Transition guinéenne : Mamadi Doumbouya va-t-il rendre le pouvoir aux civils le 31 Décembre 2024 ?

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Que le temps passe vite ! Le 05 Septembre 2021, on apprenait que le président Alpha Condé de la Guinée Conakry était renversé. Comme toujours en pareil cas, les premières informations étaient confuses, le ministère guinéen de la défense affirmait sur les ondes de la télé d’Etat avoir repoussé une tentative de putsch. Puis le soir du même jour, la photo ci-dessus inondait les réseaux sociaux, elle fit le tour du monde, et mit fin à la confusion, l’homme avait bel et bien été mis aux arrêts. Peu à peu le voile se leva sur le putsch.

GUINEE

On apprenait qu’il était l’œuvre du « Groupement des Forces Spéciales », une unité d’élite de l’armée, commandée par le Colonel Mamadi Doumbouya, qui apparut à la télé le lendemain pour son premier discours, entouré d’hommes en armes et des lunettes fumées au visage.  Ainsi la Guinée Conakry renouait avec les régimes militaires.

Le 05 Septembre 2024 l’homme totalisera déjà trois années à la tête de la Guinée !  Suite au « dialogue national inclusif « , une transition de trois ans avait été décidée en Mai 2022. En Octobre 2022, sous la pression de la CEDEAO, elle est ramenée à deux ans à compter du 1er Janvier 2023, ce qui amène à dire que la transition guinéenne doit s’achever le 31 Décembre 2024.

Le Colonel Doumbouya, est devenu général de corps d’armée depuis le 24 Janvier 2024, va-t-il tenir sa promesse et remettre le pouvoir au civil ?  Son nouveau premier ministre nommé le 27 Février dernier (il en a nommé trois depuis qu’il a pris le pouvoir), un certain Bah Oury, un vieil opposant, vient de répondre à cette préoccupation en admettant officiellement dans une interview au média RFI le 12 Mars dernier, que « la transition va certainement s’étendre jusqu’en 2025 ». L’homme n’a pas évoqué une nouvelle date. Les partis politiques sont vent debout, et des manifestations sont prévues.

Doit-on vraiment être surpris de l’évolution de la situation en Guinée ? Pouvait-il en être autrement ? Monsieur Doumbouya Mamadi n ‘a absolument rien d’un démocrate ? Depuis qu’il est dans la place quel changement peut-on mettre à son actif ? En fait, le constat est simple : une dictature en a remplacé une autre. D’alpha Condé à Mamadi Doumbouya, le climat social et politique reste le même.

GUIN2E MAMADI DOUMOBYA

Les manifestations sont réprimées, les hommes politiques sont internés, et le pouvoir est comme « verrouillé », exercé par un seul homme. Après l’idylle des trois premiers mois, le divorce est désormais consommé entre le CNRD, l’organe de la transition et les opposants guinéens qui reprochent au chef de la junte de vouloir s’éterniser dans la place.

Tout comme au Mali voisin, on voit difficilement Monsieur Mamadi Doumbouya remettre le pouvoir à un civil et se retirer. Et c’est bien là le drame de tous ces « régimes de transition ». Le retour des civils au pouvoir est loin d’être garanti. Et quand bien même un civil viendrait au pouvoir, rien ne dit qu’ils le laisseront diriger le pays. S’il se démarque de ses homologues du Sahel en ce sens qu’il maintient une coopération avec la France, l’homme fort de la Guinée Conakry reste quelqu’un qui s’est emparé du pouvoir par les armes. Ironie de l’histoire, l’unité qu’il commandait avait été mise sur pied officiellement pour lutter contre le terrorisme, mais officieusement pour parer à toute tentative de putsch.

Seconde ironie, sa mise aux arrêts était prévue pour le lendemain 06 Septembre 2021, l’homme était étroitement surveillé depuis que les services de renseignement du ministère de la défense avaient mis au jour ses correspondances  « suspectes » avec le colonel Assimi Goita.

