Par
Moïse Gourihi Titiro Avocat à la Cour
Toute la géopolitique, la sociologie électorale, et la politique économique et sociale en côte d’Ivoire : avantage au RHDP-PDCI-RDA-FPI ?
I .DE LA TRIPARTITION GÉOPOLITIQUE DE L’ELECTORAT NATIONAL ENTRE LE PDCI-RDA, LE FPI ET L’EX-RDR A L’ABSOLUE NÉCESSITE DE L’ALLIANCE.
1-Un Paysage Politique Ethnocentrique
Des unions matrimoniales, traditionnelles ou légales, ont tissé des liens sociaux et juridiques irréversibles et indestructibles, entre les lignages et les clans, les tribus et les ethnies. L’école, la ville, le métier et la profession, les médias et autres facteurs de cohabitation et de communication de masse, ont accéléré les processus d’intégration nationale, d’évolution vers l’émergence d’un « Ivoirien nouveau » et de nouvelles identités collectives. Avançant à grands pas pressés, la détribalisation et la désethnicisation bousculent les vieilles allégeances politiques et sociales. A telle enseigne qu’au début des années 2000, un grand leader national n’a pas hésité à affirmer : « Dans dix ans, il n’y aura plus de vote ethnique ».
Il fallait, pour commettre une telle affirmation, professer un optimisme sourd aux enseignements des faits. En effet, depuis qu’en 1990, la fin de l’autocratie mono-partisane et le processus de démocratisation, ont redonné la parole aux populations, les résultats électoraux se sont chargés de ramener aux réalités du terrain, les zélés consommateurs des fictions historico-philosophiques et politico-juridiques, sur la base desquelles les théoriciens occidentaux de l’Etat-nation, ont forgé le modèle universel du citoyen-électeur, dont le vote ne serait déterminé que par le seul sens civique. Or, dans la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui, et en dépit de toutes les évolutions sus-spécifiées, l’appartenance communautaire reste le principal facteur d’identification et de regroupement politique. Il est encore loin, le temps qui connaîtra l’électeur-modèle sus-évoqué.
En effet, que pèsent six petites décennies« d’existence nationale » du peuple ivoirien, face aux siècles et aux millénaires, au cours desquels l’Histoire et les défis communs, ont forgé la personnalité et l’imaginaire collectifs respectifs des « 60 nations lignagères, claniques, tribales ou ethniques d’Eburnie », que l’envahisseur français a, au tournant des XIXe-XXe siècles (1893-1915), piégées et enfermées dans l’espace précolonial que nous appelons la Côte d’Ivoire. C’est à cette multiplicité sociopolitique et culturelle vivace, profondément enracinée et décidée à résister, que depuis l’Indépendance l’Etat de Côte d’Ivoire s’efforce d’imposer des modèles institutionnels importés. Alors, les siècles et les millénaires se vengent du mépris que des élites gouvernantes faussement mondialisées, et en totale rupture de ban avec leur société, vouent aux traditions et aux valeurs de leur culture nationale.
Il s’agit, probablement, au regard des normes internationales, du scrutin le plus transparent, le plus libre, le plus juste et le plus crédible, qui ait été organisé par la Côte d’Ivoire post-1990. Ce scrutin a permis de mesurer le poids politique réel des trois grandes formations qui se disputent le suffrage des Ivoiriens. Contrairement à tous les autres votes (1995, 2000, 2010 et 2015), le PDCI-RDA, le FPI et le RDR, ont, pour la première et unique fois, compétient semble et dans la paix. Ces élections départementales et communales de mars 2001, ont confirmé les trois traits caractéristiques du système partisan ivoirien ; à savoir :1)
Pis : il est plus que probable qu’un sondage sérieux, qui ferait ressortir l’origine ethnique des personnes interviewées, montrait que, même dans le milieu urbain, présumé plus « détribalisé » et plus « désethnicisé » par rapport au monde rural et paysan, le vote ou la position politique reste déterminé par le facteur ou le reflexe communautaire. Cette situation se présente comme l’exact pendant d’une donne politique nationale qui, de l’avis unanime des politologues, est caractérisée, depuis bientôt dix ans, par un énorme déficit d’offre idéologique. Un tel contexte ne favorise guère une évolution significative du vote. Dans ces conditions, l’alliance reste, aux présidentielles la seule voie du succès.
