Geoffroy-Julien KOUAO : » COJEP, Trop de stratégie tue la stratégie »- la Chronique avec Le Debat Ivoirien de l’Écrivain politologue
Geoffroy-Julien KOUAO -L’élection des conseillers municipaux et régionaux est prévue pour le samedi 2 septembre 2023. Dans trois mois. Le RHDP, le PDCI-RDA, le FPI et le PPA-CI, les quatre principales formations politiques ivoiriennes ont publié les listes de leurs candidats.
Les observateurs attendaient la liste des candidats du mouvement des générations capables (MGC) de Simone Gbagbo et celle du congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (COJEP) de Charles Blé Goudé. Deux nouveaux partis dirigés par deux fortes personnalités. Contre toute attente, l’ancien leader de la galaxie patriotique affirme que son parti n’aura pas de candidats pour les élections locales de septembre 2023.
Pour le patron du COJEP, la priorité, aujourd’hui, est la réconciliation nationale. « L’objectif premier du Cojep et sa priorité, n’est pas une démarche électorale, c’est une démarche de recherche de paix pour rassembler de nouveau les ivoiriens…» C’est une posture politique respectable, mais pas pertinente voire convaincante. La recherche de cohésion sociale n’est pas incompatible, inconciliable avec des joutes électorales.
En quoi, la participation du COJEP au double scrutin de septembre prochain impacterait négativement la réconciliation nationale ?
Il existe déjà un cadre institutionnel pour conduire cette problématique : le ministère de la réconciliation et de la cohésion sociale. Un parti politique a pour objectif, la conquête, l’exercice et en cas de besoin, la conservation du pouvoir. Le changement de la société est le résultat de l’action politique. Pour opérer des changements politiques, il faut être dans les sphères du pouvoir. Le Cojep peut davantage contribuer au renforcement de la cohésion sociale avec des maires et présidents de conseils régionaux qui se réclament de lui.
Cette décision de ne pas être présent aux élections locales est un gâchis politique. Le COJEP a un bon vivier politique, avec des cadres jeunes et surtout brillants qui peuvent valablement incarner le renouveau politique réclamé par une majorité d’observateurs de la scène politique ivoirienne. Avec le système de la proportionnelle, propres aux élections locales, Charles Blé Goudé et ses amis avaient une opportunité de participer à la gouvernance locale. Un bon cadre d’apprentissage politique.
Est-ce à dire que le COJEP n’aura pas de candidats aux élections parlementaires, et surtout au scrutin présidentiel de 2025 ? Certes, l’action politique repose sur la stratégie, et à l’évidence le COJEP joue de stratégie ici, mais parfois sinon souvent, trop de stratégie tue la stratégie. Par ailleurs, je pense que notre système électoral a besoin de grandes réformes pour répondre aux exigences du présent et de la démocratie. Deux réformes me paraissent fondamentales, l’instauration du droit de vote à 16 ans et du droit de vote obligatoire. Le droit de vote à 16 ans pour moderniser le système électoral.
La majorité électorale, en Côte d’Ivoire, était fixée à 21 ans, 18 ans depuis la constitution de la deuxième république. Je propose, pour démocratiser davantage la participation électorale, que l’âge pour être électeur soit fixé à 16 ans. Le droit positif est un résultat. Le résultat de l’évolution sociologique, culturelle, intellectuelle, scientifique, technologique, démographique, idéologique de la société. Quand la société évolue, le droit évolue aussi par la double technique de la révision et de l’abrogation.
Aujourd’hui, à 16 ans, les jeunes filles et garçons sont en classe de terminale pour les uns et à l’université pour les autres (la majorité). A 16 ans, les jeunes sont nombreux à militer dans les mouvements associatifs et citoyens. Grâce aux nouvelles technologies de la communication, ils sont ouverts sur le monde et comprennent les grands enjeux des sociétés contemporaines. Je ne comprends pas pourquoi, une jeune fille ou un jeune garçon de 16ans, 17ans inscrits en 1ere année ou 2eme année de droit, de science politique, de sociologie, d’économie, de médecine, d’histoire, et j’en passe, ne puisse pas désigner son maire, son député, son président de la république.
Le vote à 16 ans va limiter l’apolitisme des jeunes.
Nous devons faire confiance aux jeunes en les impliquant dans le débat et le jeu politiques. Les jeunes ivoiriens de 16 ans et 17 ans, aujourd’hui, ont le minimum de maturité, de conscience civique et politique. Les instances de socialisation politique que sont la famille, l’école et les médias participent déjà au processus de maturation de la conscience politique juvénile. Accorder le droit de vote aux jeunes de 16 ans et 17 ans sera un gain de démocratie. Nous sommes dans un pays majoritairement jeune. 75,6% de la population a moins de 35 ans, mais cette majorité est gouvernée par la minorité du troisième âge
En Côte d’Ivoire, les jeunes constituent une majorité sociologique, mais une minorité électorale et politique. Notre pays doit suivre l’exemple des Etats, tels que le Brésil, l’équateur, l’Argentine en Amérique latine, l’Ecosse, la Slovénie, l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche en Europe, qui accordent déjà le droit de vote aux jeunes de 16 ans. En Iran, le droit de vote était à 15 ans. Le vote obligatoire pour légitimer l’action politique Le vote en Côte d’ivoire est libre. Malheureusement, cette liberté du suffrage fragilise notre démocratie en faisant de la Côte d’Ivoire, une démocratie de l’abstention.
Quelques exemples : le référendum constituant de 2016, sur 6.313.758 inscrits, seulement 2.678.601 électeurs se sont rendus aux urnes, soit un taux de participation de 42%. L’abstention était de 58%. En 2018, les élections communales et régionales ont fait respectivement 63,20% et 53,2% de taux d’abstention. L’élection législative de 2021 a enregistré un taux d’abstention 62,2% contre 66% en 2016. A Cocody, l’élection législative de 2021 a enregistré un taux de participation de 14,44% soit une abstention 85,56%.
Certes, notre droit positif ne prévoit pas de quorum de validité d’un scrutin, mais, à l’évidence, nous sommes face à un problème de légitimité. De ce qui précède, il serait avantageux pour notre démocratie que le législateur fasse du vote une obligation. Le vote obligatoire n’est pas antidémocratique.
D’abord, parce que, il sera instauré par le biais d’une loi référendaire, donc l’expression de la volonté générale, en sus, le vote obligatoire va renforcer la légitimité des élus et accentuer le contrôle citoyen. Enfin, le vote obligatoire peut bouleverser positivement le paysage politique en ne laissant pas le vote aux seuls militants de partis politiques aux réflexes partisans et conservateurs. Le vote obligatoire est instauré en Belgique, en Grèce, en Suisse, au Luxembourg, en Bolivie, en Egypte, en Thaïlande, au Liban, au Gabon, au Pérou, au Brésil, en RDC. Dans une démocratie, le vote ne doit pas être un droit, mais un devoir, une obligation. Chronique, par l’Écrivain politologue GEOFFROY-JULIEN KOUAO.
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