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Interview vérité-Ben Amar Sylla, leader d’opinion: «Oui le manque d’ouverture politique fait du district d’Odienné le plus pauvre et vide de la Côte d’Ivoire…voici pourquoi»

Ben Amar Sylla, informaticien de formation, est un leader d’opinion dont les critiques sur le développement  du Nord-ouest ivoirien, Odienné, suscitent des interrogations.  Des  interventions souvent qualifiées de subversives par des partisans du RHDP, parti au pouvoir. Très actif sur les réseaux sociaux, ce natif du Denguelé s’est prêté à nos questions.

Ledebativoirien.net avec E. Djama

Vous êtes très actif sur les réseaux sociaux dans la critique contre la mauvaise gouvernance à Odienné votre région natale. Que reprochez-vous concrètement aux acteurs de développement d’Odienné ?

 Ben Amar Sylla (B.A.S) : Je tiens à vous dire merci de me donner l’opportunité de m’exprimer à travers cet entretien. Je suis critique via les réseaux sociaux tout comme sur le terrain, ce que je constate sur le terrain c’est ce que je viens reproduire sur les réseaux sociaux. Alors pour répondre à vos questions, je dois vous dire que les reproches envers les élus et cadres d’Odienné, c’est la division interne entre eux.

Pour le bonheur des populations pour lesquelles tous jurent, je crois qu’ils ont intérêt à conjuguer leurs efforts ensemble. Parce que la division est la principale cause du retard du Denguélé en général et du Kabadougou en particulier. Les cadres sont tout sauf unis dans le Denguélé. Alors comment réussiront-ils à poser des actions importantes dans le cadre du développement, étant divisés ? La division dont je parle ici c’est de ne pas avoir le sens de la responsabilité à regarder dans la même direction pour un intérêt général. Donc je leur reproche de ne pas être des véritables représentants des populations.

 Le district d’Odienné est cité comme une localité administrative dont plusieurs cadres ont été nommés ministres, directeurs généraux, sénateurs. Mais selon vos publications, hôpitaux, routes, établissements scolaires, centres culturels, marchés sont dans un état de dégradation, avec des populations qui se plaignent de la pauvreté. N’est-ce pas un paradoxe ?

Il faut dire que le Denguélé est un District de deux régions que sont le Folon avec pour Capital Minignan, et le Kabadougou qui a pour capital Odienné. Oui, Odienné vit une situation difficile et précaire parce que lorsque vous entendez parler d’Odienné ailleurs et que vous y mettez les pieds, vous êtes perdus. Vous serez déçus lorsqu’une fois vous arrivez à Odienné, c’est presqu’un gros village, parce que le CHR d’Odienné capitale régionale du Kabadougou chef-lieu du District du Denguélé n’a même pas de scanner, il est même impossible de conserver la dépouille d’une personne décédée, un plateau technique défaillant, avec un personnel peu agréable à l’accueil.

Le Pire c’est Minignan capitale régionale du FOLON, à 71km d’Odienné, où même l’hôpital général représentant un CHR, est quasi vide, même pas de congélateur pour converser les produits sanguins. et pour l’échographie des femmes enceintes, un recensement général de femmes est fait au préalable et on fait déplacer la machine depuis Odienné où d’ailleurs pour venir faire l’échographie des femmes. La plupart du temps, cette machine tombe en panne une fois sur place.

Alors que le taux de mortalité le plus élevé est constaté chez les enfants. Minignan n’a même pas de banque pour permettre aux agents de l’Etat et autres salariés du privé de s’approvisionner en liquidités. Il faut se rendre à Odienné où le système de paie bancaire est un enfer, les fonctionnaires peuvent témoigner. Les agents économiques ne font qu’avec les transferts électroniques.

Dans le Denguélé tout manque, c’est pourquoi je dis que c’est le district le plus vide du Pays et c’est une indignation d’assister à des situations complexes, car même le centre culturel est en ruine depuis la crise, le lycée 1 qui a besoin d’une sérieuse réhabilitation, le lycée 2 a un problème de tables-bancs, ainsi que le déficit d’enseignants sont une désolation totale presque pour les établissements scolaires, ainsi le CAFOP supérieur non réhabilité dans son entièreté manque essentiellement de beaucoup de choses élémentaires.

Le marché principal d’Odienné est en ruine, avec ses environs poussiéreux exposant les populations à plusieurs maladies liées à la poussière et tout ceci malgré le passage de PPU, Odienné n’a pas vraiment changé de visage. Ce qui est paradoxal, c’est qu’il s’agit du district dont est originaire la défunte Mère du Président de la République, Alassane Ouattara.

Ce qui revient à dire qu’en dehors d’être le Président de la République de Côte D’ivoire, son Excellence Alassane Ouattara est le premier cadre de la région, sans oublier les nombreux Ministres, Directeurs Généraux, et les parlementaires de la haute chambre, le Sénat. C’est sûr que les populations se plaignent de la pauvreté, car le Denguélé étant situé à environ 900 km d’Abidjan est sans pôle emploi-économique pour permettre à sa vaillante population composée majoritairement des jeunes de travailler, d’avoir des emplois stables. C’est une misère avec une population au pouvoir d’achat faible, et même des indices parlent du district le plus Pauvre de Côte d’Ivoire, dont les populations vivent avec moins d’un demi-dollar par jour

Toujours est-il que, Odienné connait le bitumage et le reprofilage de plusieurs axes routiers.

