« C’EST INCONCEVABLE QUE JE SOIS ÉCARTÉ DE LA PRÉSIDENCE DU CONSEIL RÉGIONAL DU GBÊKÊ »
Depuis sa libération le 31 mars 2020, c’est la première fois que le président Mangoua parle. Le dimanche 4 juillet 2021, au cours d’une conférence de presse au Plateau, il a dénoncé les manœuvres des autorités qui l’empêchent de reprendre son poste de président du Conseil régional du Gbêkê. Mangoua Jacques, par ailleurs, a expliqué que l’intérim n’a aucun fondement juridique. Ci-dessous sa déclaration liminaire et ses réponses aux questions.
MANGOUA JACQUES: Élu le 13 Octobre 2018 président du Conseil Régional de Gbêkê lors des dernières élections régionales, je suis resté 11 mois au poste électif de président du conseil régional. J’ai fait la passation de charges le 18 décembre 2018. Nous travaillions à mettre en œuvre notre projet de développement de la région du GBÊKÊ lorsque, le 29 septembre 2019, est survenu une affaire qui m’a conduit devant les tribunaux le jeudi 3 octobre 2019. Je ne veux pas rentrer dans les détails de cette affaire puisque la procédure suit son cours. Mes conseils ont attaqué l’arrêt rendu le 30 mars 2021 devant la Cour de cassation.
Vous êtes nombreux à m’interroger sur les raisons de la continuité de l’intérim malgré le fait que je sois en liberté.
À défaut de vous répondre individuellement, mon équipe de communication a jugé nécessaire de faire cette conférence de presse pour répondre à votre préoccupation.
Je vous propose une intervention en deux parties : 1- Un bref rappel des diligences que j’ai effectuées pour reprendre mon poste ; 2- Les interrogations juridiques sur l’attitude de l’administration de tutelle ?
UN BREF RAPPEL DES DILIGENCES ENTREPRISES POUR QUE FORCE RESTE À LA LOI
Le 18 novembre 2019, le ministre de l’Administration du territoire d’alors a pris un arrêté pour désigner un intérimaire en la personne de la 1ère vice-présidente. Le 31 mars 2020, j’ai bénéficié d’une mise en liberté provisoire ; – J’ai entrepris des démarches pour rencontrer le ministre de tutelle pour qu’il prenne un autre arrêté rapportant le premier arrêté portant intérim, mais rien n’y fit.
– J’ai œuvré dans la mesure de toutes mes possibilités pour obtenir une rencontre avec feu le ministre Diakité, alors ministre de tutelle, afin qu’une solution idoine soit trouvée à cette question ; ce fut impossible jusqu’à ce qu’il soit malheureusement rappelé à Dieu.
En plus de mes diligences personnelles, je tiens à vous dire que les conseillers de la Région de Gbêkê lui avaient, par ailleurs, adressé plusieurs correspondances lui demandant à maintes reprises ma réhabilitation. Là aussi ce fut vain.
3430 (trois mille quatre cent trente) électeurs de la Région de Gbêkê, ont saisi le ministre DIOMANDE VAGONDO assurant l’intérim du défunt ministre DIAKITE. Ces électeurs ont adressé une requête pour demander de me rétablir dans mes droits. L’intérim pèse très négativement sur le développement du GBÊKÊ. C’est pourquoi ces électeurs ont écrit.
– La dernière requête adressée au préfet en date du 1er mars 2021 pour l’organisation d’une session extraordinaire est restée également sans suite alors que l’article 27 à la loi du 13 décembre 2012, portant organisation des collectivités territoriales, stipule que les autorités investies du Pouvoir exécutif des collectivités territoriales ont la latitude de convoquer une réunion du Conseil chaque fois qu’elles le jugent utile. Dans ce cas, elles sont tenues de convoquer la réunion dans un délai de quinze (15) jours lorsqu’une demande motivée leur est faite par la majorité simple des membres du Conseil en exercice.
– La dernière initiative fut la correspondance que j’ai adressée moi-même au ministre de l’intérieur demandant ma réintégration. C’était le 28 avril 2021. Elle est restée, elle aussi, sans suite.
Chers journalistes, comme vous le constater, nous ne sommes pas restés sans rien faire. Nous avons à l’idée que nous sommes dans une démocratie et que la loi doit avoir le premier et le dernier mot. Nous n’avons que cela. C’est pourquoi, nous avons approché les autorités administratives. Nous voulons juste qu’elles appliquent la loi. Mais elles restent inertes. D’où les interrogations juridiques.
- II) LES INTERROGATIONS JURIDIQUES
Pourquoi est-ce que nous ne sommes pas encore installés malgré notre état d’homme en liberté ?
Les questions demeurent.
Assurément, il ne s’agit pas de l’affaire en cours puisque l’article 605 du Code de Procédure Pénal dispose et je cite « pendant les délais du recours de la Cour de cassation, il est sursis à l’exécution de l’arrêt objet du recours, sauf en ce qui concerne les condamnations civiles ». De ce qui précède, il se déduit que le prétexte tiré malicieusement de ma condamnation pour faire survivre l’intérim n’a aucun fondement juridique.
