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Urgent-présidentielle 2020: «seule l’illusion de surpuissance du pouvoir prolongé explique les rodomontades du genre ‘‘c’est déjà géré’’

Par

Moïse Gourihi Titiro Avocat à la Cour

Toute  la géopolitique, la sociologie électorale, et la politique économique et sociale en côte d’Ivoire : avantage au RHDP-PDCI-RDA-FPI ?

L’expérience électorale trentenaire de la Côte d’Ivoire démocratique (1990-2020), a, régulièrement, vérifié le partage, équilibré, du suffrage national entre le PDCI-RDA, le FPI et l’ex-RDR, aujourd’hui refondu dans le RHDP. Cette tripartition, qui épouse les trois grandes aires communautaires du pays, a, depuis l’alternance du 11 avril 2011, trouvé dans le « rattrapage ethnique », un puissant et fécondant facteur supplémentaire de solidification et d’amplification, d’approfondissement et d’enracinement. Avoué dans un entretien que le président Ouattara a, le 15 Janvier 2012, accordé à l’hebdomadaire français L’Express, cette « idéologie tribaliste », qui insulte les principes républicains sur lesquels repose l’état ivoirien, voudrait que le président Ouattara n’ait, depuis son avènement, confié qu’aux seuls ressortissants du Nord du pays, les fonctions les plus importantes et les postes stratégiques du Gouvernement, de l’Administration, de la Justice et de la Diplomatie, de l’Armée, de la Gendarmerie et de la Police.

Mythe, simple quiproquo langagier ou réalité ? En tout état de cause, les effets du « rattrapage ethnique » sont véritablement dévastateurs, d’autant plus que cette pratique plus ou moins fantasmée, s’exerce dans un milieu travaillé par deux facteurs aggravants. Le premier facteur réside dans l’existence d’une opinion publique et une conscience collective encore largement sous-éduquées et sous-informées, donc fragiles, crédules et constamment livrées aux rumeurs, aux réseaux sociaux et aux fake news. Le second facteur opère par le fait que, dans les larges couches les plus vulnérables de la société, que la politique néolibéral du gouvernement accule à la pauvreté, et parfois à la misère la plus abjecte, le « rattrapage ethnique » constitue du pain béni pour le vieil atavisme tribal et le repli identitaire.

I .DE LA TRIPARTITION GÉOPOLITIQUE DE L’ELECTORAT NATIONAL ENTRE LE PDCI-RDA, LE FPI ET L’EX-RDR A L’ABSOLUE NÉCESSITE DE L’ALLIANCE.

 1-Un Paysage Politique Ethnocentrique

Depuis 1960 et la naissance du nouvel Etat indépendant, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de la géopolitique de la Côte d’Ivoire. Le pays s’est, peu ou prou, émancipé de l’ancien ordre des choses. Des générations sans nombre, qui n’ont pas connu la stricte obédience coutumière, ont accédé aux différentes facettes de la citoyenneté moderne, et adhéré à de nouveaux modèles culturels. De puissants et complexes courants migratoires, internes et exogènes, ont redistribué les populations sur l’ensemble du territoire national, en ont modifié la structure et remodelé les caractéristiques.

Des unions matrimoniales, traditionnelles ou légales, ont tissé des liens sociaux et juridiques irréversibles et indestructibles, entre les lignages et les clans, les tribus et les ethnies. L’école, la ville, le métier et la profession, les médias et autres facteurs de cohabitation et de communication de masse, ont accéléré les processus d’intégration nationale, d’évolution vers l’émergence d’un « Ivoirien nouveau » et de nouvelles identités collectives. Avançant à grands pas pressés, la détribalisation et la désethnicisation bousculent les vieilles allégeances politiques et sociales. A telle enseigne qu’au début des années 2000, un grand leader national n’a pas hésité à affirmer : « Dans dix ans, il n’y aura plus de vote ethnique ».

