Kandia Camara, la femme qui monte, qui monte…
Le 12 Octobre 2023, Kandia Kamissoko Camara (KKC) est élue à la tête du sénat ivoirien. C’était une surprise de taille, personne ne l’attendait à ce poste.
Le sénat ivoirien est certes tout jeune, mais généralement à ces postes, on s’attend plutôt à des vétérans, des personnes qui ont fait le tour des portefeuilles ministériels ou hautes institutions, des personnalités qu’on veut caser sans les voir totalement abandonner le ‘’terrain’’. Or tel n’est pas le cas de Kandia Kamissoko Camara (KKC) qui à 64 ans, n’est certes plus toute jeune, mais n’est pour autant une ‘’doyenne’’.
Le chemin n’a pas été pourtant facile. Ministre de l’éducation nationale dès 2011, ce qui en soi était un énorme challenge, KKC a accumulé les bourdes. Ses fautes de langage étaient systématiquement reprises sur les réseaux sociaux, à juste titre d’ailleurs puisqu’on avait affaire au ministre de l’éducation !
« La fin de l’année est presque terminée… » fut entre autres l’une des expressions qui lui a valu le plus de railleries sur internet. Traitée ‘’d’analphabète’’ durant cette période, elle ne faisait pas pour autant profil bas, alors qu’il était évident que son niveau intellectuel ne cadrait pas tout à fait avec la fonction qu’elle occupait. Avec son caractère trempé, elle affrontait les railleries, faisait face avec opiniâtreté. On prétend qu’elle avait plusieurs ‘’coachs’’ durant ces ‘’moments difficiles’’. Progressivement les fautes ont disparu. KKC s’est améliorée à force de combativité, de persévérance.
Durant son passage à l’éducation nationale, (Juin 2011-Avril 2021), KKC avait des rapports plutôt difficiles avec les syndicats. La presse se faisait souvent l’écho de ses échanges musclés avec un certain Mesmin Comoé, SG du MIDD, le syndicat le plus en pointe au primaire.
Elle était intraitable dans les négociations, aux dires de nombreux responsables syndicaux. Cette dame est réputée partisane de la ligne dure, que ce soit à la tête des ministères qu’elle a occupés, ou au sein du parti présidentiel. Ce n’est pas une colombe. Elle est vue comme toujours prête à employer la ’’manière forte’’. Mais elle n’est pas pour autant une « méchante sorcière » avec un fouet dans la main. On la dit très sociable, ouverte, sensible aux sort des enfants.
Après quelques dix ans à la tête du ministère de l’éducation nationale, on doit à KKC le fait que les élèves ne soient plus autorisés à reprendre une classe du primaire, qu’ils soient autorisés à être inscrit et même se présenter au CEPE et au BEPC sans extrait de naissance, la gratuité des fournitures aux primaires, l’école obligatoire, la réintroduction des cours de mercredi matin dans le primaire, la suppression des frais de scolarité en dehors de l’inscription en ligne, etc…
En Avril 2021, KKC est nommée ministre des Affaires Etrangères. Là encore la surprise était de taille, on s’inquiétait d’éventuelles bourdes devant des personnalités étrangères.
Mais le Président de la République a eu la sagesse de nommer à ses côtés un ministre délégué aux affaires étrangères, un poste confié à Alcide Djédjé, un vétéran de la diplomatie ivoirienne.
Ce dernier « préparait » les dossiers, agissant comme un super chef de cabinet aux côtés de la ministre, voire comme un ’’coach’’. Il faut aussi dire que KKC avait entre-temps gagné en maturité dans l’exercice des fonctions ministérielles. Ainsi contrairement à l’éducation nationale, les deux années passées aux affaires étrangères (Avril 2021-Octobre 2023) ont été assez tranquilles.
Des origines qui font débat
Sur son CV ainsi que sa page wikipédia, KKC est née à Abidjan le 17 Juin 1959, et est originaire de Boundiali,, dans l’extrême Nord du pays. Mais certains prétendent qu’elle aurait émigré de la Guinée voisine dans les années 70, aurait atterri dans un premier temps à Bouaké où elle s’illustra comme joueuse d’handball, avant de descendre sur Abidjan, toujours pour pratiquer le handball. L’intéressée ne s’est jamais prononcée publiquement sur la question.
