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Abidjan-le dossier d’Ajourd’hui-CPI: et les emmerdes de Fatou Bensouda

En Côte d’Ivoire, les menaces américaines contre d’anciens et actuels dirigeants de la cour pénale internationale accusés de corruption active par le gouvernement US suscite l’intérêt de tous ceux qui se sont toujours douté que sans corruption, la CPI ne serait pas allée aussi loin dans l’affaire Laurent Gbagbo.

Laurent Gbagbo et son codétenu Charles Blé Goudé sont désormais des hommes libres. Car hormis le fait qu’ils ne doivent pas parler de leur procès dans les médias, ne pas rencontrer par quelque filon que ce soit les témoins de l’accusation et se présenter à la cour dès que besoin sera, les deux hommes peuvent aller partout où ils veulent et leurs droits politiques ne sont pas remis en cause.

Reste que ce procès qui ne s’est dénoué qu’en mai 2020 alors qu’il avait commencé en novembre 2012 a donné lieu à des choses parfois tellement inimaginables qu’elles n’auraient probablement pas pu avoir lieu sans une vraie collusion entre le procureur et les pouvoirs politiques qui avaient intérêt à ce que l’ancien président ne revienne plus jamais dans la vie politique ivoirienne. Et à l’occasion des menaces américaines contre la cour pénale internationale, ceux qui veulent comprendre les coulisses de cette accusation trouvent là le moyen de corroborer leurs doutes et leurs méfiances.

Comprendre les coulisses de l’accusation de Gbagbo et Blé

Car les Américains affirment détenir des preuves probantes d’un système de corruption active qui impliquerait à la fois d’anciens dirigeants de la cour et ceux d’aujourd’hui. Ces révélations qui visent principalement à mettre une pression supplémentaire sur la CPI au cas où les restrictions de voyage aux Etats-Unis décidées contre ses fonctionnaires par Donald Trump ainsi que les sanctions financières décrétées il y a une semaine ne suffisaient pas. Dans tous les cas, ces menaces sont déjà perçues comme une occasion de jeter une lumière crue sur les coulisses et les mécanismes de l’acharnement de la cour contre l’ancien président ivoirien et son ex-ministre de la Jeunesse,

Charles Blé Goudé.

Car Laurent Gbagbo n’a jamais pu tirer profit de la règle générale en droit qui veut que le doute profite à l’accusé puisque, lui, a dû attendre en prison que la procureure de la Cour madame Bensouda aille enquêter de nouveau pour trouver de nouvelles preuves. En plus de cette grosse entorse à son droit à une justice équitable, Laurent Gbagbo s’est vu refuser la liberté provisoire treize fois parce que la CPI craignait qu’il ne prenne la fuite en raison, disait-elle, de l’existence d’un réseau de supporters bien organisés risquant de le soustraire de l’autorité de la cour. Pendant des années, la cour a ainsi freiné des quatre fers sur ce sujet, y compris lorsque ses avocats ont évoqué le grand âge de l’accusé et sa santé. La CPI a même maintenu son refus lorsque deux pays africains dont l’Ouganda, ont promis de recevoir l’accusé avec les garanties formelles qu’il ne s’enfuirait pas.

La belle entente Ouattara-Bensouda

A cela, on peut ajouter les visites régulières de la procureure à Alassane Ouattara, le président sortant de la Côte d’Ivoire qui avait joué un rôle essentiel dans le transfèrement de l’ancien président ivoirien à La Haye dans le mois de novembre 2011. Le gouvernement ivoirien avait en effet tellement bien collaboré avec la procureure qu’il avait souvent dû jouer sur ses discrètes menaces pour convaincre les témoins que voulait Bensouda à faire le voyage à La Haye. Le gouvernement ivoirien a aussi envoyé ses avocats en renfort à l’équipe de la procureure pour plaider la non-levée de la liberté conditionnelle de Gbagbo et Blé Goudé au vu et au su de tout le monde.

D’ailleurs, l’avocate de Gbagbo Jennifer Naouri a beau se plaindre que les avocats du gouvernement ivoirien n’avaient aucun intérêt à prendre part au procès, la chambre d’appel n’avait pas hésité à leur donner la parole. Bref, comment autant de droits élémentaires ont-ils pu être autant malmenés ?
Les pièces américaines décrivant un système de corruption active installé au cœur de la cour peut sans doute aider à mieux le comprendre. D’autant plus que les soupçons de fraude ou de corruption des dirigeants de la CPI ne datent pas de cette accusation du gouvernement US. En 2017, le journal d’investigation français Médiapart après avoir compulsé plus de 40.000 documents confidentiels avait éventé un système de corruption impliquant Luis Moreno O’Campo, c’est-à-dire l’ancien procureur argentin de la CPI qui venait de se faire remplacer par la

Gambienne Fatou Bensouda.

Ces investigations avaient nécessité la collaboration de huit autres médias internationaux membres de l’European Investigative Collaborations et la série d’articles qui en avaient résulté avait été baptisée « Les Secrets de la Cour » puisque le procureur O’Campo à l’origine du mandat d’arrêt international contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, se serait retrouvé quelques années plus tard, comme le « consultant juridique » du milliardaire libyen Hassan Tatanaki qui selon Mediapart, aurait en fait joué un rôle de lobbyiste pour rapprocher le guide libyen et monsieur O’Campo.

A cela s’ajoute enfin que la CPI ne suscite pas uniquement la suspicion des partisans de Laurent Gbagbo à travers le monde. Plusieurs autorités africaines ont souvent évoqué une politisation discriminatoire de l’action de la CPI qui serait devenue un instrument de pression sur les gouvernements des pays pauvres, voire un moyen de déstabilisation de leurs Etats.

Pour cette raison, le forum des anciens présidents et chefs de gouvernement africains n’ont pas attendu la fin du procès de Laurent Gbagbo pour demander à la Cour Pénale Internationale de renoncer à ses accusations au motif que l’ancien président ivoirien n’était pas coupable. Ce que le verdict de janvier 2019 est venu confirmer. Mais on se demande toujours huit ans après, comment la cour pénale internationale n’a pas vu ce qui sautait aux yeux, au vu de ce qu’il s’était passé en Côte d’Ivoire et des moyens de preuves présentés par Fatou Bensouda.

On se demande aussi pourquoi, alors qu’elle l’avait promis, l’enquête contre le camp Alassane Ouattara n’a toujours pas fait l’objet d’un quelconque début, établissant clairement a minima les soupçons de collusion. Et puis, pourquoi l’appel de Bensouda avait été jugé recevable alors que l’administration de la cour était déjà fermée à l’heure de la décision d’acquittement ? Bref, les preuves américaines seraient d’un grand secours à tous Ivoiriens, Africains et Occidentaux qui ont suivi le procès Gbagbo et qui en avaient décelé, dès l’abord, son étrange inanité.

Avec SEVERINE BLE (Aujourd’hui)

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