.000 francs CFA a été versé à la CNDVT-CI en date du 24 mars 2010 pour l’indemnisation des victimes des déchets toxiques.
-06/08/2010 : émission chèque à payer de 50 millions F CFA ; -20/08/2010 : émission chèque à payer : 44.981.671 F CFA ».
L’Expert conclut que : « l’absence de l’identité des bénéficiaires des chèques payés par la Société Générale de Banque en Côte d’Ivoire sur les relevés bancaires et l’absence de certains numéros de chèques n’ont pas permis le traitement efficient des données mises à la disposition du collectif des victimes des déchets toxiques. Pour la manifestation de la vérité, il serait judicieux de demander au juge de commettre une expertise judiciaire afin d’apporter des réponses à des interrogations. Qu’il rappelle pour mémoire que le nombre de victimes indemnisées est de 17 228 et non de 23.000 ».
C’est à la suite de cela, qu’avant sa confirmation au poste de Présidente de la Cour de Cassation, nous avons saisi le Président de la Cour Suprême, à l’effet de la récuser dans cette affaire.
Aussi, avons-nous saisi le Président du Conseil Supérieur d’une plainte contre elle pour suspicion légitime et obstruction à l’exécution de l’arrêt précité. Par la prise de cette ordonnance de suspension provisoire, elle empêche le Président du Tribunal de vider son délibéré relatif à notre action en liquidation d’astreintes.
Enfin, à son audience du 5 Mars 2020, elle a renvoyé ladite affaire au jeudi 4 Juin 2020.
C’est pour toutes ces raisons que les victimes ont déposé le 31 Mars 2020, une plainte régulière devant le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature contre la Présidente de la Cour de Cassation pour suspicion légitime et obstruction à l’exécution d’une décision de justice.
Et ce montant correspond à la différence entre les 17.228 documents qu’elle nous a communiqués et les 23 mille victimes qu’elle a déclaré avoir indemnisées. Et les intérêts de cette somme seraient utilisés par elle depuis 2010 à ce jour pour soudoyer certains Magistrats dans le but soit de se faire tailler des décisions de justice sur mesure, soit faire du dilatoire en espérant que les victimes soient découragées ou bien que cette affaire ne meure de sa propre mort.
Avec autre presse