Lors des dernières municipales et régionales, des cadres de l’opposition (ppa-ci) lui ont ouvertement et avec grand bruit, demandé « d’avouer » qu’elle n’est pas une fille de Boundiali comme elle le prétend, déclenchant un tollé dans l’opinion. Mais encore une fois, la concernée s’est gardée de réagir. Tout porte à croire qu’il en sera ainsi chaque fois que la question de ses origines sera mise sur la table.
Une autre question est aussi sujet à controverse concernant le parcours de KKC. A-t-elle été professeur d’Anglais comme on l’apprend sur son CV ? Là également certains s’insurgent, et prétendent qu’il en est strictement rien. Encore une fois l’intéressée ne s’est jamais prononcée publiquement sur cette question, qui agite souvent les réseaux sociaux.
Une relation particulière avec le président Ouattara ?
Le 05 Mars 2020, lorsque devant le congrès (parlement et sénat) réuni à Yamoussoukro, le président Ouattara avait annoncé qu’il ne « briguerait pas un troisième mandat », on a vu KKC essuyé quelques larmes dans la confusion générale qui avait suivi.
Auparavant en Septembre 2017, lorsqu’elle fut nommée SG du parti présidentiel lors du troisième congrès de cette formation au palais des sports de Treichville, on l’avait vu essuyé quelques larmes alors qu’elle se trouvait dans les bras du président, venu la »féliciter ». C’est dire sa relation particulière avec le président. Pourtant peut-on aller jusqu’à dire que le président ne peut rien lui refuser, comme cela se murmure ?
Le mari KKC, Inza Camara, s’il a d’abord été nommé président du bureau économique de la Côte d’Ivoire aux USA, puis consul, n’a pas été promu comme ambassadeur aux USA, malgré un intense lobbying de celle-ci.
C’est donc excessif de dire que le président ne lui refuse rien. En fait, il est impressionné par la fidélité, la combativité, le dévouement de KKC à son égard. On a affaire à une femme très combative, portée sur l’offensive, une femme à poigne, qui est consciente de ses handicaps, mais n’en fait pas des facteurs limitant. C’est certainement ce que le président admire chez celle-ci.
A-t-elle atteint le plafond dans son ascension politique ?
Aujourd’hui à la tête du Sénat, Kandia Kamissoko Camara inspire désormais le respect de la nation. Quatrième personnalité de l’Etat, elle est aujourd’hui portée par le prestige sa nouvelle fonction.Qu’il est loin le temps où cette femme suscitait les railleries de l’opinion lorsqu’elle s’exprimait. Aujourd’hui plus personne n’ose rire d’elle.
Signalons qu’elle est aussi Maire de la commune d’Abobo (Nord d’Abidjan) depuis 2021. Personnalité extrêmement clivante du régime, KKC suscite du rejet chez une importante frange de l’opinion. Mais elle est fortement admirée dans le camp présidentiel. Elle montre à tous qu’on peut bâtir une carrière sans forcément avoir un lourd bagage intellectuel.
Elle rappelle l’ancien premier ministre français Pierre Bérégovoy, l’homme qui avec seulement un CAP soudure, fut ministre des finances puis premier-ministre de la France.
Les qualités de cette dame, notamment sa combativité, son caractère trempé, sa persévérance, laissent la porte ouverte à beaucoup de surprises. Va-t-elle encore s’élever (primature, vice-présidence) ?
La question n’est pas fortuite. Difficile d’imaginer que KKC envisage une quelconque retraite politique, ou professionnelle. Elle perce les plafonds les uns après les autres, et tout porte à croire qu’elle n’a pas encore atteint le summum dans son ascension. La » fille de Boundiali ’’ pourrait encore surprendre. Une analyse de Douglas Mountain-Le Cercle des Réflexions Libérales.
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