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Côte d’Ivoire-présidentielle 2020 (acte II): «Quand la géopolitique, la sociologie électorale, et la politique économique et sociale donnent un net avantage à la galaxie PDCI-FPI »

Par

MOÏSE Gourihi Titirio Avocat à la  Cour 

1- L’Absolue Nécessité de L’Alliance.

Me MOÏSE GOURIHI Titiro Avocat à la Cour

De cette structure du paysage politique national, résulte l’impossibilité, pour chacune des trois grandes formations, d’une raisonnable victoire solitaire. Seules des circonstances extraordinaires, comme celles d’octobre 2000, ont pu permettre la victoire de Laurent Gbagbo et du FPI. Dans ce contexte, en laissant choir une alliance sans laquelle la voie du pouvoir suprême lui était définitivement fermée, le président Ouattara a commis une grosse faute politique, que le RHDP pourrait payer au prix fort. En effet, il a lâché la proie pour l’ombre d’un parti unifié qui, à mesure que le moment décisif approche, a commencé à se révéler une véritable peau de chagrin.

Cette perspective d’un échec programmé face à une alliance du type qui lui a permis de vaincre en 2010, a peut-être contraint Alassane Ouattara à la sagesse d’un retrait qui, tout compte fait, le grandit, par rapport à certains de ses homologues, qui refusent d’admettre que les temps ont changé. Dans sa décision qui, décidément, laisse bien des orphelins désemparés, le fondateur du RHDP a dû tenir grand compte de deux données non négligeables. La première résulte du le fait que, qu’au total, le RHDP s’est, pratiquement, réduit au seul ex-RDR. Seule une poignés de grands apparatchiks sans troupes, et d’abord préoccupés de sécuriser leurs strapontins ministériels ou administratifs, ont boudé les consignes du vieux parti, et franchi le Rubicon.

Mais pour combien de temps ? Surtout que le départ d’Alassane Ouattara ouvre, sous les pieds de ces hommes d’appareil qui savent quitter le navire avant le naufrage, une ère de grandes turbulences et d’incertitude profonde. La seconde donnée qui a peut-être poussé Alassane Ouattara au renoncement, opère par la dissidence de Guillaume Soro, et la « guerre » menée contre l’ancien chef de la rébellion, qui a hissé Alassane Ouattara sur le pavois de la magistrature suprême. Ce second facteur aura, certainement pour conséquence, d’aliéner au clan présidentiel, l’appui du grand groupe senoufo, le plus important vivier électoral du pays.

A l’handicap géopolitique, le clan présidentiel doit, ajouter les conséquences de presque 10 années de politique économique et sociale placée sous l’égide du paradigme néolibéral ; une doctrine économique qui, partout où elle a été appliquée, n’a produit que la misère pour le plus grand nombre.

Une Grande Politique d’Infrastructures en Lieu et Place d’une Grande Politique de Transformation Industrielle des Matières Premières,

Lorsque le président Ouattara a, dès son avènement en avril 2011, engagé le pari, véritablement prométhéen, de faire de la Côte d’Ivoire, en seulement dix ans (2011-2020), un pays émergent, ceux qui, comme l’auteur de la présente contribution, connaissent les choix politiques féconds, les mécanismes, les processus positifs et les effets sociaux bénéfiques dont résulte l’émergence économique,

ont applaudi des deux mains. Ils ont présumé que le tout nouveau chef de l’Etat ivoirien, avait conçu et élaboré une doctrine et un projet spécifiques et endogènes, autocentrés et visionnaires, sur la base desquels le président-économiste allait, immédiatement, lancer notre pays dans un gigantesque et systématique effort d’industrialisation et de transformation de ses abondantes matières premières. Car, seule cette option garantissait, objectivement et immanquablement, le succès de l’audacieux défi présidentiel.

Visite du président Alassane Ouattara aux victimes des pluies diluviennes d »Abidjan

En effet, l’approche empirique et théorique de ce qu’il est convenu d’appeler « pays émergent », a permis de dégager un double indicateur, au moyen duquel les observateurs reconnaissent qu’un pays sous-développé et pauvre, a, effectivement, amorcé son processus d’émergence ou de décollage économique.

Le premier indicateur réside dans une vigoureuse, systématique et volontariste politique d’industrialisation ou de transformation industrielle des matières premières, dont il résulte la production d’une énorme et exponentielle quantité de biens et de richesses, de plus-values financières et d’emplois, proposés à la satisfaction des besoins des populations du pays.

Cette abondante production de richesses se traduit, naturellement, par des taux de croissance élevés, voire exceptionnels. D’où le second indicateur de l’émergence économique, dont s’accompagne, nécessairement, le premier ; à savoir, l’éclosion ; concomitante, d’un processus ascendant et continu, régulier et irréversible, de « dépérissement » de la pauvreté ;

c’est à-dire d’une amélioration constante, régulière et significative, des conditions et des niveaux de vie de secteurs de plus en plus larges de la population du pays. Car, en plus de générer et démultiplier; à l’infini, les biens, les richesses et les plus-values financières, la transformation industrielle et manufacturière des matières premières, crée et bonifie les conditions et les mécanismes structurels de partage et de redistribution du produit social, entre les différents acteurs du processus économique (capital, travail) ; notamment par le moyen  des milliers, voire des millions d’emplois , de toutes natures et de tous  niveaux , créés ; et des salaires substantiels , alloués aux travailleurs  du Privé comme du Public.

