Afrique- »une CEDEAO décadente » : profil bas au Sénégal

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 La Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) est en pleine tempête au moment où elle vole en lambeaux. Mais au lieu de chercher à redorer son blason, en tapant du poing sur la table, elle choisit d’observer un profil bas au Sénégal.

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Contrairement à ses sorties musclées quand le processus démocratique est enrayé par des militaires, elle choisit d’arrondir les angles, uniquement pour sauver les apparences quand des civils au pouvoir se livrent au braquage électoral.

Il faut se convaincre qu’autant la CEDEAO abhorre les putschs militaires, autant elle s’accommode des coups d’État constitutionnels. Dans un cas, le premier, c’est le père fouettard qui sévit avec de lourdes sanctions.

Trois États parias, le Burkina Faso, le Mali et le Niger, dirigés par des régimes militaires payent le lourd tribut du renversement de régimes civils « démocratiquement élus »: fermeture des frontières, exclusion temporaire des organes de l’organisation, suspension des échanges économico-financiers, etc.

Avant d’y renoncer, la CEDEAO avait même envisagé de déployer « une force militaire en attente » au Niger pour réinstaller Mohamed Bazoum en matant la junte militaire du général A. Tchiani.

Ces trois pays de la région historique du Liptako-Gourma ont, de guerre lasse, rompu les amarres pour sortir, le 28 janvier 2024 et « sans délai », de l’organisation sous-régionale. Réunis au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), ils ont choisi de faire cavalier.

Ils doivent bien se frotter les mains, au regard de l’aventure entamée par Macky Sall, le président sortant du Sénégal. Ils se font certainement des gorges chaudes en observant la pusillanimité et la lâcheté du syndicat des chefs d’État de la CEDEAO.

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En effet, dans un autre cas, le second, l’organisation sous-régionale se transforme en parent débonnaire. Macky Sall croyait avoir fait le plus difficile. Il a limogé tous les douze membres de la Commission électorale nationale autonome (CENA).

Il a déroulé le rouleau compresseur contre Ousmane Sonko, son principal et plus sérieux adversaire: son parti politique, le PASTEF, a été dissous, le leader a été emprisonné et sa candidature à l’élection présidentielle, invalidée. Mais manque de chance. Bassirou Diomaye Faye, secrétaire général de l’ex-parti et bras droit de Sonko qui en a fait son plan B, se découvre, lui aussi et malgré sa détention, un adversaire redoutable au scrutin.

Et la partie s’avère loin d’être gagnée pour Mamadou Ba, actuel Premier ministre et homme-lige de Sall à la présidentielle, qui non seulement souffre d’une crise de légitimité, mais est fortement contesté même dans le parti présidentiel. Et le risque du basculement du pouvoir dans les mains d’une opposition vent debout contre l’impérialisme français au Sénégal, a été pris très au sérieux.

De ce fait, s’il a, à son corps défebdant, renoncé à un troisième mandat, Macky Sall veut sécuriser sa succession en provoquant une crise politique inédite au Sénégal. À l’instar des régimes militaires, il s’est accordé d’autorité, avec le soutien d’un parlement godillot, une transition politique jusqu’au 15 décembre 2024; le temps additionnel ou la prolongation à sa gouvernance en cette CAN 2023.

Ainsi, il a violé toutes les règles de la Constitution sénégalaise et du Protocole additionnel de la CEDEAO sur la bonne gouvernance et la démocratie, suscitant tollé dans l’opinion nationale et levées de boucliers. Face à la trahison, deux membres de l’Exécutif ont déjà présenté leur démission: la ministre d’État Awa Marie Coll Seck et le ministre secrétaire général du gouvernement Abdou Latif Coulibaly.

Dans ce branle-bas, l’organisation sous-régionale ne condamne pas le coup d’État en des termes clairs, mais se contente, dans du verbiage creux, de passer la pommade et caresser le putschiste civil dans le sens du poil. C’est l’illustration du schéma figé de l’antienne d’une organisation en pleine déconfiture et décadente. En 2020, la CEDEAO a joué, en un trimestre, deux scénarios discriminatoires.

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Si elle a stigmatisé le putsch du colonel Assimi Goïta, le 19 août, au Mali, elle a passé l’éponge sur le coup d’État constitutionnel, en Côte d’Ivoire, d’Alassane Ouattara, qui a effectué un sanglant passage en force pour briguer, le 31 octobre, un troisième mandat illégal et anticonstitutionnel.

La fuite en avant de la CEDEAO donne, par conséquent, des ailes. Et le chef de l’État ivoirien fait alors des émules parmi ses collègues qui se recrutent parmi les plus farouches opposants au pouvoir kaki. Ce sont désormais des larrons en foire.

Et c’est pour les tourner en dérision que le 22 septembre 2022 à la tribune de l’ONU, le Premier ministre intérimaire du Mali, le colonel Abdoulaye Maïga, déclarait que la partition des saintes nitouches de la CEDEAO rappelle « la triste histoire du chameau qui se moque de la bosse du dromadaire. » Et à cette allure, le fossé continue de se creuser entre la CEDEAO des peuples, qui s’aligne derrière les putschistes, et la CEDEAO des chefs d’État, désavouée, qui veut confisquer le pouvoir en usant de la force militaire.

Par F. M. Bally

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