Je tiens à dire aussi que l’intérim même n’est pas sans poser un problème en droit. L’arrêté a été pris en violation des articles 65 et 158 de la loi du 13 décembre 2012 en ce qu’ils prévoient qu’en cas d’indisponibilité du Président élu, le Conseil se réunit pour désigner un intérimaire. Il s’ensuit que la tutelle a une fois de plus violé ces dispositions en prenant l’initiative de nommer par arrêté un intérimaire m’écartant ainsi de l’exercice et de la reprise de mon poste.
Jusqu’ici, nous avons assisté dans cette affaire me concernant, à un mépris profonds des textes régissant les collectivités territoriales. Ce qui relève du jamais vu dans l’histoire de la Côte D’Ivoire indépendante. Bien entendu, cela donne à s’interroger sur l’état de droit dans lequel nous vivons. Je trouve inconcevable vraiment, qu’après ma brillante victoire à ces élections régionales, je sois écarté de l’exercice de la fonction pour laquelle les vaillantes populations de Gbêkê m’ont accordé leur suffrage.
Voici la déclaration que j’ai voulu vous faire. Mon espérance demeure malgré tout. J’espère contre toute espérance que le droit soit dit.
Pourquoi, on vous empêche de reprendre votre poste ?
Pourquoi on m’empêche de reprendre mon poste, moi je n’en sais rien. C’est aux autorités qu’il faut poser cette question. Ce sont les autorités qui m’empêchent de reprendre mon poste. Comme je vous l’ai dit, voici la loi qui crée les collectivités territoriales. Dans la section de cette loi et au titre : Incident de fonctionnement dans son article 65 dit ceci : En cas de suspension ou d’absence temporaire de l’autorité investie du pouvoir exécutif de la collectivité territoriale, il est provisoirement remplacé par le premier vice-président (…) Dans ce cas, le remplaçant est tenu uniquement de faire la liquidation des affaires courantes. C’est ce que dit la loi. Mais l’intérimaire du Conseil régional du Gbêkê est là il y a maintenant deux (02) ans.
L’intérimaire liquide uniquement les affaires courantes. C’est l’article 65 qui le dit. C’est la loi N 2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des collectivités territoriales. Dans mon cas, c’est une absence temporaire puisque je n’ai pas été suspendu. Je n’ai pas commis de faute. L’article 58 va expliquer comment l’intérimaire est choisi. Et comment il est installé. C’est le Conseil qui se réunit en l’absence du président parce qu’il est absent temporairement et constate cette absence temporaire. Il désigne le premier vice-président. C’est par ordre de préséance. C’est quand le premier vice-président est désigné, que le Conseil informe la tutelle.
Or, cela n’a pas été le cas. C’est le ministre qui a pris un arrêté pour désigner l’intérimaire. Or, c’est le Conseil qui désigne l’intérimaire. C’est ce qui a été fait. Le Conseil a écrit au ministre pour lui signifier que ce n’est pas de cette façon qu’on désigne l’intérimaire. Mais rien n’a été fait. Dans l’arrêté du ministre, il a dit que je suis indisponible, c’est pour cela qu’il désigne un intérimaire. Mais maintenant je suis disponible.
La preuve, je vous reçois vous les journalistes. Depuis le 31 mars 2020, je ne suis pas indisponible. Même au plan de vue du Droit, quand une affaire a été jugée en première instance, s’il y a Appel, il suspend la décision de la première instance. C’est comme si la personne n’a rien fait et que l’affaire soit rejugée. Le Tribunal a dit que l’Appel est recevable et c’est pour cela qu’on l’a mis en liberté provisoire. C’est au niveau de l’administration que le problème de mon poste se pose. Je ne sais pour quelle raison. C’est un poste électif et non un poste nominatif.
L’intérim est assuré par un membre du même parti que vous, c’est-à-dire le Pdci-Rda ?
Je suis l’un des vice-présidents du Pdci-Rda. J’ai été nommé vice-président du Pdci-Rda après le Congrès de 2013. On était seulement douze (12). Pour ce dossier, je vois de temps en temps le président Bédié et on en parle. Le président Bédié a demandé à Mme Dia Marie Ange de démissionner, mais elle ne l’a pas fait. Je pense que les vice-présidents ou le Secrétariat exécutif devrait interpeller l’intérimaire qui est Mme Dia Marie Ange. Mais je ne peux rien vous dire sur l’attitude que le Pdci a eue jusqu’aujourd’hui.
Président du Conseil général de Béoumi, vous avez été mis en prison, vous gagnez les élections du Conseil régional, on vous emprisonne encore, quel est le problème ?
Vous faites le constat. Mais qu’est-ce que vous voulez ? Cela fait partie de la vie. C’est vrai quand j’étais président du Conseil général de Béoumi, il y a eu un problème similaire. Mais il n’y a pas eu tout ce qu’on vit aujourd’hui. La loi a été appliquée. C’est le Conseil qui s’est réuni pour désigner l’intérimaire qui a été mon premier vice-président du Conseil général de Béoumi. Quand je suis sorti de prison, je me suis reposé pendant quinze (15) jours et après, on a fait la passation des charges et j’ai repris ma place. Il n’y a pas eu un arrêté qui a été fait par un ministre à l’époque. Or, c’est le même texte mais légèrement modifié. Le problème du Conseil régional, c’est l’arrêté.