Me MOÏSE GOURIHI TITIRO Avocat à la Cour

Il fallait, pour commettre une telle affirmation, professer un optimisme sourd aux enseignements des faits. En effet, depuis qu’en 1990, la fin de l’autocratie mono-partisane et le processus de démocratisation, ont redonné la parole aux populations, les résultats électoraux se sont chargés de ramener aux réalités du terrain, les zélés consommateurs des fictions historico-philosophiques et politico-juridiques, sur la base desquelles les théoriciens occidentaux de l’Etat-nation, ont forgé le modèle universel du citoyen-électeur, dont le vote ne serait déterminé que par le seul sens civique. Or, dans la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui, et en dépit de toutes les évolutions sus-spécifiées, l’appartenance communautaire reste le principal facteur d’identification et de regroupement politique. Il est encore loin, le temps qui connaîtra l’électeur-modèle sus-évoqué.

En effet, que pèsent six petites décennies« d’existence nationale » du peuple ivoirien, face aux siècles et aux millénaires, au cours desquels l’Histoire et les défis communs, ont forgé la personnalité et l’imaginaire collectifs respectifs des « 60 nations lignagères, claniques, tribales ou ethniques d’Eburnie », que l’envahisseur français a, au tournant des XIXe-XXe siècles (1893-1915), piégées et enfermées dans l’espace précolonial que nous appelons la Côte d’Ivoire. C’est à cette multiplicité sociopolitique et culturelle vivace, profondément enracinée et décidée à résister, que depuis l’Indépendance l’Etat de Côte d’Ivoire s’efforce d’imposer des modèles institutionnels importés. Alors, les siècles et les millénaires se vengent du mépris que des élites gouvernantes faussement mondialisées, et en totale rupture de ban avec leur société, vouent aux traditions et aux valeurs de leur culture nationale.

Aussi, lorsque les élections se déroulent dans d’acceptables conditions de liberté, d’égalité et de transparence, les dynamiques et les significations qui opèrent sous cet antagonisme refoulé et nié, se mobilisent, s’exacerbent, et, au grand dam et pour la plus grande confusion de nos mentors occidentaux, imposent leur logique endogène, c’est-à-dire communautariste. De ce point de vue, les élections départementales et communales de mars 2001, peuvent servir de référence.

Il s’agit, probablement, au regard des normes internationales, du scrutin le plus transparent, le plus libre, le plus juste et le plus crédible, qui ait été organisé par la Côte d’Ivoire post-1990. Ce scrutin a permis de mesurer le poids politique réel des trois grandes formations qui se disputent le suffrage des Ivoiriens. Contrairement à tous les autres votes (1995, 2000, 2010 et 2015), le PDCI-RDA, le FPI et le RDR, ont, pour la première et unique fois, compétient semble et dans la paix. Ces élections départementales et communales de mars 2001, ont confirmé les trois traits caractéristiques du système partisan ivoirien ; à savoir :1)

les trois grandes formations jouissent d’une réelle audience nationale ;2) dans sa traduction politique, cette audience pèse d’un poids pratiquement équivalent, soit 1/3 du vote national, chacune ;3) chaque parti est adossé à un bloc ethnoculturel, dont son leader est originaire. Ainsi, le PDCI-RDA d’Henri Konan Bédié, la formation historique créée par Félix Houphouët-Boigny, et qui a gouverné monopolisé le pouvoir durant quarante (1960-1999), reste solidement arc-bouté sur son socle Centre-Sud-Est akan. Le FPI de Laurent Gbagbo demeure imbattable dans l’Ouest krou. Quant au RDR (aujourd’hui RHDP, grosso modo) d’Alassane Ouattara, il exerce son hégémonie totale dans le Nord « soudanais ».

Pis : il est plus que probable qu’un sondage sérieux, qui ferait ressortir l’origine ethnique des personnes interviewées, montrait que, même dans le milieu urbain, présumé plus « détribalisé » et plus « désethnicisé » par rapport au monde rural et paysan, le vote ou la position politique reste déterminé par le facteur ou le reflexe communautaire. Cette situation se présente comme l’exact pendant d’une donne politique nationale qui, de l’avis unanime des politologues, est caractérisée, depuis bientôt dix ans, par un énorme déficit d’offre idéologique. Un tel contexte ne favorise guère une évolution significative du vote. Dans ces conditions, l’alliance reste, aux présidentielles la seule voie du succès.

