Il est auteur des essais à succès dans le maelström démocratique ivoirien avec:
La veille du 1er jour du démarrage officiel de la campagne à l’élection présidentielle d’octobre 2020 en Côte d’Ivoire, Geoffroy Julien Kouao, écrivain et politologue était invité par le Réseau ouest-africain pour l’édification de la paix (WANEP), pour co-animer un panel sur, «L’implication des jeunes pour une élection sans violences». Voici largement ce qu’il en dit.
«La Cote d’ivoire a un problème avec les élections en général et, l’élection présidentielle en particulier…
Comment éviter qu’il ait 30.000 morts ? Malheureusement, On dénombre déjà une trentaine de morts avant la tenue du scrutin le 31 octobre 2020. Quel rôle pourrait jouer la jeunesse ivoirienne pour une élection sans violences avant, pendant et après le scrutin présidentiel ? Pour une meilleure articulation du sujet, j’aimerai d’abord définir les termes du thème à savoir la jeunesse et la violence électorale.
Quant à la violence électorale, elle est une variante de la violence politique. La violence électorale vise un double objectif : d’abord, influencer négativement la conduite des électeurs et des candidats, ensuite travestir le résultat de l’élection.
Le scrutin présidentiel est prévu pour le samedi 31 octobre 2020. Jeudi 15 octobre 2020, s’ouvre, en principe, la campagne électorale. Cette période sera un marqueur important pour une élection apaisée. La jeunesse doit y participer de façon constructive. A ne point douter, la jeunesse sera solliciter par les différents candidats pour les affichages, les cortèges, les meetings, la propagande électorale etc. Tout ceci doit se faire dans un climat apaisé, c’est-à-dire dans le respect de la différence. Les jeunes doivent éviter la violence verbale, c’est-à-dire, s’abstenir de tenir des propos injurieux envers les autres candidats relativement à leur physique, à leur appartenance communautaire, à leur état de santé, à leur situation sociale, professionnel, à leur âge etc.
La jeunesse doit éviter la violence physique, s’abstenir de porter atteinte à l’intégrité physique des candidats, des électeurs, des partisans des candidats. La jeunesse doit s’abstenir de détruire le matériel électoral, de déchirer les affiches, de saccager les sièges et quartiers généraux des partis politiques et des candidats.
Les jeunes ne doivent pas s’adonner à la violence structurelle. Celle-ci procède de la manipulation des leaders politiques, religieux, des cadres régionaux et des leaders de jeunes. Les jeunes ont une obligation de désobéissance aux consignes manifestement illégales venant des leaders politiques, parce que remettant en cause l’ordre public et la régularité du scrutin. Par exemple, si un candidat n’est pas d’accord avec les résultats, il doit suivre les voies légales de recours qui existent. Si par extraordinaire, il appelait les jeunes à manifester dans la rue, ceux-ci devraient pouvoir le lui rappeler.
Pendant cette période électoral, les jeunes doivent être responsables et surtout exigeants envers les candidats et les formations politiques
Les jeunes doivent inviter les candidats à se prononcer sur des questions pertinentes, sur les grandes thématiques et les enjeux majeurs de la société ivoirienne. Quelles sont les valeurs sociétales que vous voulez porter ? L’identité nationale, l’ordre, la sécurité, la famille ou bien, la diversité, la tolérance, le libéralisme culturel, les droits ? Ce sont des questions fondamentales, existentielles pour une nation.
Nul ne peut prétendre gouverner un grand pays comme la Côte d’Ivoire sans avoir préalablement réfléchi sur ces thématiques et les introduire dans une vision politique.
Quels sont les nouveaux modèles économiques, institutionnels, écologiques ou technologiques que les hommes et femmes politiques proposent pour donner une vision optimiste de l’avenir. Nos institutions sont –elles, suffisamment, fortes pour porter les exigences démocratiques ? Pouvons-nous valablement continuer cette politique libérale, capitaliste dans un Etat sans capitaux ? Quel est, en dehors des instruments internationaux, notre stratégie écologique, pourquoi nos villes sont toujours inondées et sales ? Notre politique écologique permet-elle d’optimiser notre potentiel agricole ? Comment tirer le maximum profit des avancées technologiques pour moderniser notre administration et réduire la pénibilité du travail ? Ce sont les réponses à ces questions que les jeunes ivoiriens veulent savoir et non des déclarations impolitiques pour rajouter à l’anxiété déjà grande des ivoiriens ?
En 2020, allons nous adopter une politique protectionniste, mettre en avant la souveraineté monétaire et budgétaire ? La mondialisation nous a-t-elle enrichit ou appauvrit ? Pouvons-nous concurrencer les multinationales sur le marché national, notre tissu industriel ne va-t- il pas à son déclin ? Doit-on, oui ou non continuer avec le franc CFA soixante ans après notre indépendance ? Avons-nous la capacité, les ressources humaines pour gérer rationnellement une monnaie ? Quels sont les avantages et les inconvénients de notre sortie de la zone franc? La création d’une monnaie régionale sans le tutorat de l’ancienne puissance coloniale est-elle, économiquement viable ? Ce sont les réponses à ces questions qui font et donnent la stature d’homme d’Etat à un homme ou à une femme politique et non sa capacité à exclure ses concurrents.
Toujours au niveau social, la question des salaires, celle des conditions de travail, la place du service public, la question de la sécurité sociale. Notre politique de la retraite n’est-elle pas obsolète, comment assurer une meilleure retraite à nos concitoyens, l’âge de départ à la retraite est-il en adéquation avec nos impératifs budgétaires et d’emplois ? Nos services publics peuvent-ils continuer de fonctionner avec les règles adaptées aux services privés ? Comment mettre fin aux privilèges accordés aux dignitaires de l’Etat pour une meilleure répartition de la richesse nationale ?
Par Geoffroy-Julien KOUAO
Politologue et Ecrivain