C’est vrai qu’il y a eu le bitumage, mais malheureusement après plus d’un an. Aujourd’hui ce projet n’a toujours pas débuté. Parlant de reprofilages, je ne connais pas la date du dernier reprofilage à Odienné, avec ses routes secondaires inexistantes et impraticables presque partout avec les ordures qui jonchent les rues.

Pour le reprofilage des routes menant dans les villages une entreprise privée qui fait beaucoup pour la région du FOLON. Plusieurs axes sont devenus praticables aujourd’hui grâce à cette entreprise. Mais malgré tout de nombreux villages du district du Denguélé sont des plus enclavés du Pays, avec des localités qui sont inaccessibles pendant les saisons des pluies, sans compter des ponts de fortune rendant l’accès des véhicules impossible même parfois pour des officiers d’état-civil tels que les sous-préfets et autres administrateurs civils.

 Vous êtes qualifié de partisan de Soro Guillaume, ex-président du parlement ivoirien, en rupture de ban avec le président Alassane Ouattara. Confirmez-vous cette information?

Ce qu’il est important de savoir, c’est que je ne suis partisan d’aucun homme politique non plus d’aucun parti politique d’une façon générale, parce que jusque-là, je ne me reconnais dans la vision d’aucun homme politique. Le cas Guillaume Soro n’est pas nouveau, même lors de l’incident qui s’est produit entre la Mairesse de Kaniasso Mme Chantal Fanny et moi, plusieurs journaux avaient publié qu’un Soroïste a été arrêté à Odienne…alors que ce n’est pas du tout vrai.

Je ne comprends pas cette histoire de coller des étiquettes de parti politique à des personnes libres comme moi dans ce pays. Et c’est un contexte général, où lorsqu’on pense différemment on te taxe d’être militant de tel ou tels partis politiques.

Ce n’est pas réfléchi, parce que des gens peuvent en payer le prix de leur appartenance de famille Politique lorsqu’on sait que notre démocratie souffre de la liberté d’opinion. Plusieurs exemples peuvent être cités, sous chaque gouvernement car des gens ont vu leur carrière professionnelle être brisée à cause de leur appartenance politique.

Depuis l’accession d’Alassane Ouattara à la présidence de la république, il est reproché aux populations d’Odienné d’être fortement hostiles aux autres Partis politiques. N’est-ce pas antidémocratique ?

Bien que c’est anti-démocratique de ne pas faire d’ouverture Politique. Et d’ailleurs c’est l’une des principales causes du sous-développement inexplicable d’Odienne. Oui le manque d’ouverture politique est un frein contre le développement,

parce que le refus d’un contre-pouvoir peut être considéré comme une négation à la concurrence. Et c’est l’un de mes combats, lutter contre la candidature unique de tout candidat RHDP.

C’est pourquoi je n’ai pas manqué d’apporter mon soutien aux candidats indépendants, lors des dernières législatives en mars 2021, et dont certains ont été éliminés, curieusement déclarés inéligibles. Pendant les sénatoriales anticipées j’ai fait la Communication pour un candidat indépendant sorti du rang du Rhdp, qui s’est de lui-même retiré aux jour-j des élections. Mais cette lutte continue, car nous devrions faire en sorte que toute personne désireuse d’un poste électif soit libre de poser sa candidature enfin qu’on laisse le choix aux populations de choisir ou d’élire leur candidat, cela va permettre à Odienné de faire un pas en avant en matière de démocratie si je peux m’exprimer ainsi.

Quelle lecture faites-vous des attaques armées auxquelles les forces militaires ivoiriennes font face au nord de la Côte d’Ivoire ?

Félicitations d’abord à nos forces de l’ordre et de sécurité, pour leur engagement dans la sécurisation de nos frontières. C’est vrai que nous déplorons des cas de pertes en vie humaine dans le rang de nos soldats, mais il faut reconnaître qu’ils font un sérieux et immense boulot. Pour aider à plus d’efficacité et à mettre hors d’état de nuire toute personne intéressée à participer à des complots contre notre pays, il faut une sérieuse collaboration entre les forces de sécurité, les Autorités et les populations.

Je vais souvent dans des zones frontalières, la menace djihadiste est une réalité, mais doublons de vigilance et demeurons dans une très bonne collaboration avec nos forces de sécurité. C’est en cela que nous pourrons déjouer tous les coups préparés contre notre pays et sa population.

 Considérant que le district d’Odienné fait frontière avec le Mali, la situation sociopolitique dans ce pays voisin à la Côte d’Ivoire n’a-t-il pas des impacts sur les activités économiques et sociales à Odienné ?

Il faut dire qu’en raison de la menace djihadiste pesante sur la région cela agit économiquement sur Odienné et ses environs déjà pauvre par la faute d’un oubli gouvernemental. Il y’a eu un impact sur les activités économiques bien avant les sanctions économiques et l’embargo qui pèsent sur le Mali aujourd’hui, parce que la menace djihadiste a obligé les autorités à prendre des dispositions pour annuler la transhumance qui serait, selon des renseignements, des moyens pour infiltrer nos régions du Nord par des djihadistes.

Bien que cette transhumance était une ouverture du marché de bétails où une frange des jeunes arrivaient à se prendre en charge, mais la sécurité des personnes et des biens doit primer sur l’intérêt de quelques personnes.

Aussi cette ouverture pour le marché de bétail impactait le Prix de la viande, vu l’offre abondante. Mais aujourd’hui avec la pénurie de bétail dû à la suppression de la transhumance, le prix de la viande a augmenté. Effectivement la crise sociopolitique au Mali engendre des conséquences économiques et sociales sur la vie des populations dans le Denguele.

Entretien réalisé par E. Djama

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