 1-L’Absolue Nécessité de L’Alliance

la géopolitique ivoirienne alassane, Gbagbo, Bédié Soro Me MOÏSE GOURIHI TITIRO 

De cette structure du paysage politique national, résulte l’impossibilité, pour chacune des trois grandes formations, d’une raisonnable victoire solitaire. Seules des circonstances extraordinaires, comme celles d’octobre 2000, ont pu permettre la victoire de Laurent Gbagbo et du FPI. Dans ce contexte, en laissant choir une alliance sans laquelle la voie du pouvoir suprême lui était définitivement fermée, le président Ouattara a commis une grosse faute politique, que le RHDP pourrait payer au prix fort. En effet, il a lâché la proie pour l’ombre d’un parti unifié qui, à mesure que le moment décisif approche, a commencé à se révéler une véritable peau de chagrin.

Cette perspective d’un échec programmé face à une alliance du type qui lui a permis de vaincre en 2010, a peut-être contraint Alassane Ouattara à la sagesse d’un retrait qui, tout compte fait, le grandit, par rapport à certains de ses homologues, qui refusent d’admettre que les temps ont changé. Dans sa décision qui, décidément, laisse bien des orphelins désemparés, le fondateur du RHDP a dû tenir grand compte de deux données non négligeables. La première résulte du le fait que, qu’au total, le RHDP s’est, pratiquement, réduit au seul ex-RDR. Seule une poignée de grands apparatchiks sans troupes, et d’abord préoccupés de sécuriser leurs strapontins ministériels ou administratifs, ont boudé les consignes du vieux parti, et franchi le Rubicon.

Mais pour combien de temps ? Surtout que le départ d’Alassane Ouattara ouvre, sous les pieds de ces hommes d’appareil qui savent quitter le navire avant le naufrage, une ère de grandes turbulences et d’incertitude profonde. La seconde donnée qui a peut-être poussé Alassane Ouattara au renoncement, opère par la dissidence de Guillaume Soro, et la «guerre» menée contre l’ancien chef de la rébellion, qui a hissé Alassane Ouattara sur le pavois de la magistrature suprême. Ce second facteur aura, certainement pour conséquence, d’aliéner au clan présidentiel, l’appui du grand groupe senoufo, le plus important vivier électoral du pays.

A l’handicap géopolitique, le clan présidentiel doit, ajouter les conséquences de presque 10 années de politique économique et sociale placée sous l’égide du paradigme néolibéral ; une doctrine économique qui, partout où elle a été appliquée, n’a produit que la misère pour le plus grand nombre.

  1. Néolibéralisme, Taux de Croissance Exceptionnels et Pauvreté Grandissante

  2. Une Grande Politique d’Infrastructures en Lieu et Place d’une Grande Politique de Transformation Industrielle des Matières Premières

Lorsque le président Ouattara a, dès son avènement en avril 2011, engagé le pari, véritablement prométhéen, de faire de la Côte d’Ivoire, en seulement dix ans (2011-2020), un pays émergent, ceux qui, comme l’auteur de la présente contribution, connaissent les choix politiques féconds, les mécanismes, les processus positifs et les effets sociaux bénéfiques dont résulte l’émergence économique, ont applaudi des deux mains. Ils ont présumé que le tout nouveau chef de l’Etat ivoirien, avait conçu et élaboré une doctrine et un projet spécifiques et endogènes, autocentrés et visionnaires, sur la base desquels le président-économiste allait, immédiatement, lancer notre pays dans un gigantesque et systématique effort d’industrialisation et de transformation de ses abondantes matières premières. Car, seule cette option garantissait, objectivement et immanquablement, le succès de l’audacieux défi présidentiel.