Est-ce un complot ?
Vous-même tirez la conclusion. Comment j’ai été jeté en prison la première fois ? Le président Laurent Gbagbo a fait un courrier au procureur Tchimou lui demandant de mettre aux arrêts les dirigeants des structures de la filière café-cacao. On les a arrêtés. Et un jour, pendant que j’étais dans mon bureau, on m’envoie une convocation de la part du juge d’instruction. Je vais à son cabinet, il regarde dans l’écran de son ordinateur, il vérifie mon identité et me dit, vous êtes sous mandat de dépôt. Mon avocat lui demande pourquoi, il dit c’est maintenant qu’on va chercher les raisons de mon arrestation. Je suis allé à la Maca, je suis tombé malade après six (06) mois et on m’a libéré.
On nous a jugés de 2012 à 2013. On finit, on dit que je n’ai rien fait. Je le dis humblement, lorsqu’il y a eu la rébellion, j’ai beaucoup fait pour les parents planteurs Baoulé à l’Ouest. Tous nos parents à l’Ouest, pour qu’ils récupèrent leurs plantations, pour qu’ils sauvent leurs vies, je suis toujours intervenu. Le président Gbagbo m’a reçu et je lui ai dit que nos parents Baoulé souffrent. Le président Gbagbo m’a demandé de convoquer deux (02) mille planteurs Baoulé afin qu’il les reçoive. J’ai fait venir six (06) mille planteurs Baoulé à Yamoussoukro et le président Gbagbo les a reçus.
Il a donné un milliard. Anoma Jacques, moi-même, N’da Bian ancien sous-préfet et conseiller du président Gbagbo, avons géré cet argent. J’ai la liste de tous les campements Baoulé à l’Ouest. J’ai la liste de tous les chefs de ces campements. Tous me vouent une reconnaissance incroyable. Quand des ministres à l’époque vont dans les campements Baoulé (je ne vais pas dire de nom), on les ramène à moi d’abord. Ma popularité auprès des Baoulé de l’Ouest m’a valu de jalousie. Des ministres sont allés dire à Gbagbo, «Si on ne met pas Mangoua en prison, on n’aura aucune voix des Baoulé». Mais Gbagbo a dit non. Il a dit «Mangoua nous a beaucoup aidés on ne peut pas lui faire ça».
Mais c’est quelqu’un d’autre qui a donné des instructions au procureur Tchimou pour organiser mon arrestation. Quand Gbagbo a été informé, il était dans tous ses états. Mais c’était déjà trop tard. C’est le premier problème. Le deuxième problème, quand je suis arrivé au Conseil régional du Gbêkê, j’ai fait la passation des charges le 18 décembre 2018. Après la passation, les dettes vis-à-vis des entrepreneurs, étaient de 600 millions de francs Cfa. On a signé les documents devant le préfet. Quand j’ai commencé à travailler, la dette est passée à 1 milliard 450 millions de francs Cfa. De formation, je suis économiste financier. J’ai donc commandité un audit. J’ai dit aux entrepreneurs que ceux dont leurs comptes seront certifiés seront payés.
Ceux dont les comptes ne seront pas certifiés ne seront pas payés. On dit, vous avez réalisé une maternité, les auditeurs viennent voir si effectivement la maternité a été réalisée. Si oui, votre compte est certifié on vous paye. Si non, on ne paye pas. J’ai fait l’audit et j’ai eu le résultat de l’audit. Le vendredi où on m’a arrêté, on devrait faire un Conseil le samedi pour présenter le résultat de l’audit pour que le Conseil avise ce qu’on doit faire. Voilà comment j’ai été arrêté. On saisit ces faits et on en fait des problèmes politiques. Mais cela fait partie de la vie.
Est-ce que Mme Dia Marie Ange fait de la résistance ?
Je ne veux pas parler d’elle, mais je vais ouvrir une parenthèse. Quand vous avez fait totalement confiance à une personne, vous avez deux (02) résultats. Premier, soit un ami de la vie. Deuxième résultat, soit une leçon de la vie. Pour ce qui concerne la première vice-présidente, c’est tout ce que je peux dire. Je peux vous répondre que la première vice-présidente fait de la résistance.
Elle ne peut pas dire le contraire. Elle sait qu’elle fait de la résistance parce que le président Bédié lui a demandé de démissionner parce que ce n’est pas elle qui a été élue. Elle n’a jamais fait ce que le président Bédié lui a demandé. C’est parce que je lui faisais confiance que je l’ai mise là. On a quatre (04) départements qui font la région du Gbêkê. Moi, je suis du département de Béoumi. Normalement, le vice-président doit être du département de Bouaké.
Est-ce que le Conseil régional du Gbêkê fonctionne ?
Non, le Conseil régional est bloqué depuis un an.
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