Au total, tous ces processus vertueux se traduisent par l’enrichissement collectifs et individuel de la société et de ses membres, statiquement exprimé par les indicateurs de niveau de vie, qui montrent comment la croissance de la richesse nationale profite de mieux en mieux, aux individus : PIB,PIB/habitant, IDH (Indicateur de Développement Humain), IPH (Indicateur de Pauvreté Humaine), etc.

Or, le Plan National de Développement (PND 2011-2015 et 2016-2020) a, pratiquement, tourné le dos à cette logique vertueuse et féconde. Après avoir, sans aucun ménagement répudié la tradition houphouëtienne de social-capitalisme ou capitalisme d’Etat, le PND a, sur les « Recommandations » du FMI et de la Banque Mondiale, fait l’option du paradigme néolibéral, et enfermé le gouvernement ivoirien dans une dynamique paradoxale et vicieuse.

Ainsi, alors qu’il affirme, sans cesse, que son objectif principal est la «transformation structurelle de l’économie ivoirienne par l‘industrialisation», le gouvernement a opté pour un modèle de croissance et de développement, qui donne la priorité, non pas à la transformation des matières premières, mais à la réalisation des Infrastructures et des Grands Travaux Publics.

Il est vrai que, depuis avril 2011, le gouvernement du président Ouattara a réalisé une grande politique de création d’importantes infrastructures publiques, qui ont qualitativement bouleversé le paysage urbain et routier du pays. Notamment, la grande Région d’Abidjan : Echangeur Riviéra III-Angré, Echangeur Cocody-Riviéra-Golf, Pont Henri Konan Bédié, Echangeur Treichville-Marcory, Autoroute Abidjan-Bassam,

Autoroute Abidjan-Anyama, Autoroute Abidjan-Bingerville, début des travaux du 4ème Pont entre Adjamé et Yopougon, etc. Ce que faisant, le président Ouattara a suivi les traces de Félix Houphouët-Boigny, qui, de 1960 à 1975, a créé, en Côte d’Ivoire, le réseau routier le plus long et l’équipement public le plus moderne de l’Afrique de l’Ouest, voire de toute l’Afrique Subsaharienne.

Néolibéralisme, Taux de Croissance Exceptionnels et Pauvreté Grandissante

Mais pour que le «deuxième miracle économique» ne se termine pas, comme le «miracle ivoirien», dans le mur, le Plan National de Développement (PND) aurait dû, absolument, l’adosser à ce qui a manqué à la politique économique de Félix Houphouët-Boigny ; à savoir, une grande, systématique et volontariste politique de transformation industrielle des matières premières, dans le cadre du capitalisme d’Etat. En effet, seul le capitalisme d’Etat aurait permis à la Puissance Publique, d’investir ou orienter la meilleure part des sommes colossales, reçues de l’endettement extérieur, dans la transformation industrielle et manufacturière des matières premières, cette potion magique de l’émergence économique. En revanche, l’option néolibérale comporte, pour un pays sous-développé et pauvre comme la Côte d’Ivoire, une tare congénitale et rédhibitoire : elle oblige l’Etat à se« désengager » de l’économie.

Alors que l’expérience de tous les pays pauvres, qui ont rapidement accédé à l’émergence, enseigne que leur performance a été organisée par et autour de l’Etat-investisseur et principal acteur économique (Corée du Sud, Taïwan, Singapour, Malaisie, Indonésie, Thaïlande, Inde, Chine, Turquie, Brésil, Mexique, Argentine, etc.).Dans l’espèce ivoirienne, l’Etat dispose, effectivement, de la « pluie des milliards de FCFA », que la Communauté Financière Internationale, dont le pays a recouvré la confiance avec l’avènement du président Ouattara, n’a cessé de déverser sur les bords de la Lagune Ebrié.

Mais, pour booster l’économie, la Puissance Publique fait totalement confiance au Privé. Oubliant ainsi, d’une part, qu’en raison de l’extrême faiblesse de l’épargne nationale, le capital privé est essentiellement étranger ; et que, d’autre part, ce capital privé a, depuis 60 ans, démontré son irrésistible propension à ne s’investir, non pas dans le secteur productif de l’industrie et de la manufacture ;mais dans l’agriculture de rente, l’extraction minière, gazière et pétrolière, l’immobilier, les Travaux Publics, le triplet téléphonie mobile-banques-assurances, et autres branches spéculatives du secteur tertiaire ; autant d’activités à effets économiques moins porteurs, ou à création d’emplois précaires et peu rémunérés, ou à faible utilisation de main-d’œuvre.

Me MOÏSE GOURIHI TITIRO Avocat à la Cour

C’est dire que le gouvernement a, ainsi, privilégié, non pas une politique de création de richesses réelles, mais de promotion de mouvements financiers spéculatifs. Il en est résulté une croissance artificielle, extractive, non inclusive, une «croissance sans développement » ; c’est-à-dire déconnectée de l’économie réelle, donc sans impact positif sur la société et les conditions de vie des populations, dont la situation se dégrade chaque jour.

A SUIVRE ACTE III

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MOÏSE GOURIHI TITIRO AVOCAT A LA COUR

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