En effet, l’approche empirique et théorique de ce qu’il est convenu d’appeler « pays émergent », a permis de dégager un double indicateur, au moyen duquel les observateurs reconnaissent qu’un pays sous-développé et pauvre, a, effectivement, amorcé son processus d’émergence ou de décollage économique. Le premier indicateur réside dans une vigoureuse, systématique et volontariste politique d’industrialisation ou de transformation industrielle des matières premières, dont il résulte la production d’une énorme et exponentielle quantité de biens et de richesses, de plus-values financières et d’emplois, proposés à la satisfaction des besoins des populations du pays.

Cette abondante production de richesses se traduit, naturellement, par des taux de croissance élevés, voire exceptionnels. D’où le second indicateur de l’émergence économique, dont s’accompagne, nécessairement, le premier ; à savoir, l’éclosion ; concomitante, d’un processus ascendant et continu, régulier et irréversible, de « dépérissement » de la pauvreté ; c’est à-dire d’une amélioration constante, régulière et significative, des conditions et des niveaux de vie de secteurs de plus en plus larges de la population du pays.

Me Gouhiri

Car, en plus de générer et démultiplier; à l’infini, les biens, les richesses et les plus-values financières, la transformation industrielle et manufacturière des matières premières, crée et bonifie les conditions et les mécanismes structurels de partage et de redistribution du produit social, entre les différents acteurs du processus économique (capital, travail) ; notamment par le moyen  des milliers, voire des millions d’emplois , de toutes natures et de tous  niveaux , créés ; et des salaires substantiels , alloués aux travailleurs  du Privé comme du Public.

Au total, tous ces processus vertueux se traduisent par l’enrichissement collectifs et individuel de la société et de ses membres, statiquement exprimé par les indicateurs de niveau de vie, qui montrent comment la croissance de la richesse nationale profite de mieux en mieux, aux individus : PIB,PIB/habitant, IDH (Indicateur de Développement Humain), IPH (Indicateur de Pauvreté Humaine), etc.

Or, le Plan National de Développement (PND 2011-2015 et 2016-2020) a, pratiquement, tourné le dos à cette logique vertueuse et féconde. Après avoir, sans aucun ménagement répudié la tradition houphouëtienne de social-capitalisme ou capitalisme d’Etat, le PND a, sur les «Recommandations » du FMI et de la Banque Mondiale, fait l’option du paradigme néolibéral, et enfermé le gouvernement ivoirien dans une dynamique paradoxale et vicieuse. Ainsi, alors qu’il affirme, sans cesse, que son objectif principal est la «transformation structurelle de l’économie ivoirienne par l‘industrialisation», le gouvernement a opté pour un modèle de croissance et de développement, qui donne la priorité, non pas à la transformation des matières premières, mais à la réalisation des Infrastructures et des Grands Travaux Publics.

Il est vrai que, depuis avril 2011, le gouvernement du président Ouattara a réalisé une grande politique de création d’importantes infrastructures publiques, qui ont qualitativement bouleversé le paysage urbain et routier du pays. Notamment, la grande Région d’Abidjan : Echangeur Riviéra III-Angré, Echangeur Cocody-Riviéra-Golf, Pont Henri Konan Bédié, Echangeur Treichville-Marcory, Autoroute Abidjan-Bassam, Autoroute Abidjan-Anyama, Autoroute Abidjan-Bingerville, début des travaux du 4ème Pont entre Adjamé et Yopougon, etc. Ce que faisant, le président Ouattara a suivi les traces de Félix Houphouët-Boigny, qui, de 1960 à 1975, a créé, en Côte d’Ivoire, le réseau routier le plus long et l’équipement public le plus moderne de l’Afrique de l’Ouest, voire de toute l’Afrique Subsaharienne.

Mais pour que le «deuxième miracle économique» ne se termine pas, comme le «miracle ivoirien», dans le mur, le Plan National de Développement (PND) aurait dû, absolument, l’adosser à ce qui a manqué à la politique économique de Félix Houphouët-Boigny ; à savoir, une grande, systématique et volontariste politique de transformation industrielle des matières premières, dans le cadre du capitalisme d’Etat. En effet, seul le capitalisme d’Etat aurait permis à la Puissance Publique, d’investir ou orienter la meilleure part des sommes colossales, reçues de l’endettement extérieur, dans la transformation industrielle et manufacturière des matières premières, cette potion magique de l’émergence économique.