1-L’Absolue Nécessité de L’Alliance
De cette structure du paysage politique national, résulte l’impossibilité, pour chacune des trois grandes formations, d’une raisonnable victoire solitaire. Seules des circonstances extraordinaires, comme celles d’octobre 2000, ont pu permettre la victoire de Laurent Gbagbo et du FPI. Dans ce contexte, en laissant choir une alliance sans laquelle la voie du pouvoir suprême lui était définitivement fermée, le président Ouattara a commis une grosse faute politique, que le RHDP pourrait payer au prix fort. En effet, il a lâché la proie pour l’ombre d’un parti unifié qui, à mesure que le moment décisif approche, a commencé à se révéler une véritable peau de chagrin.
Cette perspective d’un échec programmé face à une alliance du type qui lui a permis de vaincre en 2010, a peut-être contraint Alassane Ouattara à la sagesse d’un retrait qui, tout compte fait, le grandit, par rapport à certains de ses homologues, qui refusent d’admettre que les temps ont changé. Dans sa décision qui, décidément, laisse bien des orphelins désemparés, le fondateur du RHDP a dû tenir grand compte de deux données non négligeables. La première résulte du le fait que, qu’au total, le RHDP s’est, pratiquement, réduit au seul ex-RDR. Seule une poignée de grands apparatchiks sans troupes, et d’abord préoccupés de sécuriser leurs strapontins ministériels ou administratifs, ont boudé les consignes du vieux parti, et franchi le Rubicon.
A l’handicap géopolitique, le clan présidentiel doit, ajouter les conséquences de presque 10 années de politique économique et sociale placée sous l’égide du paradigme néolibéral ; une doctrine économique qui, partout où elle a été appliquée, n’a produit que la misère pour le plus grand nombre.
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Néolibéralisme, Taux de Croissance Exceptionnels et Pauvreté Grandissante
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Une Grande Politique d’Infrastructures en Lieu et Place d’une Grande Politique de Transformation Industrielle des Matières Premières
Cette abondante production de richesses se traduit, naturellement, par des taux de croissance élevés, voire exceptionnels. D’où le second indicateur de l’émergence économique, dont s’accompagne, nécessairement, le premier ; à savoir, l’éclosion ; concomitante, d’un processus ascendant et continu, régulier et irréversible, de « dépérissement » de la pauvreté ; c’est à-dire d’une amélioration constante, régulière et significative, des conditions et des niveaux de vie de secteurs de plus en plus larges de la population du pays.
Car, en plus de générer et démultiplier; à l’infini, les biens, les richesses et les plus-values financières, la transformation industrielle et manufacturière des matières premières, crée et bonifie les conditions et les mécanismes structurels de partage et de redistribution du produit social, entre les différents acteurs du processus économique (capital, travail) ; notamment par le moyen des milliers, voire des millions d’emplois , de toutes natures et de tous niveaux , créés ; et des salaires substantiels , alloués aux travailleurs du Privé comme du Public.
Au total, tous ces processus vertueux se traduisent par l’enrichissement collectifs et individuel de la société et de ses membres, statiquement exprimé par les indicateurs de niveau de vie, qui montrent comment la croissance de la richesse nationale profite de mieux en mieux, aux individus : PIB,PIB/habitant, IDH (Indicateur de Développement Humain), IPH (Indicateur de Pauvreté Humaine), etc.