Les deux hommes se connaissaient, pour avoir représenté leur pays dans une formation initiée par l’armée américaine à l’intention des armées ouest africaines en 2019, formation à laquelle le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba représentait le Burkina. Chacun des trois officiers on l’aura compris, a pris le pouvoir par un putsch dans son pays. On peut se poser des questions sur ces formations que les armées occidentales dispensent souvent à l’intention  des officiers africains.

En 1979, l’armée américaine dispensa une formation de pointe à des officiers libériens, l’année suivante l’un d’entre eux, le sergent-chef Samuel Doe, renversa le président. Ce n’est pas le seul exemple du genre. Après être rentré d’une formation en France en 1986, le Colonel Idriss Déby est accusé par le président tchadien de l’époque Hissène Habré, de vouloir le renverser.

GUINNNNE

Alpha Condé et Mamadi Doumbouya se connaissaient depuis la  France, l’un était opposant en exil, et l’autre soldat dans la légion étrangère.  En 2012 Mamadi Doumouya rentre en Guinée, il est conseiller auprès du Président Condé.

Méfiant à l’égard de l’armée, et se préparant à modifier la constitution pour « remettre à zéro le compteur des mandats », Alpha Condé décide de mettre sur pied le  » Groupement des Forces Spéciales » en 2018, (son second mandat prenant fin en 2020). Le commandement est confié à Mamadi Doumbouya avec qui il entretenait on s’en doute des relations étroites. Véritable garde prétorienne, cette unité ne dépendait pas de l’état-major des armées, mais directement de la présidence de la République. C’est un schéma typique des pouvoirs africains.

Le ministre de la défense a mis longtemps à convaincre le Président Alpha Condé du « double jeu » de Mamadi Doumbouya en qui il avait toute confiance.

Lorsque sa mise aux arrêts fut enfin décidée, ce fut un peu tard, car se sachant surveiller, l’homme savait son arrestation inéluctable, aussi avait-il déjà conçu un plan pour sa prise du pouvoir. « Informé » du jour de son arrestation, il  décide de passer à l’action  la veille. Ce putsch fut vraiment une surprise car à la suite de celui du Mali, le premier de la série, tous les régimes avaient pris des mesures pour parer à toute « éventualité ». Le régime du président Alpha Condé était réputé l’un des plus durs de la sous-région.

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Mais de même qu’il est impossible de faire échec au braquage d’une banque, s’il est organisé de l’intérieur, de même ce putsch était difficile à déjouer dans la mesure où l’unité en action était celle chargée de faire face à toute menace de putsch !! En cela on peut le dire, Mamadi Doumbouya a bel et bien planté un poignard dans le dos de son maître.

Sa démarche fut reprise en tout point par le général Tiani au Niger en Juillet 2023. Lui aussi dirigeait  la garde présidentielle, l’unité chargée de faire face à toute tentative de renversement du régime. Comme en Guinée, son limogeage et la restructuration de la garde présidentielle était prévue le 27 Juillet, et tout comme Mamadi Doumbouya avant lui, la veille soit le 26 Juillet il décide de prendre en otage l’homme dont il était censé assurer la protection.

Économiquement, ces régimes ont plombé tous ces pays, peut être excepté le Tchad car ici nous sommes dans une continuité. Les investissements se sont totalement taris en dehors des mines.  C’est bel et bien un retour en arrière. Ces messieurs n’ont aucun projet, ils naviguent à vue. La jeunesse n’a aucune perspective. Il est aujourd’hui certain qu’au Mali, au Burkina, au Niger, en Guinée et au Tchad, les militaires ne vont jamais relâcher le pouvoir et retourner dans les casernes.

Et il se trouve des intellectuels pour applaudir cette situation, la qualifiant de « libération d’ l’Afrique ». Il ne faut pas attendre de Mamadi Doumbouya qu’il respecte une quelconque promesse, qu’il rende le tablier et se retire. Ce serait trop beau pour être vrai. L’homme va se maintenir dans la place d’une manière ou d’une autre, car à l’instar de ses homologues, il est dans une sorte de fuite en avant.

par Douglas Mountain-Le Cercle des Réflexions Libérales

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