En revanche, l’option néolibérale comporte, pour un pays sous-développé et pauvre comme la Côte d’Ivoire, une tare congénitale et rédhibitoire : elle oblige l’Etat à se« désengager » de l’économie. Alors que l’expérience de tous les pays pauvres, qui ont rapidement accédé à l’émergence, enseigne que leur performance a été organisée par et autour de l’Etat-investisseur et principal acteur économique

(Corée du Sud, Taïwan, Singapour, Malaisie, Indonésie, Thaïlande, Inde, Chine, Turquie, Brésil, Mexique, Argentine, etc.).Dans l’espèce ivoirienne, l’Etat dispose, effectivement, de la « pluie des milliards de FCFA », que la Communauté Financière Internationale, dont le pays a recouvré la confiance avec l’avènement du président Ouattara, n’a cessé de déverser sur les bords de la Lagune Ebrié. Mais, pour booster l’économie, la Puissance Publique fait totalement confiance au Privé.

Oubliant ainsi, d’une part, qu’en raison de l’extrême faiblesse de l’épargne nationale, le capital privé est essentiellement étranger ; et que, d’autre part, ce capital privé a, depuis 60 ans, démontré son irrésistible propension à ne s’investir, non pas dans le secteur productif de l’industrie et de la manufacture ;mais dans l’agriculture de rente, l’extraction minière, gazière et pétrolière, l’immobilier, les Travaux Publics, le triplet téléphonie mobile-banques-assurances, et autres branches spéculatives du secteur tertiaire ;

autant d’activités à effets économiques moins porteurs, ou à création d’emplois précaires et peu rémunérés, ou à faible utilisation de main-d’œuvre. C’est dire que le gouvernement a, ainsi, privilégié, non pas une politique de création de richesses réelles, mais de promotion de mouvements financiers spéculatifs. Il en est résulté une croissance artificielle, extractive, non inclusive, une « croissance sans développement » ; c’est-à-dire déconnectée de l’économie réelle, donc sans impact positif sur la société et les conditions de vie des populations, dont la situation se dégrade chaque jour.

  1. Paupérisation des Classes Moyennes, Ecrasement des Classes Vulnérables et Mécontentement Populaire

Cette dichotomie explique le fait, qu’en dépit des taux de croissance exceptionnels enregistrés, pendant bientôt 10 ans (7-9 %), l’action du PND se solde, à ce jour, d’une part, par un bilan bien maigre sur le chapitre de la création des emplois, synonyme de chômage massif ; et d’autre part, par un taux de pauvreté que le gouvernement, lui-même, situe autour de 46%, et que des sources indépendantes évaluent à 60%, voire plus.

Quoi qu’il en soit, mêmes contradictoires, les statistiques sus-évoquées, attestent du niveau anormalement élevé de la pauvreté, dans un pays qui se targue d’avoir, au cours des 09 dernières années, réalisé un taux de croissance moyen de 8%. L’expérience ivoirienne expose une trop forte contradiction entre un palmarès économique éblouissant, et un niveau de pauvreté comparable à celui du Burkina Faso voisin ; elle démontre ainsi que tous les modèles de croissance et de développement, ne sont pas porteurs de prospérité générale.

la géopolitique ivoirienne alassane, Gbagbo, Bédié Soro vu par Me MOÏSE GOURIHI 

« Si l’Ivoirien de 2020 est aussi pauvre, sinon plus pauvre que celui de 2011, où sont donc passés les biens, les richesses et les plus-values financières, représentés par les 72% (8 % x 9) d’augmentation de la richesse nationale ? », persifle, sous cap, la rue abidjanaise.