En revanche, l’option néolibérale comporte, pour un pays sous-développé et pauvre comme la Côte d’Ivoire, une tare congénitale et rédhibitoire : elle oblige l’Etat à se« désengager » de l’économie. Alors que l’expérience de tous les pays pauvres, qui ont rapidement accédé à l’émergence, enseigne que leur performance a été organisée par et autour de l’Etat-investisseur et principal acteur économique
Oubliant ainsi, d’une part, qu’en raison de l’extrême faiblesse de l’épargne nationale, le capital privé est essentiellement étranger ; et que, d’autre part, ce capital privé a, depuis 60 ans, démontré son irrésistible propension à ne s’investir, non pas dans le secteur productif de l’industrie et de la manufacture ;mais dans l’agriculture de rente, l’extraction minière, gazière et pétrolière, l’immobilier, les Travaux Publics, le triplet téléphonie mobile-banques-assurances, et autres branches spéculatives du secteur tertiaire ;
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Paupérisation des Classes Moyennes, Ecrasement des Classes Vulnérables et Mécontentement Populaire
Quoi qu’il en soit, mêmes contradictoires, les statistiques sus-évoquées, attestent du niveau anormalement élevé de la pauvreté, dans un pays qui se targue d’avoir, au cours des 09 dernières années, réalisé un taux de croissance moyen de 8%. L’expérience ivoirienne expose une trop forte contradiction entre un palmarès économique éblouissant, et un niveau de pauvreté comparable à celui du Burkina Faso voisin ; elle démontre ainsi que tous les modèles de croissance et de développement, ne sont pas porteurs de prospérité générale.
« Si l’Ivoirien de 2020 est aussi pauvre, sinon plus pauvre que celui de 2011, où sont donc passés les biens, les richesses et les plus-values financières, représentés par les 72% (8 % x 9) d’augmentation de la richesse nationale ? », persifle, sous cap, la rue abidjanaise.
La réponse à cette interrogation procède de la nature perverse du néolibéralisme. Nouveau mode de production apparu dès l’effondrement du bloc soviétique (1990), le néolibéralisme opère, en fait, la rupture brutale avec le libéralisme et l’humanisme, qui sont au cœur du capitalisme. En effet, uniquement mu par la compétitivité et la rentabilité financière maximale, le néolibéralisme tient les considérations humaines et sociales pour d’inutiles et nuisibles entraves à la croissance économique.
Il ne vise qu’un seul et unique objectif ; à savoir, l’accumulation indéfinie du capital. La dynamique de ce mode production, qui fonctionne selon le principe de l’entonnoir, aboutit, d’une part, à l’accaparement de la richesse, au plan national comme au plan international par une infime minorité ; et d’autre part non seulement à l’écrasement des couches sociales vulnérables, mais également à la paupérisation des classes moyennes, toutes impitoyablement et massivement acculées à la misère.
Face à cette évolution, le gouvernement pouvait décider de changer de paradigme économique, et revenir au modèle de capitalisme social ou capitalisme d’Etat, de type Houphouët- Boigny ; c’est-à-dire s’attaquer à la source génératrice de la pauvreté. Sur ce point, il est bon de rappeler que, de 1960 à 1975, la politique dite de «Social Hardi», du «Père de la Nation», a entraîne le « dépérissement» constant de la pauvreté en Côte d’Ivoire. Celle-ci, qui était d’environ 76% au moment de l’Indépendance, a diminué régulièrement jusqu’à descendre, à la veille de la «crise des prix des produits agricoles» de la fin des années 70, à 15-10% ; c’est-à-dire à un taux de pauvreté digne des pays industrialisés, donc développés et riches.
En quelque sorte, chercher à dissiper la fumée, au lieu d’éteindre le feu. Ainsi, le gouvernement a, début 2019, répondu à la situation de dégradation des conditions de vie des populations, par un ambitieux « Plan Social Pro-Pauvres », d’une enveloppe de FCFA 725,5 milliards. Somme colossale qui, judicieusement investie dans la
Dans les conditions d’un contexte géopolitique très majoritairement défavorable, et d’un environnement social de plus en plus déprimé et morose, seule l’illusion de surpuissance que donne l’exercice prolongé du pouvoir, pourrait expliquer les rodomontades de certains hiérarques du régime, du genre «2020, c’est réglé», «2020, c’est déjà géré», ou autres fanfaronnades de même espèce. Ces affirmations, peut-être prémonitoires, rappellent, étrangement, les «C’est maïs», «Rien en face», «On gagne ou on gagne», de l’avant-présidentielles de 2010″déclare ‘Me MOÏSE GOURIHI TITIRO.
HERVE MAKRE