La réponse à cette interrogation procède de la nature perverse du néolibéralisme. Nouveau mode de production apparu dès l’effondrement du bloc soviétique (1990), le néolibéralisme opère, en fait, la rupture brutale avec le libéralisme et l’humanisme, qui sont au cœur du capitalisme. En effet, uniquement mu par la compétitivité et la rentabilité financière maximale, le néolibéralisme tient les considérations humaines et sociales pour d’inutiles et nuisibles entraves à la croissance économique.

Me MOÏSE GOURIHI TITIRO Avocat à la Cour

Il ne vise qu’un seul et unique objectif ; à savoir, l’accumulation indéfinie du capital. La dynamique de ce mode production, qui fonctionne selon le principe de l’entonnoir, aboutit, d’une part, à l’accaparement de la richesse, au plan national comme au plan international par une infime minorité ; et d’autre part non seulement à l’écrasement des couches sociales vulnérables, mais également à la paupérisation des classes moyennes, toutes impitoyablement et massivement acculées à la misère.

Face à cette évolution, le gouvernement pouvait décider de changer de paradigme économique, et revenir au modèle de capitalisme social ou capitalisme d’Etat, de type Houphouët- Boigny ; c’est-à-dire s’attaquer à la source génératrice de la pauvreté. Sur ce point, il est bon de rappeler que, de 1960 à 1975, la politique dite de «Social Hardi», du «Père de la Nation», a entraîne le « dépérissement» constant de la pauvreté en Côte d’Ivoire. Celle-ci, qui était d’environ 76% au moment de l’Indépendance, a diminué régulièrement jusqu’à descendre, à la veille de la «crise des prix des produits agricoles» de la fin des années 70, à 15-10% ; c’est-à-dire à un taux de pauvreté digne des pays industrialisés, donc développés et riches.

Seul, le principe de non-industrialisation, imposé par l’Assistance Technique française, n’a pas permis au «Père-Fondateur», de rendre irréversible cette diminution constante de la pauvreté dans le pays. Quant au gouvernement du président Ouattara, il semble n’avoir jamais envisagé la perspective d’un dépérissement irréversible de la pauvreté. En effet, plutôt que de s’attaquer à la cause de la résistance de la pauvreté aux taux de croissance exceptionnels enregistrés par le gouvernement, le PND a plutôt choisi de ne s’attaquer qu’aux conséquences du phénomène.

En quelque sorte, chercher à dissiper la fumée, au lieu d’éteindre le feu. Ainsi, le gouvernement a, début 2019, répondu à la situation de dégradation des conditions de vie des populations, par un ambitieux « Plan Social Pro-Pauvres », d’une enveloppe de FCFA 725,5 milliards. Somme colossale qui, judicieusement investie dans la transformation des matières premières, aurait, certainement, produit des effets bénéfiques, et amélioré, significativement, les conditions de vie des populations (création d’emplois, consommation des ménages). Aussi, face au «Plan Social Pro-Pauvres», les observateurs et les analystes, mêmes les mieux disposés à l’égard du gouvernement, opinent qu’on ne voit pas pour quelles bonnes raisons, ce plan ne connaîtrait pas le même destin que les«Initiatives Sociales» antérieures, comme« la Gratuité de l’Ecole», «la Gratuité des Soins Médicaux», «le Plan Logements Sociaux», etc., qui n’ont guère prospéré.

Me Gouhiri Moise avocat à la cour Abidjan

Dans les conditions d’un contexte géopolitique très majoritairement défavorable, et d’un environnement social de plus en plus déprimé et morose, seule l’illusion de surpuissance que donne l’exercice prolongé du pouvoir, pourrait expliquer les rodomontades de certains hiérarques du régime, du genre «2020, c’est réglé», «2020, c’est déjà géré», ou autres fanfaronnades de même espèce. Ces affirmations, peut-être prémonitoires, rappellent, étrangement, les «C’est maïs», «Rien en face», «On gagne ou on gagne», de l’avant-présidentielles de 2010″déclare ‘Me MOÏSE GOURIHI TITIRO.

HERVE MAKRE

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